#01- L'ENFANT À TÊTE DE FAUCON
Scénariste(s) : Johane MATTE
Dessinateur(s) : Johane MATTE
Éditions : les 400 coups
Collection : Rotor
Série : Horus
Année : 2009 Nb. pages : 64
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (Comics)
Genre(s) : Fantastique mythique, Humour, Héros animalier
Appréciation : 5.5 / 6
|
Enfin, la bédéiste que j'attendais!!
Écrit le lundi 07 mars 2011 par PG Luneau
Mais comment se fait-il que Johane Matte ne soit pas plus connue??? Où se cachait-elle? Pourquoi n’avons-nous pas entendu parler de son album, Horus, autant qu’on parle des Paul ou des Magasin général ?? Car, de fait, Johane Matte pourrait être, pour la BD jeunesse de chez nous, une ambassadrice tout aussi efficace que ne l’est Michel Rabagliati pour la BD adulte!!
Vous devinerez que je viens de terminer la lecture d’Horus… et que j’ai a-do-rée !! À l’aide d’un trait caricatural, tout en rondeur et très maîtrisé, madame Matte nous offre la prémisse d’une aventure enlevante dans l’Égypte antique. Un récit aux nombreux rebondissements, où l’humour et le fantastique n’hésitent pas à s’immiscer. De l’action, en voulez-vous, en v’là!
Un beau jour, la jeune Nofret, au caractère très affirmé, reçoit un message des dieux : on lui demande de recueillir et de protéger Horus, qui vient d’être envoyé sur terre, tout prêt d’elle, sous la forme d’un tout jeune gamin à tête de faucon (d’où le titre!). Malheureusement, il semblerait qu’un mystérieux et très puissant oryx noir ne l’entende pas de cette façon! Grâce à un sortilège hyperpuissant, cette sombre créature donne la parole à deux hippopotames (heureusement un peu bébêtes!!) et les envoie en mission pour éliminer le pauvre Horus. Nofret aura fort à faire pour garder son nouveau protégé en vie. Cependant, elle aura un allié de taille en la personne de son suzerain, Thoutmôsis III, que les aléas de la vie ont mis sur sa route. Même si celui-ci n’est alors qu’un tout jeune pharaon sous la régence de sa tante Hatchepsout, gageons qu’il saura contribuer à la protection de cet invité de marque.
On retrouvera donc un peu le même univers que Kheti, fils du Nil, mais avec beaucoup plus d’humour en prime! De fait, nous sommes ici en présence d’un tome d’introduction, qui met en place les situations, les personnages et les relations qui les unissent. Ainsi, plein de mystères restent en suspens : pourquoi Horus doit-il venir sur terre, par exemple? Ou qui est cet oryx machiavélique? Et pourquoi en veut-il à Horus? L’avenir nous éclairera sans doute là-dessus. Mais nous sommes, surtout, en présence d’une BD jeunesse intéressante, adaptée à sa clientèle, belle ET québécoise… autant dire une rareté!!!
Mais qui donc est Johane Matte? Qu’a-t-elle fait? D’après mes (très courtes) recherches, j’en ai déduit qu’elle aurait surtout travaillé dans le monde des dessins animés, comme plusieurs bédéistes québécois (Marsi ou Benoît Godbout, par exemple, respectivement dessinateur de Miam miam fléau et de l’Académie des chasseurs de primes). De plus, malgré ce que son nom laisse paraître, elle serait anglophone. Ou, du moins, elle travaille exclusivement en anglais, ce qui explique peut-être pourquoi elle a d’abord publié son récit en trois mini-fascicules, en 2005, chez Rufftoon, possiblement une petite maison d’éditions qu’elle aurait fondée à compte d’auteur. Les 400 coups ont fait un coup de maître (leur 401e ?!) en dénichant cette bédéiste… mais il leur reste à mousser leur pouliche, car on ne peut pas dire que le brassage médiatique a été à la hauteur de la qualité du produit en question! Pour une fois qu’une série québécoise s’adresse réellement aux 9-12 ans (l’Académie des chasseurs de primes s’adressait plutôt aux ados), il me semble que toutes les écoles primaires et tous les enseignants auraient dû recevoir un avis, une invitation au lancement, un dépliant publicitaire ou une quelconque note de l’existence de ce nouvel album, de cette nouvelle série si prometteuse!
Évidemment, je ne veux pas mettre trop de pression sur les épaules de l’artiste… mais j’ai très hâte de voir si le tome #2 sera dans la même lignée, et s’il tardera à sortir. Mon petit doigt me dit que je ne serai pas déçu… et vous non plus!
Plus grandes forces de cette BD :
- les dessins, tout simplement parfaits!! On croirait un dessin animé étalé sous nos yeux!! Les traits ronds et caricaturaux sont d’une efficacité outrancière!! J’adore!! De plus, les couleurs vives, à dominance de vert, de bleu et de jaune, sont impeccables et ajoutent au dynamisme. Bravo à Saymone Phanekham pour cette belle réalisation.
- le rythme soutenu. L’action dérougit rarement dans ce premier tome, et plusieurs dynamiques percutantes ont été mises en place pour assurer des rebondissements incessants : les chicanes entre Nofret et son détestable petit frère, l’anonymat de Thoutmôsis lors de sa rencontre nocturne avec l’héroïne, etc.
- plusieurs personnages très typés et bien accrocheurs. Nofret est juste assez caractérielle pour donner du punch au récit tout en restant sympathique. Son frère est une parfaite petite peste (il ressemble d’ailleurs à une version égyptienne de Denis la Malice!!), le jeune pharaon est suffisant et m’as-tu-vu, mais il demeure lucide et désire plus que tout vivre sa vie plutôt que celle que ses charges lui imposent d’office. Ma palme d’or revient à l’adorable et délirant petit chien qui a reçu le don de la parole parce qu’il se trouvait près des deux ridicules hippopotames quand l’oryx en a fait ses deux sbires officiels. Nouvellement conscient de son existence et de son essence, il est submergé par des flots de réflexions nouvelles qui le rendent volubile à l’excès. Rajoutez à cela ses mimiques impossibles et ses réactions exubérantes : il est à se tordre de rire!
- l’humour. Le scénario laisse une grande part au comique de situation et ne se prend pas au sérieux, ce qui est fort louable. De plus, le tout est accentué par le côté caricatural du dessin.
- les bonus, en fin d’album. D’abord, trois petites pages d’infos documentaires sur l’Égypte pharaonique, présentées sous forme… de BD (on en redemanderait!)! Puis, quelques pages de croquis annotés, de découpages, de couvertures et d’affiches promotionnelles. Finalement, cinq pages où d’autres dessinateurs se sont amusés à dessiner, dans leur style à eux, les personnages de Johanne Matte. Je déplore le fait de ne connaître aucun de ces artistes, qui semblent tous très talentueux!
Ce qui m’a le plus agacé :
- la petitesse de l’album. À une artiste si douée, on devrait obligatoirement offrir un format de pages standard! Quel malheur que le marché québécois soit si petit qu’il impose de telles restrictions aux braves éditeurs qui se risquent à publier de la BD… ceci dit sans vouloir offenser les 400 coups et leur jolie petite collection Rotor, que j’adore et qui prend doucement de plus en plus d’expansion !!
|