#02- PAULINE...
Scénariste(s) : Régis LOISEL, Jean-Blaise Mitildjian dit DJIAN
Dessinateur(s) : Vincent MALLIÉ
Éditions : Vents d'Ouest
Collection : X
Série : Grand mort
Année : 2008 Nb. pages : 62
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre
Genre(s) : Fantastique
Appréciation : 4.5 / 6
|
«D'accord, mais de mort lente»
Écrit le mercredi 20 octobre 2010 par PG Luneau
Ce deuxième tome de la série le Grand Mort m’a fait penser aux derniers mots de la célèbre chanson de Brassens «Mourir pour des idées» : «Mourrons pour des idées, d’accord, mais de mort len-en-te!» En effet, si j’ai trouvé le premier tome de la série lent, c’est que je n’avais pas encore lu le second! Je sais maintenant que la lenteur scénaristique n’est pas l’apanage d’un titre en particulier, mais serait, apparemment, une caractéristique propre à l’ensemble de l’œuvre!
Ce deuxième album débute donc à la seconde exacte où le tome #1 se terminait. Pauline et Erwan arpentaient la forêt de l’étrange monde féérique où ils avaient atterri, conduits par un membre de chacune des quatre tribus qui peuplent ce fascinant endroit. Ils arrivaient tous à destination : les restes osseux d’un gigantesque squelette, formant un genre de cathédrale géante envahie par la végétation. On peut aisément supposer qu’il s’agit du Grand Mort qui donne son nom à la série! Alors qu’Erwan et les quatre autochtones pénètrent dans cet antre des plus impressionnants pour y célébrer un important rituel magique, Pauline est laissée à l’écart et commence à être sérieusement malade, juste avant de disparaître pour revenir dans notre monde réel : c’est que la rasade de potion lui ayant permis d’accéder à ce monde a cessé de faire effet!
C’est alors que, pour Erwan, les choses se compliquent. D’abord, son rituel se termine de manière abrupte et violente, dans un coup de théâtre imprévu. Puis, son retour à la réalité le ramène bien chez maître Cristobald, son vieux mentor et ami, mais plus d’un an plus tard!! Si ce n’était pas assez, l’eau qui a coulé sous les ponts entre-temps a vraiment bouleversé le petit monde du pauvre Erwan : non seulement il apprend que Cristo est mort et que ses grimoires ont été dilapidés chez des brocanteurs, mais, en plus, la France toute entière patauge maintenant dans un chaos social sans précédent!! Complètement déboussolé, Erwan décide de partir à la recherche du seul point d’encrage qu’il lui reste : Pauline, qui est réapparue dans notre réalité quelques mois avant lui.
Et pendant trente pages, Erwan tentera de la retracer, au gré des différentes adresses qu’elle a fréquentées durant ces six mois de cavale. Mais pourquoi a-t-elle tant la bougeotte? Est-ce à cause du secret (de polichinelle!) qui a transformé sa vie depuis son séjour dans le monde féérique? Nous en aurons peut-être la confirmation dans le tome #3, car dans celui-ci : nenni! Plus de Pauline! C’est étrange, d’autant plus que c’était elle, le personnage principal du premier tome. Ici, elle n’apparaît que sur sept des quinze premières planches!! Heureusement, le personnage d’Erwan, qui prend le relais à titre de héros, n’est pas inintéressant, quoiqu’il se retrouve assez dépassé par tous les imbroglios causés par son saut dans le temps.
Même si le mystère est assez accrocheur et relativement bien soutenu, et même si les dessins de monsieur Mallié sont très beaux et assez raffinés, il faut quand même avoir les reins solides pour ne pas se laisser décourager par la lenteur du rythme que Loisel et Djian, les scénaristes, nous imposent. Les amateurs d’action et ceux qui prônent un certain rendement sur le plan de l’évolution scénaristique vont probablement trouver le temps long avec cette série. Pour ma part, je n’abdique pas encore. D’abord, parce que j’apprécie bien le talent graphique du dessinateur (surtout dans la moitié qui se déroule à la campagne). Puis, à cause de ma (trop?) grande curiosité. Les auteurs ont donc quand même réussi à suffisamment titiller mon besoin de comprendre : quels sont les causes des bouleversements sociaux et environnementaux qui saccagent l’Hexagone? Qui était ce Grand Mort? Quels sont les liens exacts entre notre univers et celui visité par Pauline et Erwan? Et, bien sûr, qu’est devenue la pauvre fille?!?
Je donnerai donc encore une chance à la série… Mais il faudrait que les créateurs en profitent pour ne pas «pousser leur luck» un peu trop loin! Du nerf, que diable!
Plus grandes forces de cette BD :
- le splendide squelette-caverne sur lequel le tome #1 se terminait, et qui sert de couverture à ce tome-ci. Quelle belle idée, et superbement rendue! Toute la première scène, celle du rituel magique, se déroule dans ce lieu magistralement impressionnant. Mais qu’est-ce qu’on a hâte d’en apprendre plus sur l’ancien propriétaire de ce squelette!! Mon petit doigt me dit qu’il a quelque chose à voir dans toute l’histoire!
- les peuples du monde magique. Avec leur genre de dreadlocks, ils ont un peu l’air de rasta. On est loin des petits elfes et des farfadets auxquels les cultures celte et bretonne nous avaient habitués. Leur couleur de peau, bleuâtre, crème, rouge ou anthracite, leur confère une étrangeté encore plus marquée. J’avoue que le coup de la traitrise m’a pris par surprise : ils semblaient tous si doux et inoffensifs!
- les décors et les paysages forestiers, encore exceptionnels. Dommage qu’on quitte si vite cet environnement pour celui, beaucoup moins bucolique, de la grande ville sale, polluée et dévastée par l’errance chronique!!
Ce qui m’a le plus agacé :
- l’ambiance miteuse de la grande ville. Ce retour à la dure réalité est alourdi par le fait que tout y est sombre, négatif et déprimant : guerres inhérentes, chômage accru, itinérance omniprésente, pollution exacerbée… Wach wach wach!!
- l’interminable et redondant jeu de piste entre Erwan et Pauline, qui semble fuir. J’avais déjà pas mal compris le «mystère-Pauline» dès le milieu du tome. J’ai donc trouvé la «chasse à la femme, et à son mystère» très longue… surtout qu’elle n’est toujours pas retrouvée à la dernière case de l’album!! Trente pages de promenade infructueuse d’une adresse à l’autre, c’est franchement un peu exagéré, non? Serait-on déjà en train d’étirer la sauce, après seulement deux tomes?!? Un format standard de quarante-huit pages aurait été bien suffisant : il aurait permis de clore ce volet de manière plus efficace et concise.
|