#01- FRIVOLESQUE, VOLUME 1
Scénariste(s) : Étienne Desilets-Trempe dit DEZ
Dessinateur(s) : Étienne Desilets-Trempe dit DEZ
Éditions : Rémi Paradis
Collection : X
Série : Frivolesque
Année : 2015 Nb. pages : 68
Style(s) narratif(s) : Strips (Inspiration manga)
Genre(s) : Quotidien, Humour, Blogue, Hommage, Humour grivois, Thriller fantastique
Appréciation : 4.5 / 6
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Frivolesque, portail idéal pour bien s'initier au toujours fascinant univers des geeks asiatiques!
Écrit le mercredi 14 août 2019 par PG Luneau
Tomes lus : #1- volume 1
#2- volume 2 (2017, 5 /6)
Seriez-vous un otaku qui s'ignore? Ou même un hikkikomori en devenir, qui sait?
Comment? Vous ne comprenez rien à ce que je dis?! Eh bien, sachez que je ne connaissais aucun de ces termes, moi non plus, avant de me lancer dans Frivolesque. Maintenant, grâce à cette fascinante série, créée de toute pièce par un Québécois pure laine (si vous me pardonnez l'expression, qui peut faire un peu sectaire!), je peux vous dire que c'est avec grand plaisir que je m'y intéresse! ;^)
Non pas qu'il faille connaître ces termes (et bien d'autres : fujoshi, tsundere, yuri et yaoi...) pour apprécier les deux tomes existants de cette mignonne série! Au contraire, on parvient très bien à tout comprendre sans trop se casser la tête... Mais, à force de côtoyer les diverses héroïnes de l'univers un brin déjanté de Frivolesque, on finit par se familiariser avec ces termes et on peut même, comme ce fut mon cas, développer l'envie folle de foncer sur le Net pour en savoir plus!... Question d'encore mieux savourer les subtilités du monde dans lequel Dez, l'auteur, nous plonge doucement, avec humour et fantaisie.
Oh! C'est un univers somme toute assez familier : les 5 héroïnes habitent Québec (tout comme leur créateur, d'ailleurs)!! On y reconnaît les plaines d'Abraham, l'édifice Marie-Guyart, les boutiques et les rues qui font le charme de notre capitale nationale! Mais en tant que geeks et que fans de mangas, ces jeunes femmes peuvent toutes, à leur façon, nous partager un petit quelque chose qui nous sensibilisera avec ce que j'appelle la geekitude asiatique!
En effet, toutes nous permettent de découvrir un pan de ce monde au code si loin du nôtre! Tant Flore, la weirdo introvertie qui vit plus dans son imaginaire que sur terre, que Saki qui, sous ses allures de collégienne, a la mentalité de Uma Thurman dans Pulp Fiction (!?). Idem pour Gaia (qui est probablement, au final, une mutante ou une extraterrestre en balade sur notre planète) ou pour Marie-Neige (l'aguicheuse qui séduit toutes ses consœurs pour mieux les oublier quelques secondes plus tard). Même Chloé, la plus ordinaire des filles, celle qui ne fait QUE travailler dans une boutique de jeux vidéo, parvient à insuffler sa touche de légèreté naïve... une autre caractéristique propre à plusieurs types de mangas! Grâce à elles (et à leurs nombreuses copines), tout lecteur lambda pourra, comme moi, avoir une idée de ce que les mangas peuvent offrir. Un peu d'aventure, une touche de surnaturel, un soupçon de science-fiction, une lampée d'excitation libidinale lesbienne, le tout enrobé dans un quotidien tout ce qu'il y a de plus banal! Comment? Vous croyez que tous ces éléments disparates ne peuvent pas réalistement cohabiter?? C'est que vous ne connaissez ni les mangas (où tout est possible!), ni le génie scénaristique de Dez!
Dans mon cas, il y avait longtemps que les deux tomes de cette série me faisaient de l'œil. Et ce, pour plusieurs raisons : le joli minois de ces 5 héroïnes ; le trait à la manga de Dez, merveilleusement bien maîtrisé ; les couleurs éclatantes, comme je les aime ; et le format strip pour lequel j'ai un penchant certain. Mais un strip particulier, à la japonaise! En effet, Frivolesque est ce qu'on appelle un 4-coma, c'est-à-dire que chaque planche est toujours formée de 4 cases parfaitement carrées empilées à la verticale.
