#43- LA BALADE DES 4 AS
Scénariste(s) : Sergio SALMA
Dessinateur(s) : Alain MAURY
Éditions : Casterman
Collection : X
Série : 4 As
Année : 2007 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit complet
Genre(s) : Quotidien
Appréciation : 5 / 6
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Génialissime renouveau salutaire!
Écrit le jeudi 13 août 2009 par PG Luneau
Ah! Les 4 As! Cette série a comblé mon enfance… Je me souviens encore d’avoir lu les 4 As et l’île du Robinson, une de mes toutes premières BD, des centaines de fois, avec toujours autant de plaisir, et d’avoir ri aux éclats, à voix haute, tout seul chez moi, alors que les quatre énergiques copains essayaient de remporter le Rallye olympique. C’était incontestablement ma série préférée.
Mais les 4 As, c’est aussi la fin de mon enfance béate. Je me souviens très bien m’être dit, après avoir lu les 4 As et le gang des Chapeaux blancs (que j’avais acheté avec mon propre argent de poche) : «Mais qu’est-ce qui se passe? Qu’est-ce que c’est que cette histoire à la con? Pourquoi mes personnages préférés en sont-ils rendus à vivre des aventures aussi ennuyeuses, répétitives et de plus en plus mal dessinées?» Et oui, c’est à travers eux que j’ai vécu ma première trahison littéraire! Et quelle trahison!
J’ai bien tenté de leur laisser une chance : je me suis fait donner en cadeau les tomes 18 et 19 : le Diamant bleu et la Licorne, pour confirmer mes soupçons. Mais j’avais bien subodoré : mes 4 As chéris étaient rendus de la merde, carrément, et je les ai délaissés, amer, sûr que la série allait sombrer dans l’oubli le plus profond.
Pourtant, pendant vingt ans, j’ai été sidéré. Non seulement vingt-deux autres tomes (apparemment tous aussi merdiques sur le plan des scénarii) sont parus, mais les personnages ne ressemblaient plus, graphiquement parlant, qu’à une horrible caricature bâclées d’eux-mêmes!!! Quand est-ce que Craenhals allait comprendre qu’il devait prendre sa retraite? Oh! Il a bien tenté de laisser ses pinceaux à son coloriste, Debruynes, mais ce dernier n’était pas plus à la hauteur. Quel gâchis! Ma série fétiche réduite à un gros tas d’immondices!!
Mais que vois-je, en 2007?!?!? Un nouveau 4 As, avec un nouveau style graphique?!?! Dessiné par un certain Alain Maury?! Et c’est Sergio Salma qui est au scénario?! LE Salma qui écrit et dessine la charmante série Nathalie, que j’aime tant?!?! Ça y est : après presque trente ans, je me risque…
Et quel beau risque!! Quelle charmante reprise en main que celle-ci!! Tel Hercule dans les écuries du roi Augias, Salma a balayé tout le crottin accumulé depuis des décennies et nous redonne un quatuor frais, moderne, sympathique et beaucoup plus réaliste que ce à quoi nous avait habitués leurs créateurs.
On retrouve donc quatre vrais ados décidant de passer leur dernier mois de vacances ensemble, après avoir travaillé fort pour accumuler l’argent nécessaire à leur petite excursion. Puisque personne ne s’entend sur quelle destination choisir, il est décidé que chacun entraînera les autres pour une semaine dans son lieu de prédilection!
C’est donc aux petits aléas de voyages de ces quatre jeunes que nous sommes confiés. Exit les navettes spatiales, les fantômes, les dinosaures et autres aberrations! Ces jeunes-là (qui ont repris leurs véritables prénoms – saviez-vous que Bouffi s’appelait en fait Jean-Louis?!) vivront des aventures à la hauteur du commun des mortels : une petite statue volée dans une vieille église de campagne, une cheville foulée, une jeune fille qui ne rentre pas chez elle un soir… Rien de plus! Pas de fuite en ballon dirigeable ou de combat avec une momie ramenée à la vie! Juste la vraie vie, suave de simplicité.
Certains douteront peut-être de l’intérêt que peut avoir un récit aussi doux… Peut-être n’est-ce qu’un récit pour les nostalgiques comme moi… Et bien tant pis pour eux : moi, je l’ai apprécié à fond.
Ces 4 «nouveaux» As, Dina, Jean-Louis, Théo et Marco, sont pour moi un brillant coup de cœur… et j’espère que d’autres tomes seront publiés avec ce même duo de créateurs!
