Mon troisième safari-dédicaces : le FBDFQ 2012! (2e partie)
Écrit le mardi 08 mai 2012 par PG Luneau
le FBDFQ 2012, les dédicaces européennes
J’ai commencé, il y a quelques jours, à vous conter mon séjour au Festival de BD francophone de Québec, et je vous promettais une suite qui parlerait de mes rencontres avec les auteurs européens invités. La voici donc!
La première dédicace sur laquelle j’ai pu mettre la main, c’est celle de Yoann, le dessinateur de Toto l’ornithorynque, mais surtout le nouveau dessinateur officiel de la franchise des aventures de Spirou et Fantasio. Je vous ai déjà donné quelques détails de ma rencontre avec ce gentil monsieur dans ma critique de l’album #51 de cette série, Alerte aux Zorkons! (notamment en ce qui a trait au costume de groom que Vehlmann et lui ont tenu à réintroduire et qui deviendra un gag récurent dans tous leurs albums). Mais je peux vous rajouter quelques petits détails puisque monsieur Chivard (c’est son vrai nom!) s’est montré très ouvert à la discussion. C’est peut-être parce que je lui ai demandé de me faire un Fantasio, ce qu’il a trouvé original puisque tous les fans avant moi lui demandaient des Spirou, des Zorglub ou des Spip!
J’ai ainsi pu savoir qu’il est très content d’avoir décroché ce contrat, qui est de cinq albums minimum, à raison d’un par année. Il paraît que c’est question de faire sa marque, de regagner le lectorat et de lui imposer le nouveau look du héros! Par la suite, il pourra espacer ces publications, en les intercalant potentiellement avec des albums de Toto, puisqu’il dit avoir encore envie de faire revivre ce gentil petit ornithorynque. D’ailleurs, il tient trop à sa liberté créatrice pour ne se cantonner qu’à Spirou, et il affirme d’ores et déjà ne pas avoir envie de voir le célèbre groom devenir un boulet le contraignant à ne faire rien d’autre et le poussant vers la dépression, comme ce fut pas mal le cas pour le grand Franquin!
Un autre auteur qui a été étonné par ma requête, c’est Arthur De Pins, le dessinateur des séries Zombillénium et Péchés mignons! Quand je lui ai présenté mon Zombillénium tome #1, je me doutais bien que la grande majorité des gens lui demandait un dessin de la belle Gretchen, qu’on retrouve sur la couverture. J’ai donc décidé de lui demander de me faire le personnage masculin principal, soit Aurélien… et quand il m’a demandé si je le voulais en vampire ou non… j’ai répondu non!! «Eh ben, je crois que vous êtes le premier à me le demander, celui-là!» s’est-il exclamé, étonné. En fait, on s’est mal compris : comme Aurélien est d’abord humain, puis vampire ET démon, je voulais dire que je le voulais sous sa forme «vampire de base», et non pas dans sa phase «vampire géant démoniaque, tout boursouflé de muscles, à la Hulk»… mais ça ne fait rien, car il s’est mis à me faire un très grand Aurélien en veston-cravate, dans sa forme humaine normale, d’avant sa rencontre avec Gretchen!! Pour lui donner un air décontracté, il lui a même appuyé le coude sur le toit d’une voiture… voiture qu’il a dû compléter partiellement sur la page de titre!! «Pourquoi je me suis lancé dans ce dessin, moi, alors que je déteste dessiner des voitures?!» a-t-il lancé, à demi sérieux, en cours d’exécution!
Alors qu’il dessinait, je lui ai demandé ses projets pour la série. Il croit pouvoir échelonner son récit au parc d’attraction sur cinq albums, mais pour ensuite y aller d’un genre de série dérivée qui lui permettrait peut-être de reprendre certains personnages, mais dans un contexte différent, ailleurs qu’à la foire! Chouette idée!
