#01- ANGES ET PIGEONS
Scénariste(s) : Bruno Chevrier dit NOB
Dessinateur(s) : Bruno Chevrier dit NOB
Éditions : Glénat
Collection : Tchô! la collec...
Série : Mamette
Année : 2006 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Gags en une ou quelques planches
Genre(s) : Humour tendre, Quotidien
Appréciation : 4 / 6
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Une mamie gâteau à la dent sucrée
Écrit le dimanche 11 octobre 2009 par PG Luneau
Quelle charmante petite mamie que cette Mamette! Et quelle belle idée que d’explorer l’univers du Bel Âge dans une série BD, en utilisant la lorgnette de l’humour et de la tendresse.
En suivant cette vieille dame, toute petite et toute ronde, et ses amis, on se familiarise avec le quotidien de nos aînés. Leurs relations avec les ados et les jeunes, leurs problèmes de santé, réels ou fictifs, leurs passe-temps (Mamette fait partie de la chorale de l’église et suit des cours de peinture, rien de moins!), leurs espoirs secrets, leurs souvenirs, leurs regrets… Toujours avec le plus grand respect pour ses personnages, Nob parvient à trouver l’angle qu’il faut pour nous faire sourire ou nous attendrir. Certains gags sont même franchement drôles, comme celui où tous ces vieillards doivent dessiner un modèle vivant nu!
Certains gags récurrents nous dépeignent quelques petits scénarii touchants : le bel amour inavoué de M. Bruneau pour l’acariâtre Mlle Pinsec, et le lent apprivoisement mutuel entre Mamette et Maxou, le fils de son aide ménagère, un jeune désabusé de six ans qui cache déjà un certain mal de vivre en réaction à la séparation de ses parents. Pour les notes plus légères, on peut compter sur les répliques de Ginette, qui est dure de la feuille, et pour l’humour plus grinçant, il y a toujours les commentaires de Mme Vidal, dont les maux (qui ont tout l’air d’être purement fictifs!) sont toujours «plus terribles» que ceux de ses consœurs.
Tout ce petit monde surfe sur la modernité sans trop s’en imprégner, mais en trouvant tout de même leur petit bonheur. Pour eux, les I-Pod et les ordinateurs font partie des grands mystères de la vie et les cellulaires sont des appareils vibratoires probablement conçus par des terroristes : tant qu’ils s’en tiennent loin, ils sont tranquilles. Et la grande amitié qui les unit agit comme un baume, les soulageant un peu de l’absence de leur famille respective et de l’oubli.
En fait, après avoir lu un album de Mamette, nous n’avons qu’une seule envie : aller visiter notre propre grand-mère, et la serrer très très fort dans nos bras pour lui dire combien on l’aime. N’est-ce pas un excellent signe de qualité?
Plus grandes forces de cette BD :
- le titre, qui est, je présume, un petit clin d’œil au best-seller international de l’heure: Anges et démons de Dan Brown. L’idée que les pigeons soient des anges protecteurs me plait bien et cadre bien avec l’image qu’on se fait des personnes âgées, très religieuses, qui s’entêtent à nourrir ces rats volants.
- l’audace d’utiliser le quotidien très banal et déprimant d’une petite vieille pour en faire une série d’humour. C’est un thème très peu exploité, en BD, ce me semble.
- certains personnages, dont Mlle Pinsec, la vieille grébiche, ou Mme Vidal, l’hypocondriaque maladivement égocentrique. De même, le procédé de faire lancer des répliques disjonctées par celle qui est sourde comme un pot, un peu à la manière de Tournesol (mais en beaucoup plus drôle!) est toujours efficace. Monsieur Bruneau, l’éternel timide amoureux, est aussi savoureux, surtout lors du cours de peinture!
- le dessin tout en rondeurs et les couleurs estompées, aux allures d’aquarelles. Ils exposent très adroitement la douceur tranquille qui transpire du quotidien de cette petite bonne femme et lui donnent un petit côté suranné.
- le côté imparfait de Mamette, qui garde sa dent sucrée malgré les recommandations de son médecin. Son petit penchant pour les croissants et les pâtisseries est sympathique, et les tronches qu’elle fait lorsqu’elle se fait surprendre à tricher sont absolument trognonnes!!
- quelques gags, qui nous jettent carrément certaines injustices ou certains travers de notre société en pleine face, en misant sur la pitié. Plusieurs planches m’ont même fait monter les larmes aux yeux de par leur douloureuse réalité (solitude des aînés, ingratitude des enfants, maladies…).
- la relation naissante entre Mamette et Maxou, le fils de son aide ménagère, qu’elle accepte de garder à l’occasion. Parce qu’elle est toute en non dit, car le jeune enfant est fermé comme une huître, cette relation n’en est que plus forte et attendrissante.
- les quelques planches qui nous transportent dans le passé, alors que Mamette était toute jeune et qu’elle faisait la rencontre de son futur mari. Ces souvenirs d’enfance sont tellement sympathiques (Mamette nous y apparaît comme une petite fille de la campagne, qui rappelle la petite Heidi de notre enfance!) qu’ils ont même débouché sur une série dérivée, les Souvenirs de Mamette, dont le premier tome est sorti la semaine dernière (7 oct. 2009)!
- les noms des nombreux médicaments de Mme Vidal, qui sont parfois des clins d’yeux à d’autres créateurs de BD, de la gang de Tchô! ou non : Teboxyl, Keraminaze…
Ce qui m’a le plus agacé :
- l’encrage parfois un peu trop hachuré à mon goût, surtout dans les premières planches.
- le manque de corrélation entre le thème et le public visé par cette collection : ça me semble plus ou moins bien adapté. La Tchô collec, c’est la bande à Titeuf et cie, pour les jeunes qui osent briser les tabous, qui se moquent des bien penseurs et qui font fi de la morale encroûtée. Ces jeunes apprécient-ils les gags de Nob à leur juste valeur? Perçoivent-ils la critique sociale sous-jacente à ces gags, ou n’y voient-ils que le prétexte de se moquer de leurs aînés ? Évidemment, ils pourront toujours les redécouvrir avec d’autres yeux dans quelques années… mais seront-ils tentés d’y revenir? Je leur souhaite!
- quelques gags dont je ne comprends pas la chute (p. 33, 44 et 48, par exemple)… Je manque d’humour ou de référence culturelle?… Même si ma deuxième hypothèse me semble plus plausible, je suis sceptique car il me semble que, dans la majorité de ces cas, je ne trouve pas d’éléments culturels qui me chipotent… c’est souvent simplement que je ne vois rien de touchant, d’incongru ou de cocasse dans la dernière case de ces planches. Éclairez-moi si vous le pouvez!
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