#05- LA CHUTE
Scénariste(s) : Frank GIROUD, Luc RÉVILLON
Dessinateur(s) : Giancarlo ALESSANDRINI, Cyril BONIN, Steve CUZOR, Paul GILLON, Jean-Charles KRAEHN, Tomaz Lavric dit TBC, Michel Gibrat dit URIEL
Éditions : Dupuis
Collection : Empreinte(s)
Série : Quintett
Année : 2007 Nb. pages : 80
Style(s) narratif(s) : Récit choral (5 de 5)
Genre(s) : Aventure policière, Drame de guerre, Récit psychologique
Appréciation : 5 / 6
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Inattendue, la chute, et plutôt déconcertante...
Écrit le jeudi 05 janvier 2017 par PG Luneau
Tomes lus : #05 - la Chute (sc.: Frank GIROUD, dess.: Giancarlo ALESSANDRINI)
#HS - la Collines aux serments (coll.: X, 2009, 64 p., style narr.: Docu-BD)
Je vous l'avais promis il y a quelques semaines, à la fin de ma critique sur les quatre premiers tomes de cette série : je n'allais pas tarder à lire la suite! Eh ben voilà, c'est fait!! Et j'ai non seulement lu le dernier tome du quintette Quintett (quel concept!!), mais aussi le tome hors-série, qui tient plus du récit documentaire / artbook / making off que de la BD en tant que telle! Mais d'abord, parlons de la Chute... en tentant de ne pas trop vous en divulguer!! ;^)
En effet, cet épais volume de 80 pages est bardé d'avertissement : IL FAUT absolument avoir lu les quatre premiers tomes (dans l'ordre ou le désordre) AVANT de débuter ce fameux tome intégrateur. Ce conseil, il est pertinent. Pour ce qui est de celui de NE PAS L'ENTROUVIR, question de ne se faire dévoiler aucun détail de l'intrigue... je le trouve totalement exagéré!! Aussi passionnants et nombreux que soient ces punchs, aucun d'entre eux n'est assez visuel pour qu'un coup d'œil vous les révèle et gâche votre plaisir! C'est plutôt ici un bon coup de marketing... et, ma foi, il a fonctionné avec moi!! Mais passons au récit en tant que tel.
Dès les premières pages de ce 5e opus, on retrouve le charmant couple du tome #2, formé d'Alban et de Manolis! Mais nous sommes en 1932, soit seize ans après les éprouvants événements de Pavlos! Comme convenu (à la toute fin de ce 2e tome), le couple s'est retrouvé après la guerre. Les deux hommes se sont installés à Berlin, devenant propriétaires d'une petite boutique d'antiquités.
Dans les tumultes naissants causés par la montée fulgurante d'un certain Hitler, les deux tourtereaux mettent la main sur un vieux coffre intrigant, lors d'une tournée des brocantes. En effet (et quel hasard... mais est-ce vraiment un hasard!! ;^), il s'agit non seulement d'un coffre de type militaire, mais les items qu'il contient encore confirment hors de tout doute que c'est celui ayant appartenu à Grall, leur perfide racketteur, à Pavlos : celui qui a bouleversé leur vie, qui les a poussés au vol, au meurtre...!! :^O
Cette découverte ravive de vieux souvenirs qu'ils auraient préféré oublier... d'autant plus que certains documents les forcent à revoir leur interprétation des faits!!?? Apparemment, Grall les faisait chanter... pour le compte de quelqu'un d'autre!! :^0 Et ce mystérieux quelqu'un d'autre aurait aussi comploté pour que Dora et Armel se tombent mutuellement dans les bras (tome #1), qu'Élias s'intéresse au sort de la pauvre Alika (tome #3) et que Stélios transige frauduleusement avec le capitaine Drecq, donnant lieu à tous les débordements que l'on sait (tome #4)!!!
Ne faisant ni une, ni deux, le bel Alban part mener son enquête à Paris, où il retrouve Dora et Élias. Ensemble, ils essayeront de faire le point sur toute cette affaire. Qui peut bien être le grand marionnettiste qui les aurait si bien manipulés? Et, surtout, dans quel but?? La réponse ne pourra que vous désarçonner!!
En effet, j'ai bien apprécié la conclusion de cette série... et ce, même si elle me laisse un peu perplexe!! ;^) En effet, jamais je n'aurais pu prévoir la tangente qu'allait prendre toute cette affaire! Sans trop savoir où Giroud voulait nous mener, il est clair que je ne m'attendais pas du tout à ce qu'il nous entraîne dans cette voie... voie qu'il vous faudra découvrir en lisant la série, puisque je ne veux surtout pas vendre de punch en en révélant trop!! ;^) Bonne découverte, donc!
