#01- LE VOYAGEUR
Scénariste(s) : Denis-Pierre FILIPPI
Dessinateur(s) : Étienne Jung dit J. ÉTIENNE, Silvio CAMBONI
Éditions : les Humanoïdes associés
Collection : les 3 Masques
Série : Gargouilles
Année : 2002 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre
Genre(s) : Fantastique médiéval, Héros animalier, Humour fantaisiste
Appréciation : 3.5 / 6
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Univers touffu, premiers tomes confus... Vive la persévérance!!
Écrit le jeudi 02 avril 2015 par PG Luneau
Tomes lus : #01 - le Voyageur (dess. J. Étienne)
#02 - la Clé du temps (dess. Silvio CAMBONI, 2004, 3,5 / 6)
#03 - les Gardiens (dess. Silvio CAMBONI, 2005, 56 p., 4 / 6)
#04 - Phidias (dess. Silvio CAMBONI, coll. : X, 2006, 56 p., 4 / 6)
Grégoire vit une période sombre qui le rend très maussade : non seulement ses parents l'ont forcé à déménager, mais, en plus, la façade de sa nouvelle demeure a vue sur le côté d'une collégiale, une espèce de grosse cathédrale moyenâgeuse! À douze ans, c'est bien le summum du ringard!! Et alors qu'il sort se balader, question de tâter le pouls de son nouveau quartier, le voilà qui tombe sur la bande de voyous locale, qui le prend en grippe tout autant qu'en chasse!! :^0 Sa seule planche de salut : grimper subrepticement au mur de l'église, et se cacher sur les toits!?!
Quel ne fut pas son étonnement (et le nôtre! ;^) de constater que les nombreuses gargouilles qui garnissent le vénérable bâtiment... parlent et prennent vie! Pire encore : elles semblent le reconnaître!!? En fait, en deux temps trois mouvements, il comprendra qu'il vient de faire un saut dans le temps, qu'il est au XVIIe siècle... et qu'il semble y être très bien intégré, car non seulement il porte les vêtements de l'époque, mais il s'y découvrira bien vite une famille, presque identique à celle qui l'attend chez nous, au début du XXIe!! :^O
Mais par quelle magie s'est-il retrouvé là? Et, surtout, pourquoi? Quel rôle aura-t-il a jouer en ce siècle où il ne connaît rien, alors que toutes ces gargouilles semblent le considérer comme un sauveur potentiel?? Mais sauveur de quoi?? Voilà le programme auquel vous convie cette intrigante série médiévalo-fantastique!
Pour ma part, c'est par le biais du dessin très coloré du tome #1 et de la thématique des gargouilles parlantes que j'en suis venu à m'intéresser à cette série. J. Étienne a su y marier ses divers éléments caricaturaux sans rien sacrifier à une certaine rigueur esthétique, plutôt léchée. Et l'idée de pousser plus loin la formule du Bossu de Notre-Dame de Disney (ce tome #1 est paru six ans après le dessin animé!) m'amusait bien. Je me suis donc procuré l'album, puis le tome #2, puis les autres... mais sans jamais les avoir vraiment lus!! Et c'est peut-être mieux ainsi, car si j'y avais plongé le nez au fur et à mesure, je ne me serais peut-être pas rendu au 4e!! ;^S
En effet, la lecture du premier tome m'a grandement laissé sur ma faim! Visuellement, il était très bien, mais le récit tournait tellement de coins rond, en sautant d'une péripétie à l'autre, sans aucune explication, que j'en ai été déconcerté. L'idée qu'un gamin déniche une espèce de passage temporel lui permettant de transiter à sa guise du XVIIe siècle à aujourd'hui me ravissait, et la perspective qu'il y devienne un mage aux puissants pouvoirs m'alléchait... mais trop de situations survenaient sans but apparent, sans lien les uns avec les autres, sans aboutissement satisfaisant... Bref, le premier tome, malgré ses promesses, m'apparaît comme un beau ramassis de trucs remplis de potentiel, mais dans un désordre désolant.
J'ai toutefois poursuivi ma lecture : pourquoi pas, tant qu'à avoir acheté les tomes suivants!! ;^) Le deuxième tome poursuit pas mal dans la même veine : ça rebondit de tous bords, tous côtés, Grégoire commence à pouvoir maîtriser de plus en plus de sortilèges magiques... mais on n'a aucune idée de comment il les acquiert, ni pourquoi (et lui non plus, de fait!! ;^)... Et le dessin est étonnamment différent!! C'est que le dessinateur a changé, ce que je n'avais pas remarqué sur les couvertures : c'est Silvio Camboni qui a pris la relève de J. Étienne, et il met plusieurs planches avant de prendre ses aises et de développer une fluidité plus naturelle, qui détonnera tout de même un peu de la netteté instaurée par le dessinateur original. Encore une fois, je ressors du tome #2 avec un sentiment mitigé... Mais je poursuis...
