#02- SACRIFICE
Scénariste(s) : Eric SHANOWER
Dessinateur(s) : Eric SHANOWER
Éditions : Akileos
Collection : Regard noir et blanc
Série : Âge de bronze
Année : 2004 Nb. pages : 216
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (2/7)
Genre(s) : Aventure mythique
Appréciation : 4.5 / 6
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Une longue guerre a ses longueurs...
Écrit le mardi 14 juillet 2009 par PG Luneau
Ça y est! Après un long séjour de plusieurs mois en Égypte et à Sidon, voilà que Pâris est enfin de retour à Troie! Malheureusement, il ne revient pas avec la sœur de Priam, comme il le devait : c’est avec la belle Hélène, épouse du roi Ménélas, qu’il rentre chez lui, causant du même coup bien des émois.
En effet, si la pauvre Hélène espérait une entrée triomphale par les grandes portes de la ville, elle a de quoi déchanter : après la froideur courroucée de son nouveau beau-père, qu’elle doit supplier à genoux de ne pas la rejeter, elle a droit aux hystéries prophétiques de sa belle-sœur Cassandre, la devineresse incomprise.
De son côté, la flotte grecque joue de malchance, elle aussi. Bernée par une purée de pois terrible, la voilà qui débarque enfin sur des côtes et qui se lance à l’attaque, sous l’impulsion d’Achille… Ce n’est qu’à la fin du combat que tous réalisent qu’ils sont sur les terres du roi de Mysie, à des centaines de lieues au sud de Troie! Les pertes (et la honte!) sont si grandes que les Grecs décident de retourner panser leurs plaies chez eux… où ils prendront trois ans à rebâtir leurs forces !?!
Et quand ils sont enfin prêts à reprendre le large, un vent contraire se lève! Le devin Calchas est formel : il ne se calmera que si Agamemnon sacrifie sa fille aînée, la belle Iphigénie! Comment un roi peut-il se conditionner à donner la vie de sa fille pour calmer la colère des dieux? C’est ce que ce deuxième tome de la série l’Âge de bronze vous racontera.
Après un départ en force, ce récit sur la Guerre de Troie s’essouffle un peu… mais je suppose qu’il ne peut en être autrement, sur une épopée qui dure plus de dix ans! En fait, la narration est toujours aussi bonne, de même que les qualités techniques. Seulement voilà : les péripéties racontées ici sont moins intéressantes, tout simplement. L’ardent combat en Mysie, chez le roi Télèphe, est long, mais que dire de l’apparition de ce même Télèphe, difforme et puant, venu chercher réparation quelques années plus tard. Sa jambe purulente n’est pas suffisante pour rendre ce passage (25 pages!) intéressant. La valse hésitation d’Agamemnon, face au sacrifice de sa fille, a au moins le mérite d’avoir une portée dramatique qui suscite l’intérêt.
Souhaitons qu’avec un titre comme Trahison, le prochain tome soit plus dynamique…
Plus grandes forces de cette BD :
- la superbe mise en page de la quinzième planche, illustrant le dialogue entre Priam et sa nouvelle bru, Hélène.
- le choix de l’auteur d’aborder de front la relation amoureuse entre Achille et son compagnon Patrocle. Il est assez rare, encore aujourd’hui, que quelqu’un ait le courage d’aborder le thème de l’homosexualité dans une série grand public… C’était de circonstance, pourtant, compte tenu que c’était un thème assez commun dans la culture grecque de l’époque.
- les quelques illustrations pleine page qui parsèment le récit, chaque fois qu’un personnage se lance dans un délire ou dans la narration de souvenirs ancestraux. Dans cet opus, on a droit à trois de ces présentations non séquentielles : le souvenir d’enfance de Cassandre, les horribles incestes de la famille du roi Télèphe et les tragiques malheurs des Atrides, racontés par Agamemnon.
- l’omniprésence du vent, dans tout le dernier tiers du tome. On sent son irritante présence grâce à l’ingénieuse représentation symbolique que l’auteur a utilisée : les intercases horizontales sont toutes remplies d’un SHSHSHSHSHSHSHSH incessant. Très efficace!
- la grandeur d’âme de la jeune Iphigénie, lorsqu’elle accepte sa destinée. Digne et forte, elle affrontera la lame du sacrificateur avec noblesse, malgré les supplications de sa mère et la torture interne de son père, qui était pourtant revenu sur sa décision. On comprend pourquoi le grand Racine a choisi ce personnage comme héroïne pour l’une de ses plus grandes œuvres, en 1674.
Ce qui m’a le plus agacé :
- les péripéties, moins palpitantes.
- plusieurs longueurs, principalement tout l’épisode du retour de Télèphe, mais aussi quelques pages lors des tergiversations autour du sacrifice d’Iphigénie.
- plusieurs fautes d’orthographe de base! Je trouve difficilement acceptable que des erreurs aussi bêtes se retrouvent en aussi grand nombre (j’en ai relevé au moins cinq, sans chercher!) dans un bouquin de cette qualité. N’y a-t-il pas un correcteur, aux éditions Akileos? Il serait temps qu’il fasse son boulot! Le tout me porte même à m’interroger sur la qualité de la traduction. Je suis habituellement très peu regardant sur ce sujet, préférant encore lire une traduction peut-être mauvaise que de ne pas lire l’œuvre, mon anglais n’étant pas très fort. Ici, je dois admettre que j’encourage mes amis assez habiles dans la langue de Shakespeare à lire la version originale : ils risquent d’être plus satisfaits!
- à quelques reprises, certains personnages sont disproportionnés les uns par rapport aux autres, ce qui fausse l’effet de perspective. On le constate notamment à la planche #5, première case, où les deux personnages en premier plan ne cadrent pas avec Énée, qui approche. On peut le voir aussi à la planche #100, deuxième case, alors que le visage de Patrocle, habituellement superbe, ressemble plus à un masque grotesque de Dionysos tellement il est outrageusement bouffi, derrière celui d’Achille!
- l’absence de pagination est carrément chiante, surtout dans un tome aussi volumineux. C’est pourquoi la numérotation de la planche #100, au commentaire précédent, est peut-être fautive, je m’en excuse!
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