#15- COMPLÈTEMENT SURBOOKÉS!
Scénariste(s) : Bill WATTERSON
Dessinateur(s) : Bill WATTERSON
Éditions : Hors collection
Collection : X
Série : Calvin et Hobbes
Année : 1993 Nb. pages : 64
Style(s) narratif(s) : Strips ou Gags en une planche dominicale
Genre(s) : Humour fantaisiste
Appréciation : 4.5 / 6
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Quand la philosophie porte des culottes courtes!
Écrit le dimanche 18 octobre 2009 par PG Luneau
Ah! Calvin!! Quelle charmante petite peste! C’est toujours avec bonheur que je retrouve ce blondinet un brin démoniaque et son inséparable tigre en peluche à qui son imagination donne vie. Cette simple trouvaille visuelle est très habilement représentée. Hobbes est un grand tigre duveteux… sauf si une autre personne que Calvin apparaît dans la vignette : alors, on le voit sous sa réelle apparence, soit celle d’un toutou râpé un peu miteux.
En plus de son imagination puissamment débridée, ce qui frappe le plus chez Calvin, ce sont ses profondes réflexions philosophiques, souvent très sensées, mais qui sont totalement incongrues dans la bouche d’un gamin de six ou sept ans. D’autant plus qu’il les utilise dans le contexte de son quotidien, tout à fait banal, pour justifier ses étourderies et ses mauvais coups, sans aucun recul. On en a un bon exemple quand Calvin explique à son tigre de compagnie qu’il a renoncé à faire ses devoirs parce qu’il les juge mauvais pour son amour propre : «Ils renvoient l’idée que je n’en sais pas assez. Au lieu d’essayer d’apprendre, je préfère m’aimer tel que je suis.»
C’est avec ce genre de réflexions, pas si bêtes que ça, finalement, mais poussées à l’absurde, que le jeune homme et son tigre ont conquis le cœur de milliers de lecteurs à travers le monde, via les centaines de journaux qui les publiaient. Tous les recueils sont égaux à eux-mêmes et ce quinzième tome ne fait pas exception.
J’ai particulièrement apprécié certaines séries de strips qui s’enchaînent sur un même sujet. Celles portant sur la véracité de l’horoscope ou sur les différents magazines pour amateurs de gomme à mâcher (selon que l’on soit cultivés, aventuriers ou amateurs de cuvées exceptionnelles!) m’ont bien amusé. Idem pour les strips où Calvin décide que tout le monde doit dorénavant l’appeler «Calvin, le Garçon du Desssstin!» Et que dire des quatre planches, en fin d’album, où notre blondinet démoniaque doit faire une compo pour l’école! Il décide de sauter dans sa machine à voyager dans le temps (une boîte en carton qu’il a décorée lors d’une série de strips, dans un tome précédent!) pour aller dans son futur et s’emparer de la dite compo déjà toute faite, à l’heure où il doit normalement se coucher… Le malheur, c’est que le Calvin du futur ne l’a pas plus faite! Ça permet de savoureuses répliques surréalistes (mais parfois un peu confondantes, où une erreur s’est glissée, d’ailleurs!), entre notre Calvin (du passé), un Calvin du futur et un troisième d’un futur intermédiaire. Si LE Calvin original est déjà insupportable et fait en sorte que ses parents pètent leurs plombs régulièrement, imaginez ce que trois Calvin ensemble peuvent accomplir!! Délirant!
Bref, une excellente lecture, assez bien traduit, ma foi, pour les treize ans et plus.
Plus grandes forces de cette BD :
- les bouilles impossibles du héros. Même quand il n’est pas en train de faire des grimaces délirantes (si, si, ça lui arrive, parfois!), le visage de Calvin est si expressif qu’il nous démontre le dégoût, l’horreur, la béatitude, la satisfaction, le machiavélisme… comme aucun autre!
- les personnages secondaires. Tant ses parents que Susie ou son enseignante, Mme Wormwood, ils sont très amusants… On ressent tellement de compassion à leur égard : ce sont des saints de pouvoir supporter les humeurs si changeantes d’un tel gamin!
- la profondeur philosophique du héros et la pertinence de certaines de ses réflexions. Quel dommage qu’elles soient toujours tournées vers l’égocentrisme invétéré du personnage. C’est d’ailleurs l’intérêt de la série, et ce qui fait qu’elle n’est résolument pas destinée à un lectorat jeunesse, comme pourrait le laisser penser le style graphique assez enfantin.
- le noir et blanc. C’est assez rare (je suis assez pro-couleurs, en temps normal), mais dans le cas de cette série, je trouve que l’absence de couleurs souligne mieux la légèreté des propos et rappelle l’origine de la série, parue initialement dans les journaux.
- l’imaginaire débridé du héros. Toujours axés sur les dinosaures et sur l’espace, ces épisodes où Calvin prend ses rêveries pour la réalité sont toujours tordants, surtout quand on découvre le contexte dans lequel ces rêveries prennent formes, à la dernière case. Les épisodes qui font appel à ces univers permettent aussi au dessinateur de nous montrer un style graphique beaucoup plus réaliste, qui tranche avec son naturel très cartoonesque.
- les épisodes où Calvin confectionne des bonhommes de neige. Ceux-ci sont tellement déconcertants, avec leurs visages horrifiés! On jurerait que le jeune homme profite de ce passe-temps pour sublimer des instincts de psychopathe!! J’adore particulièrement les strips où le gamin agence plusieurs bonhommes pour en faire des espèces d’installations artistiques, ces grands tableaux en 3-D très in… Même si, dans son cas, ils sont presque tous dignes d’un film d’horreur et que je déteste ce genre de films, ses montages sont si grossièrement sculptés que je peux facilement dédramatiser et en apprécier le deuxième degré!
- la quantité de strips par album. À chaque fois que je lis un nouveau tome, j’ai l’impression d’en avoir pour mon argent car, mine de rien, ces albums sont assez longs à lire.
Ce qui m’a le plus agacé :
- les épisodes se déroulant dans la cabane dans les arbres, au club D.É.F.I. (Dehors les Énormes Filles Informes!). Ils viennent un peu moins me chercher et tournent un peu en rond. Toutefois, j’adore le nom du club, qui a le mérite de bien nous renseigner sur les priorités du dit club!
- les attaques quotidiennes de Hobbes, quand celui-ci s’amuse à sauter sur son maître qui rentre de l’école, comme s’il s’agissait d’une proie. Ce gag récurent est drôle, mais il est peut-être un peu trop exploité, dans chaque album, sans réelle variante. Ça finit par être lassant de voir le petit garçon se faire plaquer sauvagement au sol par son tigre de compagnie… surtout quand on sait que le tigre en question est, en réalité, un toutou!!!
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