Grâce aux questions posées par les gens devant moi dans la file, j’ai aussi eu la chance d’entendre monsieur De Pins nous expliquer que son tome #2, Ressources humaines, a été exécuté avec une version plus récente du logiciel qui a servi à faire le premier, version qui permet de zoomer sur ses dessins… à l’infini!!! Ça lui permet d’aller gorger ses illustrations d’une foule de minuscules détails que le nouveau mode d’impression dont son tome #2 a aussi bénéficié nous permet de mieux percevoir. Grâce à ces nouvelles technologies, De Pins peut donc nous offrir des dessins d’une richesse inouïe, puisqu’il peut maintenant, s’il le désire, aller dessiner le grain de beauté du visage du bébé que tient la maman qu’on entraperçoit à la fenêtre de la maison qui se trouve au troisième plan, loin derrière le sujet principal de la vignette. Des possibilités techniques qui rendraient fou certains maniaques du détail que je connais!...
L’auteur qui, incontestablement, s’est le plus défoncé à dédicacer, c’est Patrick Sobral, l’auteur des fabuleux Légendaires. Cette série cartonne tellement auprès des jeunes que j’ai eu peur de ne jamais pouvoir accéder à ce sympathique Français de passage. Aussi ai-je été plus qu’estomaqué de le retrouver, à un moment, seul à son stand!!! J’en ai profité pour lui demander de me dessiner un petit Gryf dans mon tome #5, parce que c’est mon personnage favori… et il m’a appris que presque la moitié des gens, jeunes ou moins jeunes, lui demande ce personnage à la fougueuse crinière!! Je ne peux pas être original à tous les coups!!
En fait, s’il était seul à ce moment-là, c’est parce que c’était une heure creuse, le vendredi vers 17 h 30 heures, alors que les groupes scolaires avaient quitté et que les familles étaient en train de souper avant de venir passer la soirée. Ainsi, il n’avait pas arrêté de la journée, et je l’ai vu à de nombreuses reprises, tout au long de la fin de semaine, avec des files de quarante ou cinquante personnes devant lui. Et généreux comme c’est pas permis, il dessine sans relâche (assez vite, tout de même) et reste en poste, même soixante ou soixante-quinze minutes APRÈS la fin supposée de son bloc de dédicaces, jusqu’à ce que le pauvre lecteur qui se trouvait à la fin de l’interminable file trouve son compte!! Wow!! Chapeau, monsieur Sobral, et gare à la tendinite!
J’ai bien aimé discuter avec lui (j’ai pu me le permettre puisque nous étions seuls!!). Je lui ai fait part de la grande popularité de ses albums auprès des jeunes du primaire, et il s’est montré curieux de notre système scolaire québécois à la minute où je lui ai dit que j’étais prof! Quand je lui ai dit que je n’avais lu que ses huit premiers tomes, attendant que le cycle formé par les tomes 9 à 12 soit complété pour poursuivre, il m’a affirmé que ce cycle d’Anathos a ceci de particulier qu’il est une charnière dans la série, qui devient un peu plus sombre, peut-être pour lecteurs plus âgés, «un peu comme les romans d’Harry Potter, qui s’adressent à un lectorat de plus en plus mature au fil des tomes» m’a-t-il avoué. Pour finir, il m’a montré la couverture de son tome à venir (le #15) de même que la couverture d’une nouvelle série dérivée qu’il a commencé à écrire mais qu’une de ses amies, Nadou, dessinera : il s’agit de Légendaires – Origines, qui présentera des aventures survenues AVANT l’évènement Jovénia, c’est-à-dire avant que ce groupe de héros ne soit relégué, comme tous les adultes de leur univers, à vivre dans des corps d’enfants. Comme les personnages seront adultes, dans cette nouvelle série, Nadou pourra y aller d’un trait un peu plus réaliste… mais la couverture qu’il m’a montrée laisse croire que la jeune femme dessine (et colorie) vraiment dans un style (et des tons) très en phase avec celui (ceux) de Sobral!… Et le beau de l’affaire, c’est que comme Patrick ne fera que les scénarii de ce nouveau projet, ça ne le retardera pas trop dans sa production de la série-mère, lui qui est d’ailleurs considéré comme une machine par ses collègues, avec sa moyenne de deux albums par année!!
