#08- LES NAUFRAGÉS DES ABYSSES
Scénariste(s) : Daniel PECQUEUR
Dessinateur(s) : Nicolas MALFIN
Éditions : Delcourt
Collection : Série B
Série : Golden City
Année : 2009 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre
Genre(s) : Anticipation
Appréciation : 5 / 6
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Quand le Joyau des mers fait un Titanic de lui-même!
Écrit le samedi 23 avril 2011 par PG Luneau
Si la série Seuls est la meilleure série jeunesse des dernières années, je crois que je peux maintenant déclarer officiellement que la série Golden City est ma plus belle découverte du côté des BD plus adultes! Rares sont les séries qui réussissent à garder une moyenne de 5,5 (sur 6) au fil des tomes, et celle-ci y a réussi sans conteste tout au long du premier cycle, qui était constitué de six volumes.
Ces premiers albums nous présentaient toute la richesse de l’univers à peine futuriste créé par Daniel Pecqueur. Ce talentueux scénariste nous y dressait le portrait de Golden City, la toute puissante, une impressionnante ville flottante, vaisseau titanesque où vivent en permanence les plus riches humains de la planète, pendant que cette dernière dépérit et que tout le reste de la population mondiale tente d’y survivre malgré la montée du niveau de la mer, du taux de chômage et de la pauvreté endémique qui sévit partout. On y faisait aussi la connaissance de Harrison Banks, un parfait dandy qui, en plus d’être richissime, charmant, courageux et beau comme un cœur, est d’une moralité à toute épreuve. En plus d’être le principal administrateur et le plus influant actionnaire de Golden City, ce bellâtre deviendra, il va sans dire, le héros de la série!
En effet, le petit univers aseptisé de notre Mister Perfect est soudainement bouleversé quand son épouse est portée disparue, suite à un accident d’avion! Lui seul ne croit pas à la thèse de l’écrasement en mer, et c’est ce qui le pousse à quitter le giron de sa citadelle flottante pour se risquer de par le vaste monde… le vrai monde! C’est là qu’il mènera une enquête passionnante, accompagné d’une bande de jeunes adolescents au grand cœur qui vivotent de larcins mais qu’il apprivoise facilement. Une fois sur la terre ferme, le pauvre Banks réalise qu’il vient de mettre le doigt dans un engrenage machiavélique mis en place longtemps auparavant, mais que la disparition de sa femme a enclenché. Six tomes d’enfer, à un train d’enfer! J’ai adoré de A à Z, littéralement!
Un second cycle a débuté avec le tome #7… mais j’ai lu ce dernier il y a si longtemps que j’avais oublié qu’il se terminait sur une palpitante fin ouverte, qui appelait une continuation!! En effet, une autre bande de malfrats a réussi à assiéger la ville… et l’a forcée à passer en mode «sous-marin», une fonctionnalité du «bâtiment» qui n’avait été testée qu’à vide, avant l’aménagement des centaines d’habitants qui résident maintenant dessus. Les ballasts feront-ils leur boulot? Les parois externes supporteront-elles toujours la pression des abysses, une dizaine d’années plus tard? Les personnages principaux s’en sortiront-ils vivants?? Que d’angoisse!
Et bien il faudra attendre longtemps avant d’avoir les réponses à ces questions, car rien ne va plus! Le tome #8 nous dresse, en parallèle, le récit de l’énorme mission de sauvetage (qui tentera d’atteindre la ville, qui a sombré à trois milles mètres de profondeur) et celui de la jeune Mifa, en surface, qui tente de retrouver le kidnappeur de sa protégée, Loli, une des plus jeunes membres de sa bande. Pendant 40 pages, aucune nouvelle de Banks ni des autres jeunes du groupe, tous prisonniers dans la ville engloutie.
Je dois avouer que ça m’a fait étrange de ne plus avoir Banks, ni la joyeuse bande d’Enfants perdus, pendant toutes ces pages. Les auteurs ont bien impliqué la belle Amber, sulfureuse tueuse à gage professionnelle qui avait charmé plus d’un lecteur dans le premier cycle, mais la grande majorité des personnages, comme toute l’équipe envoyée pour le sauvetage, par exemple, étaient nouveaux! Convenez avec moi que c’est un peu déstabilisant, après sept tomes! C’est principalement pour cette raison que je ne donne qu’un «maigre» 5/6 à cet album, au lieu des 5,5 ou des 6 que j’aurais donnés aux sept premiers tomes si j’avais fait leur critique sur ce site… (Et ceux qui me connaissent bien savent que 5/6, pour moi, c’est déjà très excellent!).
