L'HEURE DE LA GARGOUILLE
Scénariste(s) : Christophe ARLESTON
Dessinateur(s) : Didier CASSEGRAIN
Éditions : Soleil
Collection : Légendes de Troy
Série : Heure de la gargouille
Année : 2011 Nb. pages : 54
Style(s) narratif(s) : Récit complet
Genre(s) : Heroic fantasy, Humour grivois
Appréciation : 4 / 6
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le Joueur de flûte de Hamelin, version Arleston...
Écrit le samedi 21 février 2015 par PG Luneau
L'univers que sieur Arleston a développé pour sa série d'heroic fantasy Lanfeust de Troy est d'une richesse fascinante! D'ailleurs, il n'en finit plus de se multiplier, par l'entremise de tonnes de séries dérivées : Trolls de Troy, Cixi de Troy, les Guerrières de Troy, les Conquérants de Troy, Gnomes de Troy, Martine à la plage (oups, non, ce dernier album, il est d'une autre collection!! ;^)... Toutes ces séries plus ou moins étoffées se déroulent sur le mégacontinent conçu de toutes pièces par le prolifique auteur, continent aux peuples pullulants, aux créatures innombrables et multiformes, aux flores et à la géographie aussi diversifiées qu'exubérantes... Un continent qu'il s'est même amusé à développer dans une série de pseudo-encyclopédies faisant le bonheur des rolistes en mal d'univers à explorer... À tout hasard, je rappellerai à ceux et celles d'entre vous qui avez une mémoire de ouaouaron que le terme roliste désigne tous ceux qui s'intéressent aux différents jeux de rôles, de types Donjons et Dragons... ou Lanfeust de Troy, puisqu'Arleston a aussi eu la brillante idée d'exploiter ce filon!! ;^) Je vous ai un peu parlé de tout ça, déjà, ici, dans une chronique spéciale sur le sujet!...
Afin de satisfaire ses envies de nous en raconter encore plus, et sans doute aussi parce que ses dessinateurs-associés n'arrivent jamais à suivre sa boulimie scénaristique, Arleston a choisi de développer, avec divers autres illustrateurs, une collection de récits plus courts, des one shot ou des diptyques, qui présentent des aventures fermées, se situant dans des cités ou des racoins inexploités de ce monde fantastique : c'est la collection Légendes de Troy. Pour éviter les risques de contraintes ou d'incohérences dus aux croisements de ces différentes séries, Arleston a même pensé à distiller ces récits sur sa ligne de temps fictive : certains se déroulent en l'an 900, d'autres en l'an 3200... Bref, aux infinies possibilités géographiques, l'auteur ajoute une infinité de possibilités temporelles!?! Comme quoi on pourra vivre sur Troy pendant encore des décennies et des décennies, pendant encore des tomes et des tomes!!
Comme il y avait longtemps que je ne m'étais pas replongé dans ce monde somme toute des plus foisonnants, je me suis enfin décidé à lire l'un des tomes de cette collection qui dorment dans mon incommensurable pile d'albums non-lus... et j'ai opté pour l'Heure de la gargouille. Depuis le temps que je n'avais pas goûté à ce toujours surprenant univers, on pourrait dire que j'étais assez fébrile de le redécouvrir... Malheureusement, cet album ne s'est pas tout à fait montré à la hauteur de mes espérances! :^(
Oh! Sur le plan graphique, rien à redire, bien au contraire : j'ai adoré le style tout personnel de Didier Cassegrain! Sa manière de donner du relief à ses personnages en traçant leur contour d'un trait sensiblement plus épais que ceux du reste des vignettes me ravit. De plus, il me semble que son dessin est un tantinet plus cartoonesque que celui des autres poulains de l'écurie Soleil, aux commandes de toutes les autres séries de Troy. Ça donne à l'ensemble de l'œuvre un petit côté sympathique, comme si elle ne se prenait pas au sérieux, ce qui n'est pas dénué d'intérêt! Non, ce n'est réellement pas le visuel qui m'a dérangé!
Là où le bât blesse, à mon sens, c'est du côté du scénario. Voyez plutôt : la ville côtière de Triban est aux prises avec des attaques nocturnes... de gargouilles! En effet, ces statues de pierre aux formes animalières grotesques ornent les divers édifices de la ville durant le jour... mais prennent vie la nuit, et saccagent tous les bâtiments!! Ces attaques s'intensifiant de plus en plus, les nobles dirigeants de la cité cherchent une solution, sans succès. Mais, au même moment, un barbare des Îles luxuriantes débarque justement au port, à la recherche d'un travail. Ça ne fera pas 24 heures que Nükhu (c'est son nom!) sera en ville qu'on lui découvrira non seulement des talents exceptionnels de joueur de tamtam... mais on constatera du coup que ses envolées rythmiques attirent les gargouilles comme le miel attire les abeilles!!! Le brave mais naïf barbare sera embauché par la ville afin de piloter l'extermination de ces créatures démoniaques... ce qu'il fera, non sans émoustiller toutes les donzelles du patelin!!
Et c'est là ma principale récrimination : l'omniprésence de ces minettes toujours à demi-vêtues, des greluches aux cuisses aussi légères que leurs mœurs!!! On jurerait qu'elles ont été saupoudrées tout du long du scénario pour, d'une part, stimuler les envies lubriques des jeunes lecteurs à l'adolescence bourgeonnante et ainsi, d'autre part, leur masquer la relative faiblesse du scénario! Il est rare que je sois aussi sévère, mais je n'y peux rien : même en le tournant sous toutes ses coutures, je ne trouve aucune subtilité à ce récit qui n'est, somme toute, qu'une transposition, assez originale, avouons-le, du conte du joueur de flûte de Hamelin... mais à laquelle on a voulu donner un peu de punch en y rajoutant des nichons à profusion et deux ou trois scènes particulièrement osées!! Du coup, cette belle histoire, qui aurait pu intéresser un lectorat de 10 à 90 ans, perd un peu plus de 10% de ses lecteurs potentiels, dans la strate inférieure!!