Plus grandes forces de cette BD :
- les traits des personnages reviennent enfin à leur qualité d’origine. Merci, M. Maury, de nous libérer des horribles caricatures ratées que Craenhals (qui pourtant les a créés graphiquement!) et Debruyne nous imposaient depuis plus de vingt-cinq tomes! Avec M. Maury, nos quatre héros ont maintenant une tête que je situerais entre celles qu’ils avaient dans les tout premiers albums (alors qu’elles étaient un peu trop étirées) et celles de l’âge d’or de la série (comme sur les pages de garde). On ne peut que se féliciter de cette passation de pinceaux.
- l’audacieuse idée de faire en sorte que tout ce que le quatuor a vécu depuis le début de la série n’était que des cauchemars! Avouez qu’il faut avoir du culot pour utiliser une idée aussi éculée au 43e tome et, ainsi, balayer du revers de la main les 42 premiers !! En plus, c’est présenté fort habilement, par petites touches subtilement irrévérencieuses, tout au long de l’album. J’adore quand Marco (Lastic) dit : «Jusque là, ça ressemblait à des cauchemars idiots! Maintenant, ça devient carrément loufoques!...» Ça décrit effectivement l’évolution de la série, à ceci près que j’aurais plutôt utilisé les qualificatifs «amusants» et «endémiquement grotesques».
- le modernisme et le réalisme enfin insufflés à la série. Fini les quatre ados de seize ans qui cohabitent dans une maison, sans revenu et sans adulte répondant, et qui voyagent partout dans le monde (ou même dans l’espace!) sans argent et sans aucun compte à rendre à personne! Salma nous présente quatre ados réels : ils vivent chacun avec leur famille, dans leur petit univers personnel défini. Marco vit dans une tour d’habitation, et on voit sa mère. Dina fait l’épicerie pour rendre service à la sienne. On rencontre les parents de Jean-Louis, et Théo (Doct), le propriétaire d’Oscar, vit dans une riche villa car son père est médecin. De plus, chez ces gens normaux, les vacances doivent d’abord se payer. Bienvenue sur la terre ferme, les 4 As!
- les décors et les accessoires se modernisent et deviennent un brin moins caricaturaux. Les meubles de jardin sont en PVC, les appareils-photos sont numériques, les cellulaires et les voitures sont de notre époque. Bienvenue au XXIe siècle, les 4 As!
- la mise en page s’est enrichie d’une variété de plans et d’angles de vue : beaucoup de beaux plans d’ensemble, quelques plongées ou contre-plongées… Les arrière-plans sont beaucoup plus richement garnis, sans sombrer dans la surcharge. On est loin des sempiternels plans moyens, pris à la taille et sans aucun décor, des vingt dernières années! Bravo, Maury!
- en plus de leurs véritables prénoms, on apprend leur âge respectif : de 15 à 17 ans!
- quelques clins d’yeux amusants : On peut clairement apercevoir, dans la vitrine d’un vendeur de journaux, p.18, un panneau publicitaire de Nathalie, la petite héroïne de Salma, le scénariste. Puis, dans une bibliothèque, p.44, on retrouve, entre les œuvres de Molière et de Beaudelaire, un roman de Fantômette, illustre création de Chaulet, scénariste original de la série!
- Salma n’a pas hésité à faire jouer les contre-emplois aux personnages. Ainsi, la Dina folichonne, superficielle et écervelée de Chaulet s’intéresse maintenant aux églises et propose à ses copains de faire un parcours culturel sur la route de Compostelle! De même, ce grand intello de Théo se révèle, à la surprise générale, un très habile surfeur! Et que dire de Jean-Louis, le grassouillet, qui vivra un important flirt qui le fera délaisser momentanément la bande : incroyable!
- la tendresse toute simple qui se dégage de ce récit de vacances!
- l’écrivain-sculpteur-musicien-peintre Gérard Kabok, chez qui la bande de copains passe la fin de leurs vacances, est en train de rédiger un livre sur l’amitié entre jeunes aux tempéraments totalement différents intitulé… la Balade des 4 As! Doit-on y voir la caricature de Sergio Salma??
Ce qui m’a le plus agacé :
- puisqu’il le faut, disons simplement que Maury n’excelle pas à dessiner les chats. Certains de ceux de M. Kabok ont plutôt l’air de bouledogues! Sinon, tout le reste est parfait, tant au niveau du scénario que du dessin.
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