Sur le plan graphique, ce tome est fidèle à tous les autres : ce sont tous des joyaux!! J’adore la ligne claire, épurée, raffinée et parfaite de Nicolas Malfin. Il est, de loin, un de mes dessinateurs préférés. L’équilibre entre le souci du détail et le dépouillement des traits frôle la perfection. On se croirait dans un catalogue de haute couture ou de design où tout est placé au millimètre près, même les petits accessoires de l’arrière-plan. Certains trouveront cela sûrement trop parfait. Moi, je trouve que ça donne un décalage hollywoodien très intéressant. Et que dire des couleurs ultra-lumineuses de Pierre Schelle?? Les bleu azur, les bleu cobalt, les bleu de Prusse… tous ses bleus sont tout bonnement sublimes.
Non, vraiment, cette série est faite pour me charmer. Même si ce tome nous fait un peu trop oublier les personnages auxquels on s’était attachés, je demeure un mordu, et j’ai excessivement hâte à la parution du tome #9, qui devrait nous donner la suite de ce deuxième cycle… et sa fin??
Plus grandes forces de cette BD :
- la finesse de l’anticipation. Depuis le début de la série, j’ai toujours été soufflé par la justesse des extrapolations de Pecqueur pour ce récit d’anticipation. Il est parvenu, avec brio, à synthétiser nos problèmes (sociétaux, écologiques et autres) actuels et à les «gonfler», jusqu’à imaginer ce qu’ils risquent d’être devenus dans une centaine d’années! Fonte des glaces, sectorisation encore plus marquée entre les riches et les pauvres, cités-états, rien n’échappe à son œil sociologique, et il nous le rend bien, dans un tout cohérent et passionnant… bien qu’un peu effrayant ou déprimant, quand on y pense bien!
- la couverture, troublante d’efficacité! Prenez le temps de bien l’observer : elle est poignante! Le fond des abysses est déjà assez spectaculaire en soi, imaginez que vous y arriviez, vous aussi, face à face avec un cadavre! Brrr… J’en ai froid dans le dos!
- le dessin si léché de Nicolas Malfin. J’adore son style pur et raffiné. C’est vraiment un génie de la clarté visuelle! Certains trouveront le tout trop aseptisé, et ils auront raison… mais c’est justement ce que j’adore de sa technique de dessin! Et le pire, c’est que Malfin est un autodidacte, qu’il n’a jamais fait d’école de dessin!! Chapeau, monsieur le dessinateur. Et continuez votre superbe travail!
- les fabuleuses couleurs de Pierre Schelle. Jamais je n’ai trouvé d’autres séries qui puissent se targuer d’être appuyé par une gamme de coloris si franche, si claire, si gaie et si spectaculaire! Je décrète officiellement Pierre Schelle comme étant le coloriste qui rejoint le plus mes préférences en matière de colorisation!
Ce qui m’a le plus agacé :
- la construction scénaristique de ce tome. On avait laissé Golden City alors qu’elle s’enfonçait sous l’eau en mode sous-marin. Ici, on découvre que la ville gît au fond de l’eau, à moitié détruite. Mais il se passe plus de trente pages avant qu’on en arrive aux explications de ce qui s’est passé depuis l’immersion!!! C’est par un long flash-back qu’on nous raconte le tout… mais ce flash-back s’arrête au moment même où on apprendrait enfin ce qui a causé la destruction du bâtiment!! Bref, ce tome en est un de transition, sans véritable héros, et il est un peu en deçà des tomes précédents, car il nous laisse sur notre faim.
- l’absence quasi-totale de Banks et de ses amis, Apple, Solo, Kumiko… et le sympathique Mikos, leur pélican apprivoisé! Espérons que le prochain tome nous ramènera bien vite nos héros préférés… surtout qu’on apprend (au moins!) que c’est au tour de Solo et de Kumiko de se retrouver aux mains d’horribles hors-la-loi sans scrupules! Vite, vite, la suite!
- une petite incongruité : si le jeune Jim était déjà à la merci de Grigoriev, comme on nous l’explique en fin d’album, quel était la nécessité, pour Mikhalkov, aux pages 6 et 7, de l’amener au cabaret pour qu’il retrouve sa sœur? D’autant plus que celle-ci est justement là en attendant d’être livrée à ce même Grigoriev! J’ai l’impression que cette petite incohérence scénaristique est passée inaperçue aux yeux de Pecqueur!
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