#01- PYJAMA PARTY
Scénariste(s) : Christopher Longé dit CHRISTOPHER
Dessinateur(s) : Christopher Longé dit CHRISTOPHER
Éditions : la Comédie illustrée
Collection : X
Série : Filles
Année : 2000 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit complet
Genre(s) : Quotidien
Appréciation : 3.5 / 6
|
Que peuvent-elles bien se raconter, entre potes?
Écrit le mardi 04 janvier 2011 par PG Luneau
Avez-vous déjà assisté à une soirée-pyjama entre filles? Probablement, surtout si vous êtes de sexe féminin! Si vous êtes un gars, c’est moins sûr : vous n’avez possiblement pas tous eu le bonheur d’avoir, comme moi, une grande sœur à espionner!
Eh bien voilà votre chance de vous reprendre! Ce premier tome de la série les Filles vous permet d’assister au pyjama party organisé par Muriel. Avec ses quatre amies, Anna, Bénédicte, Chloé et Leïla, elles passeront une nuit blanche à échanger sur tout et sur rien, à se dévoiler, à se taquiner… Bref, à faire tout ce qu’on peut s’imaginer qu’une gang de filles dans la jeune vingtaine peut faire quand elle se rassemble.
Souvenirs communs, flirts ou histoires de baise, doutes personnels, petits désirs secrets, questionnements sur leur avenir ou questions loufoques de tests ridicules (du genre : « Si ton mec était un aliment, lequel serait-il?»), tout y passe, sur un ton tout à fait naturel. On jurerait que Christopher, l’auteur, est une fille… ou qu’il a été, comme moi, un as de l’espionnage de grandes sœurs!! J’opterais plutôt pour cette deuxième hypothèse, d’autant plus qu’il démontre une aussi fine acuité lorsqu’il dessine les relations entre gars, comme dans l’excellente série qu’il illustre pour Sylvain Runberg, les Colocataires. Quand on est fin observateur, on l’est en toutes circonstances, manifestement!
Christopher nous dresse donc le portrait de cinq filles fort différentes mais ayant toutes leur charme. Que ce soit Anna, la rêveuse aux idées farfelues, Ben, l’indécise un peu timorée, Chloé l’émancipée, Leïla la déterminée (pourtant encore pucelle!) ou Murielle, la terre-à-terre au vocabulaire moins pointu que les autres, vous ne pourrez faire autrement que d’y reconnaître une amie, une sœur, une collègue. C’est le grand intérêt de cette série. Pour ce qui est du dessin, il faut aimer le style un peu simpliste et hyper dépouillé de Christopher, qui n’en était encore qu’à ses débuts. Encore heureux que les couleurs soient vives et lumineuses, car les à-plats uniformes tiennent souvent lieu de décor!
Somme toute, un album bien sympathique que je crois assez révélateur de la jeunesse féminine. Je serais une fille de vingt ans que je coterais probablement 4 ou 4,5 car c’est un bon album. Mais je ne lui attribue personnellement que 3,5 sur 6, parce que la thématique est vraiment loin de moi.
Plus grandes forces de cette BD :
- la maquette de l’album, très graphique. J’adore le design du titre et celui du quatrième de couverture : même le code-barres fait class! La monochromie de la couverture, dans les teintes de bleu (le tome suivant jouera avec des variantes de rouge, puis le troisième de vert, etc.), donne aussi beaucoup de gueule à l’ensemble. Un seul bémol à déplorer : le nom de la série qui n’apparaît pas sur la couverture et qui est hyper discret sur le dos, inscrit en jaune sur fond orangé! Heureusement, il est repris en gros sur le quatrième de couverture ainsi qu’au verso de la page titre. Il est vrai qu’avec un nom aussi banal que les Filles, il aurait peut-être fallu noter le coup avec un peu plus d’emphase!
- plusieurs bons clins d’œil. J’ai bien aimé les flashes suggestifs d’Anna (trop souvent surnommée Nanouche!?), quand ses copines s’amusent à la ridiculiser gentiment et qu’elle perçoit ça comme autant de coups de couteau dans le dos! Ou celui des mots savants («Le pédologue, c’est celui qui s’occupe des homosexuels!» «Mais non, ça, c’est l’homologue!»). J’ai appris plein de choses en cherchant le sens de mots nouveaux comme proctologue ou prognathe… C’est fou ce qu’on peut être incultes!!
