#05 - UN COUPLE D'ENFER
Scénariste(s) : Maryse DUBUC, Marc Delafontaine dit DELAF
Dessinateur(s) : Marc Delafontaine dit DELAF, Pascal COLPRON
Éditions : Dupuis
Collection : X
Série : Nombrils
Année : 2011 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Gags en une ou quelques planches, à suivre
Genre(s) : Humour mordant, Quotidien, Récit psychologique, Thriller, Drame familial
Appréciation : 5 / 6
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Quand nos Nombrils prennent des airs de Wisteria Lane...
Écrit le mercredi 18 janvier 2012 par PG Luneau
Hiiiiii haaaaa! Enfin, je me suis permis de replonger dans le délicieux univers des Nombrils!! On l’a attendu un peu, cet album que Dupuis nous délivrait au compte-gouttes (un gag à la fois dans le magazine Spirou, puis dans trois ridicules fascicules, format mini-roman, question de faire du fric sur le dos des fans finis qui n’en pouvaient plus d’attendre la publication du véritable album… Heureusement, j’ai su résister!!)… On l’a d’autant plus attendu que les auteurs, les Québécois Delaf et Dubuc, ont dû refaire entièrement les dix premières planches, suite à un changement d’orientation scénaristique survenu alors qu’ils travaillaient sur les planches subséquentes, changement qui faisait en sorte que les dix premiers gags initialement dessinés ne cadraient plus!
Quel cadeau je me suis fait, pendant mon congé des Fêtes, en lisant enfin ce tome tant attendu! Qu’est-ce que j’avais hâte de voir à quel point la «nouvelle» Karine, toute de noir vêtue (et «teindue», diront certains!!), allait s’affranchir de ses deux tortionnaires nombriliques! Qu’est-ce que je me demandais si son nouveau petit ami aux cheveux d’ange (pourtant cornus!?), l’Albin au teint d’albâtre, allait lui insuffler un peu de plomb dans la colonne et dans la boîte à bon sens, de manière à lui ouvrir les yeux! J’avais tellement hâte de tenter de percevoir par moi-même les inévitables zones d’ombre de ce nouveau personnage, un brin mystérieux! Après tout, il ne peut pas tant chambouler le tempérament de la pauvre Karine, sinon les piliers qui soutiennent toute la série seraient bien trop fragilisés : que deviendraient Jenny et Vicky sans leur faire-valoir??!
C’est d’ailleurs sur cette question que toute la première moitié de l’album est basée. Les deux bitchs finies que sont Vicky et Jenny ne supportent pas du tout que LEUR Karine soit maintenant remontée au 27e rang du palmarès des plus belles filles de l’école. Elles le supportent d’autant moins que l’ex-bonasse refuse maintenant de faire leurs devoirs à leur place, comme avant, quand elles voulaient aller au cinéma avec leurs centaines de soupirants! Aussi cherchent-elles, par TOUS les moyens (certains moins pertinents que d’autres, bien évidemment!!), d’éloigner Karine du bel Albin… Mais ce dernier n’est pas dupe et tentera, avec brio, il faut bien le dire, de semer la Pomme de discorde entre les deux minettes!
De son côté, Dan regrette de plus en plus son escapade auprès de Mélanie (voir le tome #4). Il aimerait tant se faire pardonner cette bévue et reprendre avec Karine… Mais celle-ci est franchement transformée : elle se tient debout et s’émancipe! Fini l’esclavage des deux pimbêches, adios l’amoureux qui l’a abandonné comme une vieille chaussette pour une blondasse manipulatrice! Même ses parents vont se faire remettre à leur place comme jamais!! C’est qu’elle est devenue quelqu’un, notre Karine : elle est maintenant choriste dans le groupe des Albinos! Et les copains musiciens d’Albin lui montrent à faire la fête… Un peu trop, peut-être?!!...
Puis, notre charmant duo d’auteurs nous a concocté une finale à couper le souffle : le dernier tiers de l’album nous entraîne dans une série de révélations et de suspicions digne de la populaire télésérie Beautés désespérées! Les découvertes que Vicky, Jenny et Dan feront sur la véritable identité d’Albin risquent de vous glacer le sang… ou plutôt de le faire bouillir! ;-)
Bref, encore une fois, un tome drôle mais intelligent, qui illustre encore mieux que les autres à quel point la méchanceté, les vacheries et l’intimidation psychologique peuvent entraîner des conséquences désastreuses. Delaf et Dubuc démontrent encore leur grand talent pour traiter d’un sujet grave, qui est en fait l’évolution naturelle de leur thème initial! Car si les Nombrils, c’est à la base l’illustration de la glorification de la superficialité que le culte de l’image peut entraîner, les auteurs ont eu l’intelligence de pousser plus loin leur réflexion et de traiter de l’exploitation psychologique qui en découle si souvent! Et ça, ils le font avec un doigté hors pair et, j’oserais dire, une expertise qui m’impressionne beaucoup… Mais aussi avec leur humour décapant, toujours aussi irrésistible!