Et j'ai bien fait, car au fil des tomes, les petits nuages s'éclaircissent!! ;^) Si les dessins de monsieur Camboni se raffinent dès le tome #3 (et puis, à la longue, on s'y habitue et on oublie ceux d'Étienne), le scénario de monsieur Filippi commence à se dévoiler et, ma foi, ce qui apparaissait comme du grand n'importe quoi s'intègre peut-être, finalement, dans une organisation qui serait cohérente!!? Surprise!! Agréable surprise, même!! C'est comme si le pauvre Grégoire, secoué comme une balle de ping-pong dans les deux premiers tomes, commençait à mieux cerner (et nous avec lui!!) les relations qui unissent ses trois mondes : son monde originel (du XXIe siècle), son monde du XVIIe siècle et le monde de la magie, avec ses sauts dans le temps et la terrible bataille du Noir contre le Blanc qui s'y prépare... ou qui s'y est déjà produite, selon où l'on se situe dans le temps!
Bref, Denis-Pierre Filippi nous convie à un univers pas mal plus complexe qu'il n'y paraît, et je vous conseille de vous préparer à prendre des notes si vous êtes de ceux qui, comme moi, désirez ne rien perdre de toutes les subtilités de ce genre de récit! Si vous acceptez de traverser les deux premiers tomes sans vous laisser débouter par les si nombreux : «Tu comprendras plus tard que rien n'arrive sans raison.», et si vous décidez de faire «confiance à la magie.», «Chaque chose en sont temps...», vous finirez par découvrir que cette série, Gargouilles (à ne pas confondre avec notre propre Gargouille, le bonhomme à gros nez créé par Tristan Demers, le «petit génie de la BD québécoise» des années 80!) a beaucoup à offrir!
À partir de 11 ans.
P.S. : Avis aux intéressés : monsieur Silvio Camboni, dessinateur des tomes #2 à 8, sera présent au Festival de la BD de Québec, du 8 au 12 avril prochain!! Je ne sais pas vous, mais moi, j'y passerai, c'est certain!! ;^)
Plus grandes forces de cette BD :
- les couvertures, toujours avec des décors somptueux, invitants...
- les pages de garde et de titre du tome #1, illustrées des crayonnés du premier illustrateur. J. Étienne nous offre de sublimes plongées, et les crayonnés choisis nous permettent de voir tout le travail que nécessite ce genre d'angle de vue, à l'aide des lignes de fuite. C'est très impressionnant! ;^)
- la sympathie qui se dégage de Grégoire et de sa petite famille. Tout de suite, je me suis pris d'affection pour eux, notamment pour son père à la bouille si cartoonesque, un pédo-psy fleur bleue très doux et un peu à côté de ses pompes! Et que dire de Grégoire!! Son petit côté grognon désabusé le rend tordant de mauvaise foi! On l'adore tout de suite... Il est tellement dans l'incompréhension totale de ce qui lui arrive qu'on ne peut faire autrement que de s'identifier à lui (perdus comme on l'est nous-mêmes!! ;^) À noter : son caractère téméraire qui le pousse à sauter de sa fenêtre aux branches d'un arbre voisin ou à escalader sans faillir l'échelle qui mène au toit de la collégiale!! Ouf! Il n'a pas froid aux yeux, ce héros!! ;^)
- une fantasmagorie de l'ordre d'Alice au pays des merveilles! En effet, les créatures fantastiques que croisent Grégoire, Phidias et leurs amis ne sont pas souvent de l'ordre des centaures, des licornes, des trolls ou des autres standards du genre : ce sont plutôt des groûinfrs, des farfades des neiges, des glacieuvres, des plinges ligneux... Ça fait très différent!
- des petits clins d'œil sympa! Un à Goldorak, à la p.21 du premier tome... (Le plus drôle, c'est qu'aucun jeune ne connaît plus ce personnage, et encore moins ses répliques-cultes!! Il s'agit donc indéniablement d'un clin d'œil pour leurs parents!! ;^), puis un à Buzz Lightyear, d'Histoire de jouets, à la p.28 du tome #2. Dans le tome #4, monsieur Filippi y va même d'une sorte d'auto-promo, en mentionnant la présence de souffleurs de nuages... lui qui est l'auteur de la poétique série Orull, le souffleur de nuages!! ;^)
- la variété des gargouilles. Contrairement au Bossu de Notre-Dame, de Disney, on ne nous présente ici qu'un seul diablotin! Les autres sont très variées : un chevalier, une jolie bergère, un ange, un petit roi... De plus, on apprend à les connaître de plus en plus à partir du tome 3! J'ai hâte d'en savoir plus sur toute leur histoire! Un conseil, toutefois : ne vous attachez pas trop vite à elles : toutes ne survivront pas très longtemps!! :^(
- le parallèle entre les deux époques. Non seulement Grégoire a-t-il une famille très similaire au début des années 2000 et au XVIIe siècle, mais ceux qui les composent ont des noms presque identiques (Chloé/Clotilde pour sa sœur, par exemple). Il en va de même pour son inquiétante tante aux airs de mégère des films de Disney (Agathe/Aglaé), ses amis (Mélodie/Mélusine et Jérôme/ Géraud), le chanoine (père Philippe/Philomène)... et même ces petites frappes qui le harcèlent!! Tous ont leur place (et leur nom!) dans les deux époques!
