VALENTIN
Scénariste(s) : Yves PELLETIER
Dessinateur(s) : Pascal GIRARD
Éditions : la Pastèque
Collection : X
Série : Valentin
Année : 2010 Nb. pages : 136
Style(s) narratif(s) : Roman graphique
Genre(s) : Quotidien, Récit psychologique
Appréciation : 3.5 / 6
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C'est bon, chat, hein, mon bébé??!
Écrit le mardi 23 août 2011 par PG Luneau
Fanny et Fabien forment un charmant petit couple tout ce qu’il y a de plus classique. Lui est agent immobilier, elle est infographiste pigiste qui travaille à la maison. Lui se défonce corps et âme au boulot, et rentre tard. Elle l’appelle mon bébé, lui prépare de savoureux petits déjeuners au lit et des lunchs santé… qu’il n’a jamais le temps de savourer!
En fait, on sent un malaise, dès les premières pages de l’album. Elle le materne trop, il veut qu’elle se trouve des occupations pour qu’elle s’épanouisse de manière autonome… Ça sent le cocufiage à plein nez, surtout que l’ex de Fabien est toujours dans le paysage! Puis arrive Valentin!
Valentin, c’est le chat de Léa, une copine. Un matou si affectueux que Fanny tombe sous son charme! Quand Léa décide de quitter le pays, pour aller rejoindre son amoureux aux Philippines, Fanny s’empresse de se porter volontaire! Non pas pour garder l’animal, puisque Fabien est grandement allergique, mais pour s’occuper de lui trouver un gîte adéquat. Mais la bête est tellement affectueuse! Elle est tellement enjouée, tellement complice! Et si… ?! Un chat peut-il remplacer un chum?... ou un bébé?!
Yves (P.!) Pelletier, celui-là même qui nous interprétait l’impayable monsieur Caron et le désopilant Stromgol, au bon vieux temps des Rock et Belles Oreilles, est devenu un scénariste de cinéma chevronné. Après ses deux Karmina, comédies burlesques sans prétention, il nous a donné les fort agréables comédies sentimentales les Aimants et le Baiser du barbu. Avec Valentin, et il l’a d’ailleurs avoué lui-même en entrevue, on a affaire à une autre idée de scénario du même genre. Ça aurait donné un autre mignon petit film… mais trop petit, justement, plus du genre «moyen métrage» que du genre «film de longueur traditionnelle». Comme ces courts films sont toujours très difficiles à financer, et qu’ils trouvent rarement leur public, monsieur Pelletier a préféré se tourner vers un nouveau média et tenter sa chance en BD! Ça tombe d’ailleurs assez bien, car les chats sont bien plus dociles sous la plume d’un illustrateur que sous l’œil d’une caméra!! Cette histoire d’une femme qui se sert d’un chat pour cristalliser et sublimer ses instincts maternels est tout à fait dans la lignée des Aimants : elle a une trame solide, simple, sans fioriture mais toujours persillée d’humour.
En s’alliant la participation de Pascal Girard au dessin, Pelletier s’est trouvé un type d’illustrations tout à fait dans le ton, plein de charme et de légèreté. J’oserais même qualifier ce style d’un peu girly, la couverture à dominance de rose étant très éloquente sur ce point. Les traits sinueux et la coloration à l’aquarelle ajoutent à la douceur inhérente au dessin de Girard, toujours fait à la plume ultrafine. Personnellement, ce style graphique ne m’interpelle pas particulièrement… et je n’ai jamais aimé l’aquarelle!! Mais je dois avouer que ces choix artistiques sont en parfaite adéquation avec le récit.
Un album au contenu assez adulte, qui n’intéressera pas les jeunes de moins de quinze ou seize ans, et qui plaira plus naturellement aux jeunes filles, aux jeunes femmes, aux jeunes mères et, surtout, à celles qui souhaitent ardemment le devenir!!!
Plus grandes forces de cette BD :
- la douceur satinée de la couverture. «Douce, douce pour les mains!…» (Girly, je vous dis!!)
- ma rencontre avec les deux artistes, lors du dernier Salon du livre de Montréal. Les deux ont daigné autographier mon album, et monsieur Girard a même eu la gentillesse d’y ajouter un petit chaton à l’aquarelle, sur la page précédent la page de titre. Cette dédicace est vraiment très mignonne… même si le fait qu’elle soit en couleur nous donne l’impression qu’elle faisait déjà partie du livre!! J’ai moi-même de la difficulté à me convaincre qu’elle n’était pas déjà imprimée!!
- l’aspect «tranche de vie» tranquille. C’est vraiment très mollo mollo, mais ça finit par prendre une tournure aussi drôle que ridicule et tragique! Pelletier pousse la logique de son personnage tellement à fond que c’en est pathétique. J’avoue avoir passé par toute la gamme des émotions vis-à-vis de la belle Fanny : pitié, compréhension, étonnement, exaspération, indulgence, incompréhension… Très fascinant, somme toute, cette jeune femme!
- la belle longueur. Les auteurs nous ont offert, somme toute, un assez long récit : on lit longtemps, sans jamais se tanner.
- l’ultime conclusion (la 127e planche). Cette image est simple, mais juste assez parlante pour répondre aux questions qui restaient en suspens!
Ce qui m’a le plus agacé :
- le dessin, souvent un peu malhabile. Bien qu’on puisse en venir à trouver que ces lacunes ajoutent au charme et cadrent avec le style du récit, j’ai de la difficulté à ne pas m’y enfarger. Des éléments sont déformés, à commencer par le chien Bonbonne, dès la page 1, ou la bouteille de champagne de la page 123, par exemple. Certaines postures sont tordues… Il me semble que quelques vignettes auraient gagné à être retravaillées.
- la coloration à l’aquarelle. Encore ici, j’avoue que le flou créé par la superposition de certaines couleurs sera sans doute considéré comme une des forces de l’album, mais pour moi qui aime les dessins clairs et les couleurs précises, ça ne me rejoint pas du tout! Ça a même nui à ma lecture, en ce sens que je décrochais à chaque fois que je remarquais que les couleurs «dépassaient» des lignes… c'est-à-dire très souvent! Ah! L’aquarelle et moi!!
- le langage employé, très oral. Je dois avouer que ça s’estompe au fil des pages (ou qu’on s’y habitue!), mais les premières pages m’ont un peu fait peur, principalement celles avec les jeunes joueurs de hockey qui y vont d’un «Étampe-le dans bande!» bien senti!!
- les petits caractères en pattes de mouche. La typographie de monsieur Girard est bien lisible dans les phylactères, mais dès qu’on tombe sur les affiches, les livres, les écrans d’ordi ou tous les autres textes qui peuvent entourer les protagonistes, même à la loupe, ça reste souvent illisible. Pourquoi ne pas tout simplement y aller de gribouillis, dans ces cas-là? Ce serait moins frustrant pour les lecteurs!
- l’abus d’onomatopées : c’est la première fois de ma vie que je trouve une BD trop bruyante!! Je ne sais s’ils sont dus à Yves P., ou s’ils sont des rajouts de Pascal Girard, mais le nombre de Keuf (p.74), Gbbl gbll (p.74), Ploup ploup (p.75), Prrrr (p.90) ou autre Brrbla…gu (p.90) est carrément incroyable! C’en devient énervant, carrément, et même un peu ridicule, surtout quand ces bruits deviennent difficiles à identifier… Et eux aussi, ils étaient toujours écrits en infimes pattes de mouche!!
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