#01- SAISON 1
Scénariste(s) : Nicolas BARRAL
Dessinateur(s) : Olivier TaDUC
Éditions : Dupuis
Collection : X
Série : Mon pépé est un fantôme
Année : 2007 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Courts récits, à suivre
Genre(s) : Quotidien, Humour fantaisiste, Humour tendre, Drame familial
Appréciation : 4.5 / 6
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Encore un gamin... mais de notre temps!!
Écrit le lundi 12 décembre 2011 par PG Luneau
J’avais vraiment très hâte de faire la rencontre de ce jeune Napoléon Tran. Non, pas seulement parce que le tome #1 est décoré d’une «image mobile» (vous savez, ces plaquettes de plastique striées qui laissent apparaître trois ou quatre images en alternance, quand on les bouge, nous donnant l’impression que l’image est en mouvement!), non! Plutôt parce que ce garçon n’avait pas l’air d’être comme les nombreux autres gamins de son âge qui pullulent depuis toujours dans le neuvième art (genre Jojo, Cédric, Boule, Ducobu, Petit Spirou, Titeuf ou autres petites pestes comme Denis…).
Primo, il est métissé. Son père est asiatique et sa mère est corse. À ma connaissance, c’est là un phénomène fort peu traité en BD jeunesse. Puis, ces mêmes parents sont séparés, ce qui affecte un peu ce jeune héros. Ici encore, j’ai l’impression qu’il s’agit d’un sujet à peu près inexploité dans nos petits mickeys, outre par la très bonne (mais toute récente!) série Ernest et Rebecca. Finalement, si Napoléon est très copain-copain avec son grand-père, ce qui est tout à fait dans la lignée de l’incontournable série Cédric, cette relation est étonnamment altérée par le fait… qu’on assiste aux funérailles dudit grand-père dès le premier gag de la série!! Hé oui : ce pépé, de qui il est si proche, est mort!! Mais il n’est pas absent pour autant!! C’est d’ailleurs pourquoi la série s’intitule justement : Mon pépé est un fantôme! Avouez que c’est concept, hein!?
Maintenant, même si ces caractéristiques finissent par faire de Mon pépé… une série distincte, ce n’est pas à cause d’elles qu’elle ressort du lot. Non, ce qui la démarque le plus, selon moi, et ce qui fait que je l’ai tant appréciée, c’est le choix des thèmes abordés : décès, divorce, sexualité, infidélité… En osant parler de sujets si peu courants en littérature jeunesse, surtout en BD, Napoléon et sa famille nous font entrer dans le XXIe siècle par la grande porte! Mais ils ne le font pas à la trash, comme Titeuf et sa bande, mais toujours sur un ton tendre, doux et complice, teinté d’un humour gentil qui rend le tout très naturel, très respectueux des sentiments de tout le monde. C’est vraiment un tour de force qu’accomplit Barral avec ces textes si finement justes!
Parlant de Barral, je trouvais justement que les dessins de Mon pépé…, très efficaces et d’une netteté irréprochable, avaient une parenté certaine avec ceux de la série Baker Street. Et qui donc dessine Holmes et Watson dans cette désopilante parodie?? Ce même Nicolas Barral, justement!!! Ça expliquerait donc les choses… Mais oh! Stupeur! Sur Mon pépé est un fantôme, Nicolas ne signe que les textes!!! Eh oui! C’est à Olivier TaDuc, un Français d’origine vietnamienne que revient la chance d’illustrer cette belle série. Son style graphique reste si proche de celui de Barral que je ne serais pas surpris d’apprendre que le plus jeune (TaDuc) a travaillé sous la supervision de l’aîné!... D’autant plus qu’il en était a ses premières armes en BD jeunesse, lui qui était surtout reconnu, jusqu’à maintenant, pour deux séries réalistes plutôt viriles (les Voyages de Takuan et Chinaman), à mille lieues, graphiquement, de ce qu’il nous sert ici! Les conseils de Barral semblent lui avoir été d’un bien grand secours!
Ce tome est donc un recueil de neuf courtes histoires au cours desquelles on découvre le petit monde et le quotidien de Napoléon Tran : ses parents divorcés, la famille de son père, venue du Viêt-Nam, ses amis à l’école, les va-et-vient hebdomadaires que lui impose le divorce de ses parents, ses états d’âme… mais, surtout, sa belle complicité avec son grand-père! Ce dernier venant de se faire enterrer, son esprit se donne le mandat de rester auprès de son petit-fils jusqu'à ce que ses parents se réconcilient… ce qui pourrait prendre quelque temps!!