Bon, d'accord, la corruption et la décadence mises en place sauront sûrement plaire à plusieurs des lecteurs de 16 ans et plus... mais, en ce qui me concerne, ça demeure l'un des récits de Troy qui m'a le plus laissé sur ma faim. Si ma note n'est pas si terrible, c'est bien grâce au talent graphique de l'illustrateur que je prendrai plaisir à retrouver sur d'autres projets!! Pour ce qui est de Troy, j'espère que je saurai retrouver mon intérêt d'antan dans les (très!) nombreux autres albums issus de ce monde qui se trouvent encore coincés dans ma PAL!! ;^)
Plus grandes forces de cette BD :
- la couverture au fini satiné, agrémentée d'éléments pelliculés. Elle est toute douce et fait très class. ;^)
- la chronologie du monde de Troy, sur les pages de garde. Grâce à elle, en un coup d'œil, on accède non seulement à toute la diversité des albums issus de cet univers, mais on peut aussi connaître leur situation temporelle par rapport aux autres! Ainsi, on comprend en un clin d'œil que l'Heure de la gargouille se déroule en l'an 450, soit 3560 ans avant Lanfeust de Troy, la série originale!
- le sublime graphisme, tout en finesse et en subtilité de l'illustrateur, Didier Cassegrain. Comme je le disais plus haut, sa façon de tracer les contours des personnages et des principaux éléments de ses vignettes d'une ligne juste un peu plus large que le restant assure un effet bœuf que j'adore!! ;^)
- l'originalité de l'enveloppe graphique. Monsieur Cassegrain s'avère un excellent designer d'univers! Que l'on s'attarde à l'architecture des différents bâtiments, à la diversité des véhicules et des bestioles ou même à la mode vestimentaire mise de l'avant dans l'album (même si j'ai de grosses réserves sur les accoutrements outranciers des jeunes femmes «de bonnes familles»!!), tout est original, nouveau, détonnant. On se sent véritablement sur un autre continent... sans non plus sombrer dans l'incompréhensible ou le n'importe quoi. En fait, c'est très impressionnant de voir à quel point ce dessinateur a su cerner le caractère décadent de la cité de Triban pour ensuite le traduire visuellement... avec brio! Chapeau, Didier! ;^)
- la dite décadence, donc! On est littéralement dans un monde où la roublardise, la luxure et l'apparat sont montés en système (...pas si différent de par chez nous, à bien y penser!? ;^) Tout semble être conçu par et pour des adultes coquins... pour ne pas dire carrément pervers!! ;^) De même, la condescendance à l'égard de la plèbe est très judicieusement rendue!
- un héros sympathique qui, heureusement, ne se laisse pas trop enrubanner par la corruption aristocratique qui sévit en cette ville. Pendant un temps, j'ai eu peur qu'il ne soit que le dindon de la farce... Le punch final m'a rassuré en ce sens : on n'est pas qu'en présence d'un péquenaud qui se fait fourrer par de brillants politiciens véreux! Pfiouuu! ;^)
Ce qui m'a le plus agacé :
- un titre somme toute plus ou moins pertinent. Pourquoi y parler de gargouille au singulier, alors que le héros en affronte des tonnes?? Et pourquoi insister sur «l'Heure» de la gargouille?? Ces créatures ne s'animent pas vraiment à une heure précise, ce me semble, si ce n'est que durant la nuit...?
- la désinvolture avec laquelle les personnages féminins exhibent leurs atouts. Chose certaine, on ne peut pas accuser ce livre de fausse représentation : dès la couverture, on peut voir des gonzesses aux nichons pigeonnants et à l'entrejambe généreusement exposé. En fait, la fausse représentation dont on pourrait se plaindre, c'est celle d'avoir utilisé un dessin tout à fait charmeur et bon enfant pour illustrer un récit aux apartés libidineux un peu trop prononcés! Malgré que ces puterelles apparaissent sur la couverture, j'ai l'impression qu'il y a tout de même de forts risques que certaines grand-mamans peu observatrices donnent cet album à leurs petits-fils sans s'apercevoir que son propos n'est pas du tout adapté à eux!!
- une faute d'accord, à la p.24 : «Elles sont prêtes, leur épées...».
- un scénario somme toute assez basique. Au final, au bout de ces 54 pages, on en ressort avec bien peu de matière à savourer... Un récit qui s'oublie aussi vite qu'il se consomme, quoi! :^(
- la très peu glorieuse image de la femme tribanaise!! Toutes les jeunes femmes de cet album sont des minettes sans cervelle qui ne rêvent qu'à une chose : écarter leurs cuisses (déjà fort exhibées!!) au premier venu!! Du cul et de la décadence à profusion, tout cela sans aucune nuance (ni même de Grey!! ;^)... Rien de vraiment très édifiant pour la gent féminine!
- les scènes sexuelles explicites. La scène de la partouze (p.39) ou, encore plus, celle de la sodomie (p.35) étaient-elles vraiment nécessaires?? Elles ne rajoutent absolument rien à l'histoire... et semblent là dans l'unique but de forcer les jeunes adolescents en mal de sensations fortes à plonger la main dans leur... portefeuille!! C'est un peu déplorable...
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