Au départ, j'ai entamé ces strips (qui s'enchaînent, parfois) sans trop d'attente préconçue. Le premier chapitre nous présente chacune de ces 5 héroïnes à l'aide d'une série de 3 strips. Les pions étaient posés, et je croyais qu'on allait continuer de les suivre, chacune dans leur petit monde bien distinct... Eh bien non!! Par une série de subtils entrelacements et d'imbroglios cocasses, toutes finissent par se rencontrer, pour finalement former un groupe de copines assez compact, entouré d'une foule de personnages secondaires (j'en ai dénombré AU MOINS 22! :^O).
En fait, loin de la série de gags légers à la chaîne, Frivolesque tient plus de la mosaïque gestalt, l'ensemble des strips donnant plus que la somme de leurs parties! Bref, je suis EMBALLÉ par cette rafraichissante curiosité, qui exploite, tricote, remâche et enlumine tous les codes des cultures manga et geek. Pour s'initier, il n'y a pas mieux : c'est beau, c'est bon, c'est accessible. Pourquoi s'en priver??! C'est à découvrir, dès 16 ans!
P.S. : Psst, Dez : le tome #3 est pour bientôt, j'espère?
P.P.S. : Je vous encourage fortement à aller fouiner allègrement sur le site officiel de cette série : Frivolesque.com! Vous y trouverez plein de détails sur les personnages, la série, l'auteur...
Ce qui m'a le plus agacé :
- le gag intitulé Piège (vol. #1, p.17). Et après avoir consulté le blogue de Frivolesque, je crois comprendre que je ne suis pas le seul que ce gag a un peu estomaqué! Bon... en soit, le gag est bon: il illustre bien qu'on ne sait jamais sur qui on tombe, et que lorsqu'on pose une question, il faut être prêt à en assumer la réponse! Mais après juste 16 pages, dont seulement 1 et demie avec cette étrange Marie-Neige, dont on ne connaissait même pas l'orientation sexuelle... c'était peut-être un peu tôt pour en venir au bondage, non?... Surtout que je croyais encore, rendu là, que cette série pouvait s'adresser aux jeunes de 12 ou 13 ans! C'est pas mal cette scène qui me fait monter ma recommandation à 16 ou 17 ans, finalement!:^S
- quelques petites erreurs de conception de vignettes. À deux reprises, dans le tome #1 (p.29 et 31), les appendices des phylactères se croisent. Ça aurait facilement pu être évité, et la lecture n'en aurait été que plus fluide! Heureusement, Dez semble s'être corrigé depuis car je n'ai plus repéré ce genre de phénomènes dans le tome suivant.
- une moins grande habileté à dessiner les visages d'homme. En effet, outre ses deux principaux personnages masculins (Ben et Fred), les quelques autres mâles ont des visages un peu trop inconstants et moins contrôlés. Ça tranche nettement avec l'aisance de Dez pour les visages féminins (qu'il doit pratiquer depuis beaucoup plus longtemps). On le remarque avec les visages de Nick, le coach de boxe, ou de Conroy, l'agent des Services secrets... Le pire exemple reste M. Bougainville, le père de Laurence et de Flore: ce vieillard a plus l'air d'un jeune maigrichon du secondaire, (mal) costumé et (mal) maquillé pour jouer le rôle d'un petit vieux dans une pièce de fin d'année! Dommage!:^(
Plus grandes forces de cette BD :
- la chouette cartouche du titre. J'aime bien le design, la typographie et les couleurs que Dez a choisis pour publiciser le titre de sa série. Ça fait, d'ailleurs, une jolie bannière pour son site web.
- le dessin à la manga. Comme je le disais plus haut, Dez le maîtrise merveilleusement bien. Bien sûr, les toutes premières planches sont tracées un peu plus malhabilement... Elles ne font que nous aider à constater la rapide évolution du trait de l'artiste. C'est fou, par exemple, quand on compare, dans le tome #1, le Ben Cartier de la p.11 et celui de la p.47! ;^) Dès le tome #2, on sent une maturité et une plus grande assurance dans les traits. Chapeau, Dez!
- la vivacité des couleurs. Wow!! J'adore littéralement la coloration de ces pages. Tout y est vif, vibrant, clair et lumineux! Ça cadre tout à fait avec la fraîcheur de la série. Encore une fois: chapeau, Dez!