Pour ce qui est de la Colline aux serments, cet album hors-série qui vient s'ajouter à l'ensemble, sachez que, s'il n'est pas essentiel à la bonne compréhension de la série, il en est un complément très riche, tant sur le point narratif que visuel! En effet, comme je le disais plus haut, ce volume n'est pas tout à fait une BD. En fait, seules 21 des 80 pages du livre sont des planches de BD, soit seulement le ¼ !! Les ¾ restants sont composés de notes manuscrites, de photos, de croquis, d'esquisses préparatoires, de story-boards, etc., tirés des portfolios des cinq dessinateurs de la série, mais aussi de ceux d'Uriel et de TBC, deux artistes talentueux qui devaient respectivement illustrer les tomes #4 et 5, mais qui ont dû être remplacés au pied levé, pour raison de problèmes de santé! :^( Question de lier tous ces documents, on peut lire une enfilade de 5 chapitres au cours desquels on suit les démêlés d'un écrivain, Michaël Martin, à qui on a demandé, en 2000, d'écrire la biographie d'un obscur cinéaste américain des années '20 et '30, James Cruze.
C'est en effectuant ses recherches documentaires que ce Martin est tombé sur l'existence d'un mystérieux film, réalisé en 1931 par Cruze mais qui semble n'être jamais sorti en salle : la Colline aux serments. Titillé par le fait qu'on semble avoir tout fait pour occulter cette œuvre, Martin remonte le fil de cette histoire et démêle les complexes nœuds qui en taraudent la pelote, interrogeant archivistes, artisans et descendants des protagonistes... se rendant même jusqu'en Macédoine, à la recherche du village de Pavlos! C'est que ce film, scénarisé par Matthéos Vaslis (le jeune cousin de Nafsika, qu'on a surtout côtoyé dans le tome #4), racontait apparemment tout ce qui se serait passé à Pavlos lors des jours funèbres qu'on nous a racontés tout au long de la série!! :^O
Avec ce 6e album, on a à faire à un genre d'épilogue sous forme d'enquête. Les résultats sont évidemment les mêmes que ceux trouvés dans le tome #5, mais on a aussi droit à plusieurs précisions et à quelques très bons compléments d'information, dont le punch final, qui établit un lien direct entre toute cette saga... et monsieur Giroud, le scénariste!! Cette histoire serait donc vraie?!? :^O
J'adore ce genre de pseudo-documentaire qui cherche à bien ancrer l'imaginaire dans le réel. Van Hamme a fait la même chose, à la fin de sa génialissime série les Maîtres de l'orge... Et la «biographie» de Yann Kermeur, le héros de la série l'Épervier, de Pellerin, vise le même but : donner à ces fictions un semblant de véracité historique!
Un autre des atouts indéniables de ce hors-série, c'est sa richesse iconographique, et la superbe démonstration de l'évolution du travail d'un scénariste et d'un dessinateur. Grâce aux nombreuses photos (prises en Macédoine et en Grèce) et aux innombrables croquis effectués par les divers dessinateurs, on en vient à comprendre l'importance des recherches visuelles, surtout dans le cadre d'une BD historique. De même, les différentes mises en pages effectuées par quelques artistes pour une même planche de scénario nous permettent de prendre la mesure de la marge d'originalité et de personnalisation dont un illustrateur dispose lorsqu'il reçoit un texte d'un scénariste.
De plus, l'ampleur des tableaux narratifs qu'on nous montre, ceux dans lesquels les différents récits sont minutieusement segmentés en fonction d'une ligne de temps commune, très détaillée, nous démontre la complexité du travail de scénarisation d'une telle série-concept! Tous ces aperçus sont riches en enseignements et m'ont aidé, si c'était encore nécessaire, à apprécier l'ensemble de l'œuvre... et les différentes facettes du travail d'un bédéiste!
En somme, si la Colline aux serments se veut un faux documentaire sur les recherches d'un journaliste trop curieux, il s'avère un fabuleux «vrai» documentaire sur le making off d'une série d'albums... mais agrémenté d'une trame narrative pour la rendre plus accessible... et mystérieuse!! ;^)
Bref, voilà deux albums fort intéressants, chacun dans son genre, pour conclure une saga historique riche et superbement bien ficelée... qui n'est pas, au final, sans nous faire penser aux Dix petits nègres d'Agatha Christie!! Une saga à ne pas manquer, donc, dès 16 ans.
Plus grandes forces de cette BD :
- la réutilisation des vignettes des autres albums. Très souvent, des effets de flashback sont mis en place, question de nous permettre de réaliser à quel point certaines pièces du puzzle étaient déjà présentes dans les albums précédents!! ;^) Pour notre plus grand bonheur, on nous les remet sous le nez à quelques reprises, dans le tome #5 (p.60, 71...), en réutilisant les mêmes illustrations (plus ou moins marquantes) qu'on a pu voir dans ces tomes. C'est un peu comme si on nous démontrait à quel point on aurait dû tout comprendre, nous aussi!! ;^)
- les indices mis en place. En fait, je suis assez fier de moi!! ;^) Je n'ai rien compris de l'ensemble du portrait avant qu'on nous l'explique en long et en large, mais j'avais repéré la grande majorité des indices que Giroud et ses illustrateurs avaient disséminés tout au long des 4 premiers albums. Ces indices m'apparaissent donc judicieusement choisis et bien situés!