- les personnalités bien marquées des cinq protagonistes. Elles ont toutes un caractère bien défini, assez bien typé mais équilibré juste ce qu’il faut pour ne pas sombrer dans le cliché ou l’archétype. Ça en fait des personnages humains, auxquels on croit. Bravo, monsieur Christopher, pour cette justesse! La fille que j’ai préférée, contre toute attente, c’est la chaude Chloé, un peu trop dégourdie à mon goût, mais pleine de ressources et super ingénieuse quand vient le temps de trouver des solutions pour aider une copine!
- la construction de la trame narrative qui, l’air de rien, aboutit à de jolis revirements de situation. Le cas de Bérénice et de son petit ami possiblement infidèle en est un bon exemple. Au fil des horloges qui nous montrent régulièrement le passage des heures, les conversations semblent débouler en tous sens, de manière très naturelle… mais l’auteur nous réserve de bons recoupements discrets et quelques bons gags à répétition… preuve de son talent de scénariste.
- la thématique festive du pyjama-party, fort bien rendue. D’un abord joyeux, la soirée en vient à zigzaguer entre différentes émotions plus sérieuses ou graves, mais revient toujours au plaisir d’être ensemble, et ce qu’on retient de toutes ces conversations qui s’entremêlent habilement, c’est la belle amitié qui unit ces copines!
- les jolis décors urbains. Christopher glisse, à quelques trop rares occasions, de très belles vignettes montrant de fort intéressants plans généraux. On peut voir, notamment, une petite place centrale (p. 32), une église (p.38) ou la maison de Murielle, où se déroule cette nuit blanche (p.39). La simplicité des traits ne trahit en rien la beauté de ces lieux, bien au contraire : j’ai rarement vu des paysages aussi simplement rendus avec autant de gueule. C’est juste dommage que Christopher ne nous en ai pas réservé plus!
Ce qui m’a le plus agacé :
- certains référents qui me faisaient défaut. Par exemple, ma grande culture en littérature jeunesse ne m’avait jamais permis de croiser les dessins de Sarah Key : merci, Internet, d’avoir pu y remédier d’un simple clic! De même, la réplique d’Anna, dès la page 5, «Je suis 3615 défoule-toi!» n’évoque pas grand-chose dans ma tête de Québécois!! Maintenant, à tête reposée, j’en viens à supposer qu’elle fait possiblement référence au fameux Minitel auquel nos amis Français avaient accès, avant le grand boum Internet, mais je n’en suis pas sûr. Ces petits mystères ne nous empêchent pas de comprendre l’ensemble du propos, mais ils «picossent» quand même un peu son lecteur!
- la maladresse de certains dessins. Par exemple, la main de Muriel, au bas de la page 16, est assez étrangement dessinée. De même, quand Chloé fait son entrée, à la page 18, l’erreur de proportion de sa tête par rapport à son corps me semble assez évidente! Et, de manière générale, ses petits boudins de cheveux sont toujours dans des angles incongrus et peu réalistes. Christopher aurait gagné à être un peu plus soigneux. Autre élément graphique dont je ne suis pas certain de l’efficacité, c’est quand il utilise un point pour un œil et un petit ovale blanc pour l’autre, question de démontrer une expression de guingois chez ses jeunes personnages… C’est amusant et original dans un cartoon, mais il me semble que le style graphique qu’il a mis en place pour cette série-ci est une ou deux coches au-dessus du cartoon. Ces visages détonnent donc un peu trop parmi les autres dessins.
- le manque de variété des décors. Je comprends qu’on est dans un huis-clos et que nous sommes dans un album de dialogue, où il ne se passe presque rien, mais Christopher aurait pu essayer de varier un peu plus ses plans : l’album ne contient que presque exclusivement des plans rapprochés et des gros plans!! Comme, en plus, les décors se limitent trop souvent à des à-plats, c’est visuellement un peu trop monotone.
- certaines expressions trop franco-françaises pour moi. «Elle me calculait même pas!», ou «avoir les foies», ça ne veut rien dire, par chez-nous. Heureusement, les contextes étaient assez explicites pour que je puisse en comprendre le sens, mais il reste qu’on sent bien le décalage. C’est comme ce satané «marshmallow»!! C’est trop simple d’appeler ça des guimauves, comme tout le monde?? Pourquoi nos cousins de l’Hexagone s’entêtent-ils à utiliser ce terme anglais?? Speak white, non de Dieu!
|