#34- L'ANNIVERSAIRE D'ASTÉRIX ET OBÉLIX, LE LIVRE D'OR
Scénariste(s) : Albert UDERZO, René GOSCINNY
Dessinateur(s) : Albert UDERZO
Éditions : Albert René
Collection : X
Série : Astérix
Année : 2009 Nb. pages : 56
Style(s) narratif(s) : Récit en un tome
Genre(s) : Humour, Hommage
Appréciation : 2 / 6
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Pour l'amour de Toutatis, faites que ce soit le dernier!
Écrit le lundi 17 mai 2010 par PG Luneau
Pour marquer le tournant de ma centième critique, je tenais à présenter une série culte. Qui de mieux qu’Astérix, mon idole, pour célébrer ma joie de rajouter un chiffre à la numérotation de mes critiques, d’autant plus que le petit blond moustachu a célébré lui aussi, l’an passé (2009), un anniversaire important, soit le cinquantième anniversaire de sa création…
Bon, évidemment, ce n’est plus un secret pour personne : cette série bat sérieusement de l’aile depuis le décès de Goscinny, son scénariste, en 1977. Plus de trente années de «battage» d’ailes, ça commence à être périlleux!! Uderzo essaie tant bien que mal (en fait, plutôt mal!) de concevoir des histoires par lui-même, mais sur la dizaine qu’il a pondue, je dirais que sa moyenne au bâton est assez faible, surtout en comparaison avec la vingtaine d’albums précédents. Au bout du compte, tout ce qu’Uderzo est parvenu à rendre, c’est une alternance d’albums à peine passables suivis d’albums carrément moches. Ça, c’était jusqu’au tome #33 : le Ciel lui tombe sur la tête.
Avec cet avant dernier album, le pauvre Uderzo a carrément touché le fond du baril! Quelle nullité que ce trente-troisième tome!! J’espérais de tout cœur, comme toute la blogosphère «bédéienne», que ce soit le chant du cygne du dessinateur et qu’il allait en profiter pour se retirer et vivre des redevances de ses œuvres antérieures… Malheureusement non : pour les cinquante ans du héros, il a persisté et a signé…
Mais qu’a-t-il signé, au juste? J’ai d’abord cru que ce trente-quatrième album, sous-titré le Livre d’or, allait nous présenter des hommages offerts par d’autres bédéistes, comme ça se voit assez régulièrement… Mais non. Ici, c’est Uderzo qui tente de glorifier lui-même son petit blondinet et son enveloppé rouquin. Mais pas dans une aventure! Non : il nous oblige plutôt à assister à une interminable discussion entre les célèbres villageois et tous les principaux personnages des trente-trois premiers albums de la série, tous «de passage au village à l’occasion de l’Anniversaire d’Astérix et Obélix» !!!?! Ainsi, tout au long des 56 pages de l’album, on ne fait que lire les suggestions de «cadeaux» ou de «festivités» que tout ce beau monde veut offrir aux deux guerriers les plus célèbres de la Gaule, pendant que ceux-ci sont partis à la chasse aux sangliers.
Voici le décor planté pour un gros ramassis de projections dans le temps (tant dans le futur que dans le passé), d’uchronies (et si Astérix s’était marié, que serait-il devenu?), de détournements d’œuvres d’art connues, etc. En soit, plusieurs de ces clins d’œil sont acceptables… Mais pourquoi avoir tenté de les incruster dans un scénario qui ne peut évidemment pas, de par sa nature, rester crédible et fidèle au microcosme qu’est le petit village d’irréductibles Gaulois? Il n’y a pas à dire, si Goscinny excellait pour implanter, dans des doses raisonnables, ce genre d’anachronismes hilarants, d’allusions à double sens ou de jeux de mots impayables, en les intégrant de manière tout à fait naturelle à ses scénarii, Uderzo sèche sur toute la ligne. Son talent à lui, c’était le dessin! Comme il n’a pas le millième du talent de son confrère pour scénariser, pourquoi s’entête-t-il? Qu’il prenne un nouveau scénariste compétent, au pire!! Chose certaine, ce collage de dessins, de vignettes et d’illustrations est tout sauf une histoire : pas d’intrigue, pas de péripéties, pas de conclusion. Rien qu’un gros soufflé qui fait patate quand on le sort du four!