- quelques personnages secondaires bien campés. Je songe particulièrement à Mélusine et Géraud, qu'on voit très peu, au final, mais qui m'ont tout de suite semblé très loyaux et sympathiques! C'est dire combien ils sont bien exposés pour que leur rôle s'établisse si rapidement et qu'on s'y attache aussi vite!! ;^) L'entrée en scène du personnage d'Edna, fille d'Aglaé (et donc cousine du Grégoire du XVIIe siècle), ajoute aussi une dimension très intéressante : elle devient à la fois la complice et rivale de Grégoire, sans qu'on sache trop pour quel clan elle travaille! On sent tout de suite qu'elle a beaucoup de potentiel... au moins autant que de caractère!! ;^) Et parlez-moi de ça, un vrai méchant!! Trop souvent, on édulcore les ennemis pour ne pas effrayer les jeunes. Ici, il coupe des têtes, rien de moins!! On ne voit pas le résultat, le dessinateur a bien pris soin de ne rien nous montrer, mais l'impact sur Grégoire reste le même : lui l'a vu, et il sait à quoi s'en tenir : le danger est plus que réel!
- de bons petits gags, souvent axés sur les anachronismes. J'aime bien le gros mot très habilement camouflé dans le «Et mer... credi!» que Grégoire lance quand il fonce dans un arbre, au bas de la p.28 du tome #2! ;^) Et que dire lorsqu'il parle de physique nucléaire et du docteur Spock au futur époux de sa sœur, au XVIIe siècle!! Tordant! ;^D
- quelques bons mystères. Qui est l'encapuchonné du premier tome?? Et quel bon suspense, à la fin de ce même tome : le «loup» est dans bergerie!!!?? Dire que Grégoire ne semble même pas s'en rendre compte : angoisse!!! ;^)
- les résumés des tomes précédents, tout en enluminures, en début d'album (à partir du tome #3). Que voilà une jolie façon de nous remettre en contexte (et, par la bande, de nous expliquer certains détails qui restaient obscurs!!) et de nous aider à mieux replonger. Par contre, je suis loin d'être sûr que ces condensés se suffisent à eux-mêmes et que quelqu'un qui débuterait par le tome #3 ou 4 comprendrait tout à la perfection...Le récit demeure trop riche et intense pour pouvoir le «prendre en vol» avec satisfaction!! Mais ces résumés offrent tout de même un excellent rappel pour ceux qui ont espacé leur lecture... ou après le traditionnel délai de production d'un an qui sépare la sortie de chaque album, par exemple! ;^)
- le cahier des sorts, une sorte de parchemin illustré au début des albums #3 et 4 pour nous expliquer les différents sortilèges que Grégoire maîtrise, et la formule qui permet de les déclencher. Encore ici, il s'agit d'un outil très intéressant pour nous éclairer, pauvres lecteurs, sur le potentiel du héros, et sur les possibilités précises de chacun de ces sorts qu'il a grappillé à gauche et à droite, au fil des premiers albums! ;^)
- l'amélioration notable qu'on peut constater à partir du milieu du tome #3. Tant au niveau du rythme des aventures (on prend le temps d'à peu près boucler une péripétie avant d'enchaîner la suivante), des explications (on nous explique pourquoi Grégoire se téléporte parfois en enfant, parfois en jeune adulte, par exemple) que de la netteté des dessins de monsieur Camboni, tout s'emmieute, et c'est bien tant mieux!! ;^) Il est vrai que toute la fin du tome #3, avec son combat épique, le début des disparitions des gargouilles, le béguin de Grégoire pour Edna et la possibilité que celle-ci se dédouble, on a matière à suspense et à vives émotions : yahou! ;^) Monsieur Filippi sait peut-être où il s'en va avec toutes ces complexe histoires de sauts dans le temps et ses innombrables personnages, finalement!! ;^)
- les scènes se déroulant à notre époque. Comme la majorité du temps, Grégoire s'évertue à régler des problèmes au XVIIe siècle ou lors de ses voyages dans le passé, on le voit assez peu souvent, finalement, de nos jours. Pourtant, ces moments auprès de sa famille ou à l'école sont toujours très amusants! L'intro du tome 3, par exemple, en est un bel exemple. En fait, toutes les scènes passées en famille, tant celles à notre époque que celles à la Renaissance, sont amusantes, car c'est là que le caractère cinglant de Grégoire prend toute son ampleur : qu'est-ce qu'il est drôle, ce champion du sarcasme! ;^D
- la page d'autocollants offerte avec la première édition du tome #4. Je pourrai afficher des tas de gargouilles, de Grégoire et de créatures diverses sur tous mes objets personnels : 28 beaux collants!! Chic!!
