WATCHMEN - LES GARDIENS
Scénariste(s) : Alan MOORE
Dessinateur(s) : Dave GIBBONS
Éditions : Delcourt
Collection : X
Série : Watchmen
Année : 1998 Nb. pages : 398
Style(s) narratif(s) : Roman graphique (Comics)
Genre(s) : Superhéros / Justicier masqué, Thriller fantastique
Appréciation : 5 / 6
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Quand les hommes en collant doivent reprendre du service!
Écrit le mercredi 01 juillet 2009 par PG Luneau
Ouf! Voilà que je viens (enfin!) de me délecter d’un monument du Comic book, un classique de la BD de superhéros, et j’ai nommé : Watchmen, les Gardiens.
Il est vrai que la récente sortie du film qu’on en a fait et les bons commentaires que j’en ai entendus ont ravivé mon intérêt pour cette série qui avait, à plusieurs reprises, piqué ma curiosité lors de mes visites en bouquineries. Malheureusement, les couvertures plutôt vieillottes faisaient en sorte que je laissais là ces albums jaunis par les ans. Quelle honte de condamner ainsi un livre à cause de sa couverture!!
Toujours est-il qu’un de mes amis a bien voulu me prêter sa superbe édition intégrale, grand format, couverture rigide, que Delcourt a fait paraître en 1998. Un objet de luxe, pour une œuvre grandiose.
D’abord, précisons que je ne savais absolument rien de l’histoire que cette œuvre raconte, sinon que c’était une histoire de superhéros qui avait beaucoup fait parler d’elle à sa sortie, dans les années 80. J’avais donc assez bien réussi à «rester vierge» devant cette œuvre, ce qui m’a permis de tout découvrir, de tout goûter! Et j’ai tout de suite jugé cette grande histoire digne d’avoir l’honneur d’inaugurer cette Lucarne qui deviendra, je l’espère, un lieu d’échanges et de découvertes pour tous.
Il est quand même étrange que je choisisse une BD de ce genre, car elle est plus ou moins représentative des BD que je lis habituellement! En effet, je suis beaucoup plus branché sur la BD franco-belge, comme vous serez à même de le constater au fil de mes futures chroniques, mais une fois n’est pas coutume! C’est dire la qualité de l’œuvre!
Watchmen, les Gardiens a été réalisée par deux britanniques, Dave Gibbons au dessin et Alan Moore au scénario, mais elle a été originalement éditée par DC Comic, aux États-Unis. Moore a d’ailleurs causé toute une révolution dans l’univers du Comic book moderne, de par son approche plus sombre mais plus réaliste. N’étant pas un expert, je ne suis pas vraiment à même d’en juger… mais je peux par contre vous parler du plaisir que j’ai eu à lire cette brique de 400 pages, qui a été, en 1986, la première BD à se mériter le prix Hugo, ce prestigieux prix récompensant à chaque année la meilleure œuvre de Science-fiction (elle a également reçu le Prix du Meilleur Album Étranger à Angoulême, en 1989).
D’abord, le propos. Moore nous plonge dans le New York des années 80… un New York un peu imaginaire (Nixon est encore au pouvoir!) mais quand même près de la réalité : la guerre froide est plus glaciale que jamais, chacun des camps étant prêt à appuyer sur le bouton rouge qui provoquera l’apocalypse nucléaire.
Un ancien justicier masqué, travaillant depuis sa retraite pour le gouvernement, est retrouvé sans vie : quelqu’un l’a jeté par la fenêtre de son appartement, au sommet d’un gratte-ciel. Ce meurtre éveille les soupçons d’un de ses anciens collègues, Rorschach, déjà plutôt barjot et paranoïaque. Ce cagoulard s’inquiète et contacte les autres membres de leur ancienne association de justiciers, tous à la retraite depuis que le gouvernement a décrété une loi interdisant la justice parallèle, à la suite de pressions de la part des policiers et de la population.
C’est donc à la passionnante enquête que mèneront certains de ces «has been» en collant que l’on assistera. Sommes-nous vraiment en présence d’un complot qui viserait leur élimination pure et dure? Mais qui chercherait à les faire disparaître? Et surtout, pourquoi? Ils se font tous vieux et n’ont plus de réels impacts sur le monde qui les entoure!
À travers ce récit enlevant, bourré de «retours en arrière», on apprend à connaître ces anciens défenseurs de la veuve et de l’orphelin : ce qui les motivait, comment ils ont vécu leur mise au rancard, ce qu’ils sont devenus. Pour renchérir substantivement ces études de caractères, chaque chapitre se conclut sur de très consistants extraits de reportages, de rapports psychiatriques, de rapports de police ou de biographies sur ces personnages plus grands que nature.
Pour une lecture substantielle (400 pages, quand même!) et passionnante, je vous recommande Watchmen, les Gardiens… Une excellente lecture pour vos vacances, tiens!
Plus grandes forces de cette BD :
- des justiciers masqués qui n’ont rien de supranaturel, sinon leur désir d’éradiquer le crime qui les entoure. Ça les rend plus humains, plus réalistes… surtout qu’on nous présente principalement leurs doutes, leurs craintes, leur déchéance… Tous sont bien fouillés, avec une psychologie riche et passionnante, présentée en petites couches qu’il nous fait plaisir d’additionner et de conjuguer, de manière à voir apparaître peu à peu leur vraie personnalité.
- de belles réflexions sur le quotidien et le réalisme des superhéros ou autres justiciers du même acabit. Quel est leurs buts réels, leurs motivations? Serait-on prêts à prendre au sérieux un grand gaillard en costume moulant et bariolé qui volerait au dessus de nos têtes, cape au vent, pendant qu’on se promène sur la rue St-Laurent ou le boulevard St-Jean? À bien y penser, n’y a-t-il pas quelque chose de risible, de misérable, dans cette image traditionnelle du superhéros?
- de réelles trouvailles graphiques, pas tant sur le plan du dessin comme tel que sur celui du montage. Plusieurs planches sont conçues comme des partitions musicales ou de véritables œuvres d’art : symétrie, alternance, parallèle entre deux scènes, BD dans la BD… Bref, j’ai rarement porté autant d’attention à la façon dont un illustrateur disposait ses vignettes dans sa planche. Je suppose que c’est parce qu’il y avait là une virtuosité particulière que l’on ne retrouve pas habituellement.
- une intrigue touffue mais intelligente et compréhensible, qu’on ne voit pas venir de loin (comme c’est parfois le cas) mais dont on comprend le fondement (contrairement à certaines séries se voulant complexes mais qui ne s’avèrent, au bout du compte, qu’un gros n’importe quoi qui ne même à rien d’intelligible!).
Ce qui m’a le plus agacé :
- les couleurs criardes, en aplat, bien représentatives des Comic books des années 60-70. C’est sûr, elles contribuent au parallèle entre les comics classiques (genre Superman) et cette nouvelle façon de voir que Moore a voulu instituer, mais quand même, ça reste très kitch!
- le récit d’horreur sur les pirates, en contrepoint, tout au long du récit principal. Même s’ils permettent d’exprimer une vision subjective des sentiments des personnages ou de rendre allégoriquement l’inéluctable tragédie vers laquelle tout le récit tend, les délires macabres du pirate psychotique m’ont agacé par moment. Ces passages alourdissaient, à mon avis, un récit déjà bien assez touffu.
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