Peut-être avez-vous noté que j’ai utilisé l’imparfait, quelques lignes plus haut, pour parler des talents de dessinateur d’Uderzo? Ce n’est pas une erreur. En effet, tout au long de ma (pénible) lecture de cet album, un doute m’a tenaillé : est-ce vraiment Uderzo qui est aux pinceaux? Les traits de plusieurs personnages sont de moins en moins ressemblants : est-ce dû à sa vue qui s’affaiblit grandement, paraît-il, ou serait-ce qu’il aurait déjà passé, anonymement, le flambeau à de jeunes poulains de son atelier?? Ça expliquerait les remerciements de la dernière planche. D’ailleurs, il est clair que plusieurs des cases (dont la couverture!) ont été colorisées ou modifiées à l’ordinateur, et que plusieurs des illustrations sont des repiquages d’albums antérieurs ou de produits promotionnels informatiquement transformés.
Bref, qu’elle qu’en soit la cause, avouons-le franchement : non seulement l’histoire est à chier (pardonnez mon langage, mais l’expression n’est malheureusement pas trop forte), mais même le dessin, pourtant si solide à la belle époque, se détériore maintenant à la vitesse grand V. Soyez raisonnable, monsieur Uderzo, et assumez la situation : l’heure de la retraite a sonné !!! Par respect pour monsieur Goscinny et pour l’excellence de votre œuvre commune, rangez dignement votre table à dessin, je vous en conjure!
Plus grandes forces de cette BD :
- les couleurs. Elles, au moins, sont restées fidèles aux albums de l’Âge d’or d’Astérix! Les à-plats verdoyants de la forêt et ceux azurés du ciel sont toujours prédominants et rehaussés de rouge et de jaune. Impeccable.
- le fait d’avoir fait venir tous les personnages marquants des albums précédents. C’est toujours agréable de revoir des personnages secondaires qu’on avait adorés : Pneumatix le facteur, les architectes Numérobis (l’Égyptien) et Anglaigus (le Romain), l’armateur Épidemaïs, l’androgyne comédien Éléonoradus, le terrible devin… Mais rappelons qu’ils sont pour la plupart très mal dessinés, comme si Uderzo ne les maîtrisait plus. Rappelons aussi qu’il est à peu près illogique qu’ils se côtoient tous en même temps!!
- voir Astérix en famille, avec femme et enfants. Un clin d’œil sympathique… mais qui rappelle des propos déjà abordés dans le tome le Fils d’Astérix.
- les emprunts aux grands artistes de l’Humanité. Le croisement d’Astérix et Obélix avec Léonard de Vinci, Rodin, Delacroix, Munch ou Arcimboldo donne des résultats amusants… qui auraient été tout à fait agréables de voir dans un album hommage… sans ce semblant d’histoire poche pour les justifier!
Ce qui m’a le plus agacé :
- la petite scène d’introduction, où on nous présente tout le village tel qu’il serait s’il avait vieilli au rythme des années. Si l’idée est amusante, le résultat est trop bancal pour être intéressant. Et Uderzo qui se caricature lui-même, portant veston/cravate tout ce qu’il y a de plus XXIe siècle, en auteur qui vient se justifier à ses personnages devenus vieux!!?? Mais qu’est-ce que c’est que ce foutoir!!! Saint-Goscinny, priez pour nous!! Chose certaine, on est presque content quand cet alter ego reçoit une torgnole de la part d’Obélix!!!
- la scène des différents looks vestimentaires d’Obélix à travers les époques. Elle aurait été très amusante si elle ne reprenait pas presque intégralement les portraits de l’arbre généalogique de la descendance d’Obélix tels que présentés dans Pilote en 1963 et repris dans l’album la Rentrée gauloise. Quand on est rendu à faire des reprises de reprise, c’est peut-être qu’on est dû pour se retirer à la campagne? Un seul ajout : le look «rappeur-graffiteur». C’est drôle… mais ça n’a rien à voir avec l’univers gaulois!! Et qu’est-ce que c’est que ce Marsupilami à tête d’Astérix?!?! Uderzo délire totalement, ou il en a fumé du bon!!!
