#02 - L'OS À VOILE
Scénariste(s) : Michel Regnier dit GREG
Dessinateur(s) : Claude MARIN
Éditions : Dargaud
Collection : X
Série : Frère Boudin
Année : 1978 Nb. pages : 46
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre
Genre(s) : Fantastique médiéval, Humour, Historique
Appréciation : 4 / 6
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Un pélerinage où l'on s'accroche un peu trop les pieds
Écrit le mercredi 13 janvier 2010 par PG Luneau
Dans ce deuxième (et, malheureusement, dernier!) tome de cette trop courte série, le Frère Boudin poursuit son périple vers la Terre Sainte. En effet, on se souviendra que, pour faveur rendue, il se doit de rapporter la relique du saint-protecteur de son monastère jusque dans la tombe d’où elle a été prise. C’est toute une épopée que de traverser l’Europe médiévale avec un tibia dans son balluchon, tout miraculeux que soit l’os en question!
Je dois l’avouer, j’ai été un peu moins impressionné par ce deuxième tome. L’effet de surprise passé, il me semble que ce bout du pèlerinage est moins enlevant. Les rencontres que fait notre gentil moinillon ne sont pas aussi plaisantes que dans le premier tome, et tout cela s’étire un peu trop : Boudin parvient à Saint-Estropié sur Mer (le futur Saint-Tropez, apparemment) et ne fait que traverser, non sans écueils, la Méditerranée. La suite annoncée, un tome #3 intitulé l’Os rosse des sables qui n’a jamais vu le jour, semblait se centrer sur la traversée du désert, peut-être jusqu’à Jérusalem… Nous ne le saurons jamais!
En fait, le problème vient du fait que le plus grand intérêt de la série résidait, à mon sens, dans le petit peuple du monastère, la quinzaine de drôles de petits moines que Greg et Marin avaient mis en place dès le départ. Éloigner Frère Boudin si longtemps et si loin de son alma mater n’était pas une stratégie gagnante, surtout avec un tibia parlant comme principal compagnon d’aventures! Imaginez que Goscinny et Uderzo aient envoyé Astérix loin de son village pendant trois ou quatre albums, en compagnie d’un menhir parlant : croyez-vous vraiment que le succès aurait été aussi fulgurant?!?!
De toute façon, le destin a voulu que les deux créateurs abandonnent cette série au charme indéniable et au potentiel fort prometteur, l’un pour aller présenter son Achille Talon aux Américains (il l’avait rebaptisé Walter Melon pour l’occasion !), l’autre pour se faire engager dans les studios français de Disney.
Ça nous laisse un récit tout public beaucoup moins fort, auquel je donnerais 3,5 / 6… mais comme les dessins sont toujours aussi impeccables et que les jeux de mots sont aussi amusants sinon plus que dans le tome #1, je monte à 4.
Plus grandes forces de cette BD :
- les nombreux apartés ou renvois en bas de page des auteurs. À de très nombreuses reprises, Greg prend la parole pour s’adresser directement aux lecteurs, soit pour faire un rappel du tome #1, pour souligner un gag qu’on aurait pu ne pas détecter ou pour donner une explication amusante. Parfois, c’est le dessinateur qui en profite pour passer des commentaires sur le travail de son scénariste! Très amusant!
- les très nombreux jeux de mots, souvent fort sympathiques. Un peu comme dans Astérix, c’est dans les noms de villes ou de personnages que ces gags prennent place, le plus souvent : Saint-Estropié, Turche-col, monsieur d’Auday-du Moulin (lointain aïeul d’Alphonse Daudet!), Coubard et Bomsteau (allusion à peine déguisée à deux marins célèbres, Cousteau et Bombard)… Et c’est sans compter les loufoques explications pseudo-historiques sur l’apparition de tel mot, de telle coutume ou de telle chanson!
- le personnage de Turche-col qui s’offre pour devenir le biographe officiel de Frère Boudin. Sa présence permet au moine de passer du mode monologue, dont il n’avait pas le choix d’abuser, au mode dialogue, beaucoup plus dynamique. Ce nouveau personnage, un jeune intellectuel ambitieux, aurait pu, avec le temps, prendre la place de faire-valoir ou d’acolyte, et recueillir les confidences de Boudin. Et que dire de la superbe contrepèterie que son nom renferme!
Ce qui m’a le plus agacé :
- les erreurs de coloration de la couverture. Quand on compare avec le récit, on remarque tout de suite que Turche-col aurait plutôt dû être en bleu avec un bonnet rouge, et que le marin aurait dû porter une camisole rayée rouge et blanc avec son passe-montagne mauve. C’est à peine si on reconnaît ces personnages, sur la couverture, tellement les couleurs n’ont rien à voir!
- le lettrage des cris. En effet, contrairement au lettrage des phrases normales, les exclamations, les surprises et les colères sont calligraphiées avec des caractères d’imprimerie standards, trop parfaitement carrés, qui ne cadrent pas du tout avec la belle calligraphie manuelle du reste du texte.
- les péripéties sans intérêt, bien plus ordinaires que dans le premier tome. La chèvre de Monsieur Séguin, puis l’interminable partie de pétanque, la traversée de la Méditerranée avec ses sirènes et sa tempête… Rien de tout cela ne m’a emballé. En fait, je m’ennuie beaucoup des moines du monastère, dont je déplore amèrement l’absence!
- le tibia prend une très grande part au récit. Malgré qu’il nous soit sympathique, on ne peut pas dire que ça soit un personnage des plus intéressants à regarder évoluer sur des planches entières : disons que ça ne facilite pas le processus d’identification!
- le tome #3, qui se préparait à être la traversée du désert, jusqu’au caveau de Saint-Mesquin, en Terre Sainte, et qui n’est jamais paru!
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