INT.- L'ÎLE DE PUKI
Scénariste(s) : Ludovic DANJOU
Dessinateur(s) : Stéphane Robert dit DJET
Éditions : Vents d'Ouest
Collection : X
Série : Île de Puki
Année : 2011 Nb. pages : 96
Style(s) narratif(s) : Diptyque (inspiration manga)
Genre(s) : Aventure fantaisiste, Fantastique, Héros animalier
Appréciation : 4.5 / 6
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Une inspirante quête pour se reconstruire...
Écrit le samedi 18 février 2023 par PG Luneau
Tome lu : l'Intégrale, incluant le #01- Au début, le cœur... (2011) et le #02- ...à la fin, l'âme (2012)
C'est quoi?
Une jeune fille se réveille sur une île paradisiaque, avec des oreilles, des pattes et une queue de cochon... mais elle n'a aucun souvenir de ce qui s'est passé! Qui est-elle? Que fait-elle là? Quel est cet endroit? Pourquoi ces transformations?...
Rapidement, elle fait la rencontre du vieux Phylégos, un sage qui lui servira de guide, sur l'île... mais un guide qui commence à faire de l'Alzheimer, et qui ne sait plus trop quels conseils donner à ses protégés!? Voilà la jeune fille, qu'on décide de nommer Puki, bien avancée!
Petit à petit, l'énergique et très débrouillarde gamine finira par comprendre qu'elle est sur cette île, comme plusieurs autres enfants qu'elle finit par rencontrer, pour y vivre une importante quête : tous doivent trouver leur machine respective, découvrir pourquoi elle ne fonctionne plus, partir à la recherche des pièces manquantes ou abimées, la réparer... puis retrouver le Coeurâme de la machine, une mythique énergie que certains recherchent depuis des lustres, mais que personne n'a jamais aperçue!
Accessoirement se retrouve aussi sur l'île un jeune homme plus fantasque que les autres qui mène sa vie à l'encontre de tout le monde, et un gigantesque monstre fantomatique qui terrorise la populace! Heureusement, le rebelle sait comment tenir l'immonde créature à distance... mais pour combien de temps encore??...
C'est comment?
Quelle jolie histoire que celle-ci! Un genre de conte métaphorique, mais qui ne sombre pas dans le gnagna comme c'est parfois le cas avec ce genre littéraire. Les prémices m'ont beaucoup fait penser au diptyque 4-Life, que j'ai lu il y a peu... Mais la thématique y est abordée de manière beaucoup plus lumineuse, abordable et cohérente. L'allégorie est suffisamment claire pour qu'on la déduise par nous-même, au fil du récit, mais les révélations de la fin permettent à ceux qui ne l'auraient pas saisie de bien comprendre. Le tout est d'une étonnante évidence, quand on le réalise! Et sans vouloir divulgâcher la finale, révélons seulement qu'elle m'a beaucoup touché.
Ce récit de passation s'étale sur deux tomes, mais je l'ai lu sous sa forme d'intégrale, en un seul volume. Et si la couverture en est un peu fade, tout le reste des pages sont remplies des très jolies illustrations de Djet, qui y étale des dessins très fortement influencés par les mangas : on peut facilement y reconnaître l'éclat de Nausicaä de la vallée du vent, par exemple. Et là où 4-Life, avec son noir et blanc, visait l'horreur, l'Île de Puki tend plutôt vers l'espoir, avec une vivacité de couleurs flamboyantes, à prédominance de vert tendre, de bleu ciel et de turquoise.
Bref, que voilà un beau et bon récit à faire lire à tous, jeunes et moins jeunes, dès 10 ou 11 ans.
Mes bémols
- la couverture, plutôt ordinaire. Elle est d'une sobriété qui ne témoigne pas de la belle luminosité de l'album.
- un départ un peu lent. Je comprends que la première rencontre entre Puki et Phylégos en soit une de découverte et d'apprivoisement mutuel, mais il y a quand même des limites! Avant même la p.10, le vieux guide annonce à la jeune fille qu'il va lui révéler d'importantes explications sur la situation... mais ses trous de mémoire font en sorte qu'il ne lui apprend à peu près rien... Ça crée une longueur un peu lassante.
- quelques combats à la manga. Vous savez, j'en parle souvent: je déteste ces combats où tout est dessiné en gros plan, de manière à ce qu'on ne comprenne pas qui est en train de faire quoi, ni à quel endroit! On voit un pied, des fions de mouvement, des nuages de poussière soulevés par un coup, des rebonds, des éclats de pierres... mais à qui est le pied, exactement? Ce sont des fions et des rebonds qui indiquent les mouvements de qui? Le coup qui a provoqué le nuage de poussière, il a été donné par qui? À qui? Les éclats de pierre sont dus à quoi? Bref, heureusement qu'on sait que le bon gagne et que le méchant perd, parce que sinon, ça ne serait pas évident de saisir ce qui se passe lors de ces «combats»!?
- un personnage qui sort de nulle part! Drôle de décision narrative que de faire vivre un moment aussi intense que l'abandon de la quête de sa vie à un personnage dont on n'a jamais entendu parler! C'est pourtant ce qui se passe aux p.37 à 39, alors que Fara, qu'on voit pour la toute première fois, orchestre sa cérémonie du renoncement... Si on l'avait connue en début d'album, on aurait été beaucoup plus affectés, émotivement, non?
Les plus grandes forces de cette BD
- des décors paradisiaques. L'île sur laquelle tous ces enfants atterrissent semble sublime. J'y irais pour passer mes vacances! Ça fait peut-être partie de leur défi, d'ailleurs: réparer leur machine et en trouver le Coeurâme AVANT de se laisser envouter par la dolce vita qui leur est offerte?!
- les magnifiques couleurs... Elles sont littéralement flamboyantes! Même si cette force contient son propre némésis! En effet, un des passages de l'histoire se déroule dans un genre de temple souterrain (des pages 45 à 66). Ce bout-là est, pour sa part, pas mal trop sombre! Les détails sont difficiles à distinguer. Un ou deux crans plus clairs auraient été parfaits, et le contraste aurait été tout aussi saisissant.
- le propos. Il n'y a pas à dire, je trouve le message sous-jacent à cet univers très bien songé! Évidemment, je ne veux pas trop en dire, pour ne rien divulgâcher mais je peux néanmoins m'avancer en disant que c'est un beau message, rempli d'espoir et de persévérance. L'allégorie qui l'englobe est, pour une fois, clairement décodable car tous les éléments sont là pour nous guider... un peu comme Phylégos qui guide Puki tant bien que mal!?! Bravo!
- le format. Merci aux éditions Vents d'Ouest d'avoir regroupé les deux albums originaux dans cette belle intégrale. C'est un format parfait, ni trop lourd, ni trop encombrant, qui donne la part belle à la narration: on peut prendre le temps de respirer dans chaque scène, et leur enchaînement est juste d'une bonne longueur. Et on n'a pas à attendre de dénicher le tome suivant avant de pouvoir poursuivre notre découverte, en même temps que Puki. Encore ici, bravo!
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