#02- LE MATIN DES CENDRES, 2E PARTIE
Scénariste(s) : David CHAUVEL
Dessinateur(s) : Jérôme LERECULEY
Éditions : Delcourt
Collection : X
Série : Wollodrïn
Année : 2011 Nb. pages : 58
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (2/2)
Genre(s) : Heroic fantasy
Appréciation : 5.5 / 6
|
Raid suicide en territoire orc
Écrit le mercredi 30 juillet 2014 par PG Luneau
Comment ai-je pu laisser passer trois ans entre ma lecture des tomes #1 et 2 de ce diptyque???! S’il vous fallait une preuve de mon idiotie, vous l’avez maintenant!!! (Bon, à ma défense, ce deuxième tome n’était pas encore sorti quand j’ai lu le premier… et quand je me le suis procuré, quelques mois plus tard, je n’avais plus la première partie en tête!!). Vous comprendrez donc qu’après 36 mois d’intervalle, je me suis donné le droit de relire le premier tome avant de poursuivre… Et je l’ai trouvé tout aussi bon et beau… À l’instar du second… Quelle merveille que cette série!!
Dans cette conclusion, nous retrouvons nos héros exactement là où nous les avions laissés, c’est-à-dire dans la merde jusqu’au cou!! ;^) Pris en plein au cœur du raid-éclair qu’une troupe de cavaliers a lancé sur le clan d’orcs qu’ils poursuivaient, nos six compagnons se retrouvent dispersés : Ebrinh et Rohrr se replient avec les survivants humains, alors qu’Onimaku, Ivarr et le Premier Rétiaire Etzarn sont faits prisonniers par les orcs. Jokkï, pour sa part, a disparu dans la bataille, écrasé sous un monticule de cadavres de chevaux, d’hommes et de bestioles! Pendant que le trio de prisonniers espère ne pas avoir à servir de chair à pâté pour les joutes d’entraînement, style combats de gladiateurs, que les orcs mettent en place à chaque soir, le duo se retrouve pour sa part avec une raison supplémentaire de poursuivre sa traque : non seulement la jeune noble qu’ils allaient délivrer est toujours entre les pattes des orcs, mais ceux-ci détiennent maintenant trois âmes supplémentaires qu’ils pourraient récupérer au passage!
Que de palpitations j’ai ressenties à la lecture de ce récit!! Le talentueux duo d’auteurs a su, encore une fois, dépeindre une tension terrible, à laquelle on ne peut que rester accrochés! La violence des combats est horrible, et ne peut faire autrement que de nous faire réaliser à quel point la ligne entre la survie et la mort tient à bien peu de chose quand on se retrouve au cœur d’un territoire occupé par un peuple ennemi aussi sanguinaire!
Un album bien garni, donc : suspense, horreur, combats, poursuites, héroïsme, trahison, retour en force, coups de bol et coups de théâtre... Malencontreux hasards, aussi, et la mort, pour plus d’un : ce deuxième tome n’est pas en deçà du premier! Si le récit de Chauvel est aussi solidement ficelé (on y découvre enfin le fin mot au sujet des petits secrets échangés entre Rohrr et Ebrinh!!), les dessins de Lereculey ne nous laissent pas en reste : ils sont de l’ordre du sublime, tout simplement!!
Sans vouloir être redondant, je ne peux que vous répéter ce que j’ai écrit dans ma première critique : si vous ne devez avoir qu’une seule série d’heroic fantasy dans votre bibliothèque, il FAUT que ce soit Wollodrïn. C’est souvent dur et violent, oui, mais l’héroïsme qui y est dépeint n’en est que plus grand, et Chauvel a su y garder une touche d’humanisme tout à fait délectable, nous surprenant jusqu’à la toute fin.
Un deuxième diptyque est déjà sur les rayons… et je sens que je ne mettrai pas 36 mois à me le procurer! Si vous avez plus de 15 ans, j’espère que vous non plus!! ;^)
P.S. : Ah oui! Pour ce qui est du nom de la série, Wollodrïn, et du titre du diptyque, le Matin des cendres, j’avais vu juste : on y comprend un peu mieux leur sens, maintenant que le cycle est complété! ;^)
Plus grandes forces de cette BD :
- la couverture. En plus de la finesse et de la précision de ses détails, bien rehaussés par un souci de coloration magistrale, elle est des plus intrigantes : Que fait la belle Onimaku aux côtés de ces deux orcs?!?