Donc, ce cinquième tome qui, après le Mystère John John (dans le tome #3) et le Mystère Mélanie (dans le tome #4), nous offre le Mystère Albin, est bien à l’image des précédents : il est à recommander chaleureusement à tous les jeunes pré-ados de 12 ou 13 ans… et à leurs parents!!
À lire aussi : mes critiques des tomes #1 et #2.
Plus grandes forces de cette BD :
- la petite récapitulation, en début d’album. Idéale pour ceux qui n’auraient pas eu le bonheur de lire les premiers tomes, elle peut aussi être utile pour rafraîchir la mémoire de ceux qui, comme moi, n’ont pas repotassé leurs vieux albums depuis longtemps!
- la méchanceté jouissive et crasse de Vicky… et de l’horrible Murphy, l’abject boutonneux! Je ne sais pas si c’est parce qu’il y avait longtemps que je n’avais pas été confronté à eux, mais j’ai trouvé Vicky particulièrement en forme, surtout dans les premières planches! Et que dire de cet affreux peloteur qu’est Murphy! Le gag de la p.8 est totalement dégoûtant… et jubilatoire!! ;-)
- la stupidité indélébile (et débile!!) de Jenny. Quelle tache!!? Quelle nouille!!? C’est vraiment une spécialiste en confusion lexicale (pour confondre hypocrite et hippocampe, ou influences et inflation, par exemple!!). Ces gags sont hilarants, je les adore!!
- la belle complémentarité graphique entre Albin et la noire Karine! C’est une belle idée graphique que ce duo contrastant : ce n’est pas pour rien que Vicky l’associe au Yin et au Yang!
- le fait de creuser la vie privée de plusieurs personnages. On apprend à connaître le père de Dan, qui vit à New York, et son beau-père, un sportif de salon un peu lourd. De plus, on apprend enfin comment le trio d’héroïnes s’est connu, comment elles ont socialisé… et pourquoi la dynamique, malsaine, s’est mise en place! Toutes ces explications aident tellement à comprendre les tares de chacun de ces personnages! Sans compter que grâce à elles, les personnages nous apparaissent plus humains… et plus réels! Bravo aux auteurs pour leur perspicacité!
- plusieurs des thèmes abordés plus ou moins directement : l’exploitation psychologique, la survalorisation de l’image et l’hypersexualisation, bien sûr, mais aussi le pelotage (via le «sensuel» Murphy!) et de nouveaux thèmes, plus grave encore! En effet, on en vient (et c’est, quand on y pense, une évolution évidente!) à parler de drogue, puis du suicide… et peut-être même de meurtre!! Sans vouloir vous en dévoiler trop, je ne dirai que ceci : c’est intéressant que les auteurs aient l’audace (et la possibilité éditoriale!!) d’aborder de tels thèmes dans un album jeunesse, mais ils devront rester vigilants car ils s’aventurent en terrain glissant! Avec un thème comme la drogue, par exemple, il ne leur sera pas facile de trouver un angle d’approche satisfaisant pour respecter l’univers qu’ils ont mis en place tout en n’étant pas trop manichéens dans leur message! De plus, il ne sera pas évident de faire en sorte que le côté presque «policier» de l’intrigue ne fasse pas basculer cette série d’humour dans le polar!! Il faut penser aux tomes à venir!! Mais j’ai l’impression que madame Dubuc a plus d’un tour dans son sac : elle nous a déjà prouvé, à plusieurs reprises, qu’on pouvait lui faire confiance!
Ce qui m’a le plus agacé :
- le visage de la directrice de l’école. Étrangement, à chaque fois que l’on voit ce personnage rondouillet, au nez effilé, j’ai l’impression que son graphisme détonne de celui du reste de la série! C’est comme si elle appartenait à un autre univers graphique, beaucoup plus simpliste… Bizarre.
- quelques expressions trop européennes. C’est encore très discret, heureusement, mais pour le Québécois que je suis, ça fait très curieux d’entendre «une adresse retour», sans «de» (p.15 et 16) ou cette expression à peu près inutilisée chez nous (et encore moins chez nos ados!) : des vannes (à la p.9)! Nos vans à nous font encore plus de dommages, surtout quand on les reçoit en pleine face!! Heureusement, elles sont du ressort des anglicismes!!
- certains gags moins drôles. Il s’agit principalement de ceux qui visent à exploiter le côté idiot de Jenny, mais qui vont trop loin dans l’absurde. Les gags des p.15, 22, 23, 24 en sont de bons exemples. La stupidité de notre nunuche préférée y est beaucoup moins bien canalisée, dirait-on. C’est un peu trop excessif, ça me fait un peu décrocher.
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