Puis, le samedi, je me suis laissé tenter par un dessinateur que je ne connaissais pas du tout mais dont Arsenul m’avait dit le plus grand bien la veille au soir : Jérôme D’Aviau, dessinateur de la séries Ange le terrible et d’un très mignon one shot qu’il a mis trois ans à faire : le Trop grand vide d’Alphonse Tabouret. Quel homme sympathique, lui aussi doté d’une générosité splendide! D’abord, la genèse de ce projet est une épopée en soi : ayant surtout travaillé sur des projets où l’expressivité des visages était prédominante, il a d’abord voulu se donner le défi de dessiner cette fois des personnages presque sans visage, question de se forcer à faire passer l’émotion d’autres façons que par les mimiques! Puis, citadin n’ayant jamais eu à dessiner de forêts, avec faune et flore, il a voulu que le récit se déroule dans un contexte forestier : deuxième défi, donc, car c’est quand même un peu technique, tous ces arbres à dessiner sans que ça ait l’air répétitif. Finalement, n’ayant jamais travaillé à la plume et à l’encre, il s’est, en plus, imposé cette contrainte matérielle! Pire que ça : il a tenu à concocter sa propre encre artisanale, en cueillant des marrons avec ses enfants et en les faisant bouillir!! La concoction, une fois bien réduite, devient une encre brunâtre toute douce et subtile, avec laquelle il a fait tous ses croquis préparatoires… et avec laquelle il commet ses splendides dédicaces (j’ai eu droit à son petit Alphonse qui s’élance sur une liane, à la Tarzan, avec sa copine!)!
Quand je lui ai demandé de me parler de cet album, dont je savais très peu de choses (si ce n’est ce que j’en avais lu, plusieurs mois auparavant, sur le blog de mon ami Arsenul), il m’a confirmé qu’il s’agissait d’un genre de conte initiatique sur l’importance d’apprendre à gérer sa solitude et à choisir ses amis de manière intelligente et réfléchie. Quand je me suis exclamé sur la pertinence de ce thème pour moi, en milieu scolaire, il m’a avoué qu’une école française avait décidé d’exploiter son livre auprès des jeunes de huit et neuf ans comme une introduction aux discussions philosophiques! Il a semblé très intéressé à avoir de mes nouvelles si je décidais d’utiliser son livre dans ce sens, et je compte bien trouver un moyen quelconque de ce faire, sitôt que je l’aurai lu.
Anecdote amusante, D’Aviau a une phobie horrible : il craint qu’on lui touche le nombril!… Comme son petit personnage, en plein centre de sa couverture, est en bas relief, comme creusé dans le carton, tout le monde a tendance à y apposer le doigt… ce qui donne littéralement des crampes à l’auteur à chaque fois qu’il en est témoin!! Vraiment très drôle, ce type! Je me risquerai peut-être à ses Ange le terrible, finalement!
Mais Arsenul ne m’aura pas que perverti en me donnant le goût de rencontrer monsieur D’Aviau! En effet, il m’a dit tellement de bien des deux frères Jouvray (et de leurs dédicaces à l’aquarelle couleur!) que je n’ai pu me résoudre à les laisser filer : ce n’est pas comme si ces Européens passaient par chez-nous six fois par année! D’ailleurs, il y a si longtemps que je lis de bons commentaires sur la série Lincoln, une série où, apparemment, western, humour… et philosophie (?!) se côtoient!! Sans pouvoir pleinement échanger avec les deux frères (Jérôme, le dessinateur, et Olivier, le scénariste), parce qu’ils étaient en grand débat avec un ami à eux, j’ai quand même pu admirer le talent graphique de Jérôme, et la facilité déconcertante avec laquelle son scénariste de frère prend ses dessins et y rajoute une série de phylactères qu’il remplit de texte, de manière à créer une situation amusante! Chose certaine, si j’ai appris bien peu de choses sur eux (sinon qu’ils ont toujours eu le chic pour travailler dans le même atelier sans trop se prendre la tête : malgré leur fratrie – ou à cause d’elle !! – l’entente entre eux est très bonne), j’ai tout de même eu la piqûre et j’ai très hâte de lire le premier tome de ce fameux Lincoln, qui s’est presque noyé dans les prix, à sa sortie en 2002!!