- quelques beaux panoramas. Celui de la ville portuaire, dès la première case du premier tome, mais aussi celui de la ville des Elvegrënes (tome #3, p.30), qui se fait assiéger huit pages plus loin... Puis il y a les montagnes enneigées de la carte baladeuse, dans le #4 (p.27)...
Ce qui m'a le plus agacé :
- l'absence d'explication d'aucune sorte, dans les premiers tomes! Comment Grégoire est-il reculé de 400 ans en grimpant une simple échelle? Comment se fait-il qu'il se «découvre» magicien au fil du récit, capable de maîtriser de plus en plus de sortilèges sans que personne, souvent, ne les lui enseigne? Il arrive par exemple à «voir» le passé simplement en appliquant ses mains sur une fresque, au début du tome #2! Si la plume magique que lui offre le petit dragon, dans le premier tome, lui permet de s'envoler, il y parvient sans elle dès le deuxième, mais sans qu'on en apprenne la raison... Et le foutu Groûinfr qui apparaît toujours au bon moment, sans que Grégoire ne contrôle rien!! Ça donne l'impression d'un récit bousculé (en deux strips, il trouve une clé, chez sa tante, et la détruit... Pourquoi??), qui ne sait pas trop où il s'en va... et tout y est abordé de manière un peu trop superficielle. Heureusement, ça se replace un peu à partir du 3e tome!
- le changement de dessinateur. Non pas que les dessins de monsieur Camboni ne soient pas intéressants!... Mais je suis toujours déçu, en tant que lecteur, quand un artiste décide de ne plus respecter sa part de l'espèce de contrat moral qu'il prend par devers moi en débutant une série. Je n'ai aucune idée de la raison du départ d'Étienne Jung (je sais, toutefois, que ce n'est pas un décès, j'ai vérifié!! ;^), mais la situation fait malheureusement en sorte que j'ai dorénavant moins le goût de lui faire confiance... :^(
- la sous-exploitation du personnage du prof d'histoire. À la fin du premier tome et au début du second, on crée tout un suspense avec ce sombre et inquiétant personnage qui risque de menacer Grégoire dans sa vie actuelle puisqu'il vit, lui aussi, de nos jours... Mais on passe ensuite deux tomes à ne plus le revoir, sinon une fois, dans le passé, où l'on est témoin de sa cruauté. J'ai trop hâte de savoir comment se passeront leurs prochaines confrontations, lors des cours d'histoire!? Que veut-il exactement? Comment Grégoire pourra-t-il se prémunir contre lui? J'espère que les tomes suivants (au nombre de 3, actuellement) sauront nous le dire!!
- certaines scènes pas trop explicites. À la p.11 du deuxième tome, Grégoire fait en sorte que les créatures magiques qui s'affrontent perdent momentanément leurs pouvoirs... mais j'ai mis trois relectures à le comprendre tellement c'est subtil!! Je n'ose pas songer à ce qu'en comprendront les jeunes lecteurs de 11 ans!?! De même, les explications du grand combat entre le Mage noir et les Mages blancs, aux p.13 et 14 de ce même tome, se terminent de manière un peu bancale. Mais le pire cas, c'est la transition entre les p.27 et 28 du tome #4!! J'ai l'impression qu'il manque une ou deux planches complètes entre ces deux scènes : c'est d'une incompréhension totale!! ;^S
- le très grand nombre de personnages. Pour moi, ce serait presque une force : j'adore les sagas avec des tonnes de gens qui s'entrecroisent... mais dans la littérature jeunesse, ça s'avère délicat!! Dans ce cas-ci, compte-tenu des deux mondes parallèles ET des voyages dans le passé qu'effectue Grégoire, la liste des personnages récurrents est vraiment impressionnante. Je vous suggère de débuter à les lister dès le départ, car ça n'en finit plus d'affluer!! ;^) Encore dans le tome #4, des figurants des tomes précédents prennent de l'importance : maître Wilgur, Wallace...
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