#01 - LE RÉVEIL DU SERPENT
Scénariste(s) : Christophe LEMOINE
Dessinateur(s) : Jean-Marie WOEHREL
Éditions : Glénat
Collection : Loge noire
Série : 3 Imposteurs
Année : 2005 Nb. pages : 49
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre
Genre(s) : Historique ésotérique
Appréciation : 4.5 / 6
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À bas la débauche!
Écrit le dimanche 21 mars 2010 par PG Luneau
Quel étonnement j’ai ressenti à la lecture de ce joli album doré! D’abord, je n’en avais jamais entendu parler. La belle couverture orangée a tout de suite capté mon œil, à la librairie. Puis le graphisme, à la fois très clair, dépouillé mais précis, m’a charmé… sans compter que je suis déjà un grand amateur de la collection Loge noire, de chez Glénat, collection toujours tournée vers les sciences occultes et le médiéval. Le titre semblait annoncer une belle bisbille dans une secte quelconque. Le fier hidalgo, dessiné en pied sur la couverture, allait-il en payer les frais?!
À la lecture, toutefois, j’ai été sidéré par le caractère très cru des propos et des situations illustrés. Comment pouvais-je m’attendre à trouver, dans ce tome aux allures tout guilleret et lumineux, des orgies païennes, des désirs incestueux, des possessions démoniaques perverses ou une religieuse prise par derrière sur l’autel même de sa chapelle… et qui en redemande en injuriant son Dieu?!?!?! Sans être prude, j’ai été assez sonné par l’audace des auteurs. Surtout dans un album au style graphique si enfantin! Sachez donc que cette série en est une pour public averti!
Évidemment, le récit s’attarde plutôt à ceux qui cherchent à contrer ces luxures! En effet, nous suivons les déboires de Don Carlos, fine lame œuvrant pour la Couronne de Castille, que l’on cherche à convaincre de démanteler une secte d’hérétiques libertins qui sévit depuis la nuit des temps : les descendants de Caïn! Ceux-ci tenteraient de démontrer que, lors du Péché originel, le Serpent était «le gentil», et que le Dieu qui l’a puni était, lui, «l’abject» qui préfère du sang sacrificiel à une offrande végétale, comme ce fut le cas avec Abel et Caïn!
Notre gentilhomme est un peu réfractaire : il n’aime pas beaucoup les méthodes des inquisiteurs qui sévissent alors un peu partout en Europe! Mais quand sa propre sœur semble possédée par Satan en personne depuis qu’un certain homme a abusé d’elle, Don Carlos accepte de poursuivre l’homme en question. Un gentilhomme dont l’Histoire a d’ailleurs conservé le nom : nul autre qu’un certain Don Juan!
Présenter l’illustre séducteur comme le principal acteur d’une secte de pervers démoniaques, quelle intéressante idée! Surtout que le bougre aidera Don Carlos lors d’un duel, ce qui fera en sorte que, sur l’honneur, notre héros ne pourra pas attenter à la vie du célèbre tombeur avant de lui avoir lui-même sauvé la vie! Très original! Pour le reste, notre héros semble avoir mis le bras dans le tordeur d’une secte dangereusement puissante, et il devra guetter ses arrières (c’est le cas de le dire!!) s’il ne veut pas y laisser sa peau! Et quand vous comprendrez qui sont «les Trois imposteurs» du titre, il y a fort à parier que vous serez aussi étonnés que moi!
Plus grandes forces de cette BD :
- la couverture miroitante de la collection Loge noire. J’ai passé de longues minutes à rêvasser, perdu dans les éclats des paillettes dorées qui ornent la quatrième de couverture!
- le dessin simpliste, intéressant mélange de ligne claire et de réalisme… mais qui détonne quelque peu face aux propos très olé olé du récit! Le graphisme presque naïf de monsieur Woehrel rappelle presque celui des premiers 4 as de Craenhals! Pourtant, on est loin de leurs petites aventures gentillettes quand Don Juan prend plaisir à poignarder les belles qu’il sodomisait quelques secondes auparavant!!
- les couleurs très chaudes et «hop la vie!», tant sur la couverture que sur chaque planche. Elles sont très jolies, mais ici aussi, ça cadre très étrangement avec le contenu. Cette dichotomie dessin versus récit explique probablement les mauvaises cotes qu’a reçues cet album sur certains sites BD… Moi, étrangement, ça me plait bien, peut-être parce que ça allège l’aspect glauque de certaines scènes! Mais je peux concevoir qu’une majorité puisse ne pas apprécier.
- mon tome était vendu accompagné d’un ex-libris noir et blanc. Il est assez ordinaire (il représente seulement trois moines encapuchonnés), mais comme c’est un de mes tous premiers, il a une place spécial dans mon cœur.
Ce qui m’a le plus agacé :
- l’inconstance dans la présentation des ellipses. Parfois, celles-ci sont introduites à l’aide d’un parchemin déroulé en grande pompe en haut de planche, avec le nom de la ville et l’année. Certaines autres fois, un simple «vingt-huit années plus tard» ou «Rome», dans un encart standard au coin d’une case, semble suffire. Pourquoi ces «deux poids, deux mesures»? Les quelques minutes où j’ai cherché une raison logique pouvant expliquer cette incohérence m’ont fait perdre le fil de ma lecture, preuve incontestable que cette décision de mise en page nuit à la lisibilité du récit!
- quelques tournures scénaristiques où le «gars des vues» se fait un peu trop sentir. Pourquoi le héros retourne-t-il sur les lieux du crime seulement le lendemain matin? Et quel heureux hasard qu’il y trouve alors le pendentif de la morte, juste comme le fils de celle-ci l’épiait!
- une inquiétude soudaine : le premier tome date de 2005, le deuxième de 2006… et pas de nouvelle depuis!? Ça augure mal! Serait-on en présence d’une autre de ces séries abandonnées en plein milieu parce que jugées non rentables… ou trop choquantes? J’espère bien que non!
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