Finalement, un mot sur LA grande star du festival, et j’ai nommé : Juanjo Guarnido l’illustre illustrateur de la sublimissime série Blacksad. (Il y avait bien une autre grande vedette, en la personne du dessinateur de Walking dead, Charlie Adlard, mais comme je ne suis pas encore assez mûr pour cette série d’horreur, et que le bonhomme est anglophone, j’ai décidé de m’économiser cette dédicace… et l’achat des 15 tomes – actuels, mais elle n’est pas finie! – de la série).
J’espérais pouvoir me faire dédicacer mon Blacksad #2, mon préféré, vendredi soir, puisque j’arrivais en après-midi. J’étais sûr que la file serait longue, mais en m’y mettant à 15 heures, je pensais être correct pour les dédicaces de 18 à 19h30… Mais j’ai appris avec stupeur que c’était déjà complet!! QUOI?!?!? Et oui! Pour cette vedette très courue, les organisateurs avaient décidé de fonctionner avec un système de coupons : 15 coupons seulement, donnés aux premiers demandeurs (le matin, donc!), garantissaient une dédicace. Après, il fallait s’inscrire sur une liste d’attente, et l’artiste allait décider, selon son humeur s’il voulait en faire trois, cinq ou dix de plus!! Donc, tous ceux de cette liste n’étaient même pas sûrs d’avoir la leur, il se pouvait qu’ils attendent des heures inutilement! Donc, je me suis bien conditionné à être le premier demandeur du samedi, pour être sûr d’être de la liste des quinze premiers assurés…
Après un réveil très matinal pour un samedi (parlez-en à Alain!), j’ai réussi à être à 8 h 40 parmi les dix premiers visiteurs du salon, avant même son ouverture, à 9 h 00. Sitôt les portes ouvertes, j’ai filé vers le coin BD et j’ai eu le bonheur d’être le premier nom sur la «Liste des quinze»!! Victoire! J’ai donc rencontré ce grand homme, d’origine espagnole mais qui a travaillé plusieurs années aux studios Disney de Montreuil, en France (sur les films d’animation Hercule et Tarzan, entre autres). Comme la plupart des gens lui demandaient de leur dessiner des Blacksad, un personnage qui en jette de par sa stature de marbre et son faciès sévère, j’ai plutôt opté pour un dessin de son acolyte Weekly, le jeune journaliste-belette, super dynamique et expressif! J’ai été gâté : il m’en a fait un avec un grand sourire et un regard en coin, très poseur! Je l’adore!
De plus, j’ai appris que s’il s’est lancé dans la série jeunesse Sorcelleries, que j’ai plus ou moins appréciée, c’était pour que ses enfants cessent de se faire traiter de menteurs lorsqu’ils disaient : «Notre papa, il fait de la BD!!». Comme Blacksad est une série très adulte (malgré les personnages animaliers anthropomorphiques), il est tout à fait logique que les jeunes copains de classe de ses enfants ne la connaissent pas. Ainsi, avec Sorcelleries, les jeunes Guarnido ont des preuves pour clouer le bec de leurs détracteurs!! J’ai aussi appris que l’artiste était actuellement à finaliser le tome #3 des Sorcelleries, qui allait sortir bientôt. Pour ce qui est des Blacksad, il m’a avoué que Diaz Canales (le scénariste) et lui ont actuellement des idées pour au moins quatre ou cinq autres tomes, mais qu’il y en aura sûrement encore plus puisqu’il s’agit d’une série qu’il adore dessiner. N’est-ce pas une excellente nouvelle pour nous, ça! J’ai même l’impression que c’est sur ce scoop fabuleux que je vais vous laisser pour aujourd’hui!!
Prochaine chronique : la troisième partie de ma visite à Québec… celles où je vous parlerai mes nombreuses rencontres avec nos créateurs d’ici!!! Que de beaux moments, encore, à raconter!! J’espère que vous serez au rendez-vous!?
À plus!!
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