- l’absence totale de scénario. Tout l’album est un ramassis de clins d’œil pas vraiment drôles, parfois sympathiques, souvent redondants, mais surtout : qui ne mènent à rien! Le prétexte pour en justifier l’amalgame, soit la recherche d’un cadeau d’anniversaire pour Astérix et Obélix, ne tient pas la route une seconde. On passe du pitoyable au pathétique! Est-ce que je vous ai dit que je souhaite ardemment qu’Uderzo cesse son massacre?
- la reprise du «Guide Coquelus des voyages». Ce document, rédigé par Goscinny, a été publié initialement dans le journal Pilote #347… en 1966!!! Vous l’ai-je dit, ce que j’en pense, du «génie» scénaristique d’Uderzo? Je me répète, mais quand on est rendu à ne pouvoir faire que des reprises, illustrées par des vignettes pigées dans les albums précédents, il est grand temps que ça s’arrête!
- l’accumulation de scènes ennuyantes. Celle, totalement incompréhensible, où Agecanonix déblatère sur l’évolution anatomique des deux héros (?! Mais où veut-il en venir, pour l’amour ?!), celle où les commères du village imaginent quelle serait la femme idéale pour Astérix et Obélix, puis celle où on nous présente un parc thématique à l’image des deux guerriers… Il y a aussi celle où le druide belge Septantesix nous présente les potions que la grandeur épique de nos héros lui inspire… En plus d’être fades, elles ne font que contribuer à la sensation de stagnation du récit… qui n’en est pas un!!
- l’interminable scène où l’artiste Éléonoradus veut écrire… un film? un dessin animé en marbre gravé? une pièce de théâtre?... Ce n’est vraiment pas clair! En fait, cette scène voulait surtout nous présenter des «blooppers». L’idée est géniale et elle aurait pu être très drôle : rappelez-vous le générique final du film Shrek! Malheureusement, les scènes choisies sont tirées de l’album Astérix et la Traviata, elles sont tout à fait anodines, n’ont rien de mémorables, et… je dois avouer n’avoir rien compris de ce qu’elles représentaient! Sont-elles supposées reproduire des erreurs survenues lors du «tournage»? Si c’est le cas, pourquoi avoir montré des «erreurs» aussi insipides et ambigües? En fait, j’ai l’impression que ces pages n’avaient pour fonction qu’à permettre à Uderzo de repiquer l’équivalent de deux ou trois planches dans des albums précédents… ce qui lui faisait autant de pages de moins à dessiner!
- la surabondance de vignettes très grands formats (pleines planches ou demi-planches). J’aurais pu les apprécier en me disant qu’elles me permettaient de mieux voir les beaux dessins, en plus gros. Malheureusement, je ne suis pas parvenu à m’enlever de la tête que ce n’était là qu’un deuxième stratagème pour épargner du travail au vieux dessinateur et sauvegarder ses yeux de plus en plus faibles!
- les dessins de plus en plus douteux d’Uderzo. Contrairement aux scénarii qui tombaient en chute libre depuis le décès du génialissime Goscinny, les dessins d’Uderzo continuaient, eux, de prendre du mieux de tome en tome… mais là, vraiment, c’est pathétique! On ne parle même pas de légères petites imperfections passagères : chaque planche a son lot de personnages aux proportions douteuses, même nos villageois préférés! Reconnaissez-vous Iélosubmarine dans la dernière planche, vous?!? Que se passe-t-il? En fait, j’ai vraiment l’impression que la majorité de ces vignettes ont été dessinée par des sous-fifres au talent fort inégal! Uderzo aurait-il complètement perdu la main? Si c’est le cas, il me semble que son studio et lui auraient au moins pu avoir la décence de trouver des nègres qui savent reproduire convenablement les icônes que sont nos si chers amis gaulois! Où s’en va-t-on, je vous le demande?! C’est à espérer sincèrement que le ciel nous tombe sur la tête!!
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