- la grande diversité des personnages. Le nombre de personnages, tant principaux que secondaires, est impressionnant! Au départ, j'ai même eu un peu peur que leur grand nombre nuise à leur évolution respective... mais non!? On suit chacune des héroïnes individuellement, on les suit lorsque leur destin s'entrecroise et, au fil de leurs nombreux déboires, on finit par suivre l'évolution de tous les personnages secondaires qu'elles côtoient... et qui s'entrecroisent, eux aussi! ;^) C'est vraiment bien foutu! Surtout que chacun a droit à sa page de présentation détaillée... et est identifié à l'aide d'un petit logo représentatif! Un flocon lilas pour Marie-Neige, une étoile rouge pour Chloé, une tulipe rose pour Flore, un quartier d'orange pour Clémentine, une aubergine mauve pour Delphine, etc. En fait, Dez semble avoir le chic pour réinvestir des personnages qui étaient peut-être, à l'origine, conçus pour n'être que figurants... Ça semble être le cas pour Mylène et Catherine (les deux co-dessinatrices de mangas, amies de Delphine), pour Éléonore (la pseudo-web-journaliste) ou pour les deux copains de Mimi. C'est ce qui me laisse croire qu'on recroisera sûrement Nova, la jeune correspondante américaine de Chloé!! De toute façon, avec Dez, même les figurants ont leur heure de gloire (voir plus bas) ! ;^D (Mon perso préféré? Sans hésitation: l'insipide mais désopilante Clémentine! ;^)
- les intéressantes interrelations entre les divers personnages... et le mysticisme qui transcende tout ça! D'abord, comme je le disais, malgré leurs étonnantes spécificités, les personnages s'entrecroisent tous dans des contextes très variés et, surtout, crédibles (ce qui, à mes yeux, tient déjà du mysticisme!! ;^). J'ai même tenu à reproduire un genre de tableau des relations (comme celui de Laurence à la p.18 du tome #2, qui ferait une superbe illustration de page de garde, soit dit en passant! ;^), question d'y voir plus clair: les frères et sœurs, les collègues de travail, les copains de classe, etc. Puis, j'ai apprécié le mysticisme qui ponctue assez régulièrement l'album, soit par les extravagantes visions de Flore, les évidentes hallucinations de Chloé (qui croit voir une lutine de Noël!?) ou, mystifiantes entre toutes, les mystérieuses apparitions de Laurence, avec ses crapauds et son ours. Ici, je croirais lire du Liberty Medows tant l'absurde et le burlesque sont présents! D'ailleurs, au bout du compte, c'est l'évolution de toutes ces situations (et des autres) qui constitue tout l'intérêt des albums, plus que les gags en soient.
- les nombreux clins d'œil... à commencer par les caméos de l'auteur lui-même! J'en ai dénombrés au moins 4 (tome #1 p.36 et tome #2, 2 fois à la p.36 - dont une fois avec sa douce! - et une fois à la p.44). Sinon, j'ai apprécié retrouver des jeux (Colons de Catan - dont la version Star Trek - , UNO, Smallworld, Terra Mystica...) et des livres (Zidara 9, Hiver nucléaire...) que je connais. On a même droit au bon vieux logo de Radio-Québec... et à des figurines Frivolesque!! Je suis sûr qu'elles feraient fureur, celles-là! ;^D
- certaines situations humoristiques. Le gag de l'oncle Ben m'a beaucoup fait rire (p.52 du tome #1), ainsi que la différence d'âge entre Flore et sa sœur. De manière générale, j'ai trouvé les titres des gags, presque tous en un seul mot, assez bien choisis. Mais ce qui m'a littéralement fait crouler de rire, ce sont tous les gags en référence aux figurants! Principalement ceux avec les deux éternelles figurantes (Marianne et sa copine) ou les autres avec les sœurs-clones caissières/serveuses/vendeuses (qui sont 4, 5 ou 6, on ne sait plus!!). Non seulement ces figurantes sont-elles utilisées à outrance, mais cette outrance est soulignée à gros traits rouges par certains gags désopilants. J'adore ce genre d'humour décalé!
- le super punch final du tome #1, qui boucle la boucle avec la mystérieuse intro et jette un certain éclairage sur le Mystère-Flore! ;^) Tout n'est pas aussi brouillon que ça peut en avoir l'air de prime abord, et c'est là qu'on commence à réaliser que Dez nous conduit quelque part, même si le trajet peut paraître diffus! Le n'importe quoi de l'univers de Laurence, par exemple, n'est peut-être pas si incohérent qu'il nous le semble... C'est très finement amené! Bravo!
- le fait de reconnaître la ville de Québec, comme je l'ai mentionné plus haut. Ça aide à sentir ces jeunes filles plus proches de nous, à nous les rendre plus réelles...
- les belles illustrations qui closent le dernier tome. Ces petits bonus nous donnent encore des preuves du grand talent de l'artiste. J'aime particulièrement celles des p.60 et 67.
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