Des dessins hyper-chouettes, des thèmes originaux présentés sous un angle sensible et amusant… quoi demander de plus?! Surtout que le scénariste fait bien attention, quand cela est possible, de laisser un deuxième niveau de lecture pour les adultes, à l’instar de son idole, le grand Goscinny! Je mets donc 4,5 à cet album que je recommande chaudement à tous les jeunes de 9 à 14 ans, mais ce n’est qu’à cause des quelques petites histoires plus prévisibles (l’Interro, la Corvée ou Un mort encombrant, par exemple)… De toute façon, j’ai bien l’impression que je mettrai incessamment 5/6 aux prochains tomes, ce qui serait assez exceptionnel, sur ce site, pour une série d’humour jeunesse!! Vous serez bientôt fixés car je ne tarderai pas trop à lire les trois autres tomes déjà parus!
Plus grandes forces de cette BD :
- la couverture «animée» à l’aide d’un dessin «holographique». Oui, je sais, c’est enfantin, mais que voulez-vous : je suis bébé… et puis, c’est vrai que ça ajoute un petit plus!!
- les dessins, qui offrent parfois des décors quand même assez fouillés. Les faciès, très vivants et expressifs, rappellent ceux de Barral, sur Baker Street… Heureux hasard!!
- le personnage de l’oncle Arsène. Quel clown, celui-là… parfois même au sens propre (tous ceux qui ont lu les premier et troisième gags comprennent ce que je veux dire)!!!
- l’audace des thèmes abordés. Le divorce, l’incinération vs l’enterrement, les ébats de la mère avec son nouveau flirt, les infidélités des grands-parents (!!?)… C’est assez risqué de traiter de tels sujets auprès des jeunes, mais c’est fait ici avec brio. Bravo d’oser, mais surtout bravo de réussir!! En fait, je crois que tout cela est rendu possible grâce au parti pris des auteurs de ne pas viser le gag à tout prix : bien souvent, l’émotion prime sur l’humour, et c’est là un bonus tellement original et différent que c’en est rafraîchissant!!
- le réalisme et le modernisme des situations. C’est vraiment agréable de sentir qu’une série jeunesse se passe véritablement à notre époque. Car on a beau dire, Boule et Bill et Cédric, c’est très bon, mais j’ai toujours l’impression que ces deux familles, avec leurs gags gentillets, se sont arrêtées dans les années 1960-70 pour la première, 80-90 pour la seconde… La société a quand même évolué depuis une quinzaine d’années!!
Ce qui m’a le plus agacé :
- l’absence de titre distinctif pour l’album. En fait, c’est même assez confondant : on pourrait croire que Mon pépé est un fantôme est le nom de l’album, puisque le surtitre la Vie fantastique de Napoléon Tran chapeaute le tout, ce qui pourrait très bien être le nom de la série. De plus, aucun titre spécifique n’identifie ce premier album, sinon Saison 1. Le tome #2 suivra la même tangente obscure, avec le surtitre et l’appellation Saison 2. Il faudra attendre au tome #3 pour que le surtitre disparaisse et qu’ainsi Mon pépé est un fantôme devienne officiellement le titre de la série… Mais on reste avec l’assez peu original Saison 3 comme titre. Le tome 4 aura le mérite de s’appeler la Saison corse… mais on en reparlera rendu là!!
- le personnage d’Amadeus, le fils de l’entrepreneur en pompes funèbres. Son intérêt pour le métier de son père est pas mal trop appuyé. Il est si intense qu’il manque de réalisme : il semble plaqué là seulement pour accentuer le thème de la mort.
- un ou deux gags moins punchés. Il s’agit principalement de ceux qui se déroulent à l’école : ils sont beaucoup moins originaux, et rappellent inévitablement ceux qu’on a lus cent fois, dans Cédric par exemple.
- le fait qu’on annonce onze récits, sur la quatrième de couverture, et qu’il n’y en ait que neuf. À moins que l’on ait compté les deux dessins d’humour qui ornent la page 48 et cette même couverture arrière… Ce qui, à mon sens, est une arnaque un brin décevante!
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