- tous les dessins, d’une précision chirurgicale!! Tout est magnifique : les paysages (une nature sauvage somptueuse!!), les scènes d’action (rondement menées), même la prodigieuse expressivité des visages!! Tant pour les humains que pour les orcs, toutes les gammes d’émotions s’y déploient, sous toutes leurs nuances : fureur, peur, colère, amusement, terreur, ennui, épuisement… Monsieur Lereculey est véritablement un artiste remarquable, qui fait définitivement partie de mon top 10 des meilleurs dessinateurs de BD, possiblement mon top 5!! ;^)
- des personnages très riches. D’abord, j’ai craqué pour l’amusante personnalité du nain! Avec ses devinettes, ses jeux de mots et ses charades, il n’a même plus besoin d’être montré pour qu’on comprenne qu’il s’agit bien de lui (comme sur la page d’ouverture de ce tome-ci!!)!! Mais il y en a plein d’autres : la belle Onimaku; son éternel interlocuteur, cet intrigant vieil orc qui parle français; et ce cher Ivarr, pessimiste à souhait, toujours à ronchonner!
- les habiles juxtapositions de vignettes pour nous faire comprendre le passage du temps. J’ai particulièrement apprécié la volaille, morte puis cuite (à la p.28), et la diminution progressive du nombre de prisonniers, trois pages plus loin. Très ingénieux procédés, bien intégrés aux mises en page!
- les couleurs, aux dominances de feu et de vert-de-gris. Incontestablement, le travail de messieurs Christophe Araldi et Xavier Basset y est pour beaucoup dans l’appréciation que l’on peut avoir du travail de Lereculey. Bravo à eux deux… à eux trois, de fait!! ;^)
- la violence des combats. Aussi étrange que cela puisse paraître, j’appose cet aspect dans les forces, même si ce n’est pas du tout mon genre… Ce qui arrive, dans le cas présent, c’est que cette violence atroce, montrée et assumée (les têtes roulent littéralement, mes amis, croyez-moi), vise sa propre dénonciation, et non sa glorification, comme on pourrait parfois le croire en d’autres cas. Ici, on sent vraiment que les auteurs nous montrent ces horribles souffrances pour nous faire réaliser leur inutilité, pour qu’on comprenne que la cruauté ne peut engendrer qu’une cruauté encore pire. Cette escalade effarante trouve sa conclusion dans un tragique stupéfiant, touchant, qui est aussi efficace, pour nous faire réfléchir, que n’importe quel traité sur la paix ou la non-violence!
- l’étonnante révélation en ce qui a trait au mystère laissé en plan à la fin du tome #1. Vous vous rappelez ce fameux secret, partagé entre Rohrr et Ebrinh? Celui qu’ils hésitaient tant à divulguer aux autres? Et bien n’ayez crainte, Chauvel ne l’a pas oublié non plus!! On finit par l’apprendre… et y a de forte chance que, comme moi, vous ne l’ayez pas vu venir!!? Quel revirement de situation insoupçonnable!! ;^)
- la conclusion. Les deux dernières planches sont tout à fait touchantes, et pleine d’une surprenante humanité. Elles nous laissent entrevoir que les héros du prochain cycle ne seront probablement pas ceux qu’on aurait pu croire aux premiers abords!
Ce qui m’a le plus agacé :
- certains personnages trop semblables, physiquement. Le prisonnier sacrifié au bas de la p.6 ressemble tellement au fier rétiaire que j’ai cru que c’était lui qui y passait, ce soir-là!
- une petite erreur d’appendice mal dirigé, dans le bas de la p.13. Ne devrait-ce pas être Ebrinh qui s’inquiète pour son ami, et non Rohrr, comme la pointe nous l’indique??
- un des revirements de situation finaux. Encore une fois, en toute fin d’album (p.44) c’est un combat épique qui arrive à point nommé pour que le récit entre dans les 48 planches réglementaires!! Un deuxième Deus Ex Machina en autant de tomes, c’était peut-être un peu facile… C’est le principal élément qui m’empêche de donner la note parfaite à ce diptyque! Dommage!
|