- une construction très intelligente. Même ce qui m'est apparu comme étant arrangé avec le gars des vues (la malle retrouvée par Alban et Manolis, par exemple) trouve une explication logique : c'est simplement que le gars des vues n'est pas le scénariste en panne d'inspiration, mais bien un personnage retors qui cachait bien son jeu!! Bravo! Je profite d'ailleurs de l'occasion pour faire un mea culpa : dans ma critique des 4 premiers tomes, j'ai soulevé le fait que le pont n'avait pas la même forme dans le premier album que dans les suivants... mais après relecture, j'ai découvert que même ça est expliqué!!?? :^O En effet, dès la première planche du tome #2, les deux mystérieux interlocuteurs du prologue expliquent l'effet Korsakoff, phénomène démontrant que les souvenirs peuvent souvent être partiellement réinventés, dans notre mémoire!! Il avait prévu le coup, le Giroud! Je suis impressionné... et m'excuse encore d'avoir considéré ça comme une erreur involontaire! :^S
- une réflexion intéressante... mais sur un sujet que je ne veux pas nommer, de peur de trop vous en dire!! ;^) Disons simplement que j'ai été très étonné (et heureux!!) de retrouver, en lisant le 5e tome de cette série, le nom de plusieurs éminents scientifiques dont je n'avais jamais entendu parler il y a un an à peine, mais que j'ai découverts il y a quelques mois en lisant un roman policier historique du Québécois Jacques Côté. Voilà, je n'en dirai pas plus... ;^)
- avoir (un peu!) redoré le blason des Sénégalais qui ne servaient que de chair à canon dans la série. Le hors-série donne un peu plus la parole à ces Noirs qui jouaient un rôle mineur des plus ingrats, lors de l'attaque de l'expédition d'Hagios Serafim. C'est bon de voir que le scénariste a pensé à leur donner une âme, un vécu, une descendance...
- l'abondance des documents iconographiques du hors-série. J'en ai abondamment parlé plus haut, les photos, croquis et découpages foisonnent, et nous permettent de constater l'ampleur de la tâche!! Mention spéciale au tableau synoptique synchronique (qu'est-ce que ça se dit bien!!) et au plan de Pavlos, élaboré à partir d'une photo!
- le fascinant raccord avec le réel, via la foule de personnages historiques intégrés. Le réalisateur James Cruze, sur lequel Michael Martin effectuait des recherches, dans le hors-série, est un véritable réalisateur d'Hollywood!! Il a vécu dans les années '10, '20 et '30 et a réalisé tous les films dont on parle dans la Colline aux serments... sauf la Colline aux serments elle-même, devrais-je dire!! ;^) Et tous les acteurs et actrices mentionnés (Cagney, Mera, Milland...) sont aussi des figures importantes du cinéma d'alors... et je ne parle pas des militaires ou criminologues illustres de l'époque dont la saga est farcie! La fusion réalité/fiction est réellement parfaite!! Tout ça me donne même envie de voir le film Rashomon, de Kurosawa! ;^)
- tous les croquis et découpages d'Uriel... Qu'est-ce que cet illustrateur dessine bien!! Jean-Charles Kraehn a repris les rênes du projet en faisant du bon boulot... mais le peu qu'on voit du travail d'Uriel me pousse malheureusement à dire que sa version du tome #4 aurait été bigrement plus intéressante!! J'espère qu'il s'est rétabli et qu'on pourra bientôt voir d'autres projets de ce dessinateur!
Ce qui m'a le plus agacé :
- une petite coquille. Tome #5, p.21 : «J'aurais mieux fait fait de vous accompagner, tiens!»
- une étrange erreur graphique. Dans le haut de la p.29 du tome #5, quand Dora s'élance sur Clémence pour l'étrangler, cette dernière n'a... plus de tête??!! D'ailleurs, si on se fie à l'absence de gouttes de pluie à cet endroit, il semblerait que la tête ait été effacée, probablement pour être refaite... mais qu'on ait laissé le dessin en plan!?? Mais comment le coloriste a-t-il pu ne pas se rendre compte d'une telle omission??!! :^S
- l'arrivée tardive d'Élias et de Nafsika dans le tome #5. Alors qu'Alban, Manolis et Dora se mettent en chasse dès le début du récit, le bel Élias (métamorphosé!) n'arrive que très tard, soit passé le milieu de l'album (qui fait quand même 80 pages!)... et Nafsika n'apparaît que sur 5 planches, en tout et pour tout!! Heureusement qu'on nous offre en bonus, dans le hors-série, trois planches où elle joue un rôle plus prédominant, planches qui avaient été initialement créées pour un livret publicitaire promotionnel!! Reste qu'Élias et elle tiennent des rôles très secondaires dans cette finale!
- la presque trop grande finesse avec laquelle on apprend qui était le 5e membre du quintet. En effet, c'est à peine si l'identité du pianiste est mentionnée!!! Il s'agit de ne pas être trop endormi quand on y fait allusion, sinon, ça risque de nous passer sous le nez!! Même si ça n'a, au bout du compte, que très peu d'impact sur le récit, reste que toute la série est basée sur le concept de quintet... et que, sans cet important protagoniste, ça n'aurait été qu'un quatuor!! ;^)
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