#11- LA SPIRALE DU TEMPS
Scénariste(s) : Roger LELOUP
Dessinateur(s) : Roger LELOUP
Éditions : Dupuis
Collection : X
Série : Yoko Tsuno
Année : 1981 Nb. pages : 46
Style(s) narratif(s) : Récit complet
Genre(s) : S.F.
Appréciation : 3.5 / 6
|
À saute-mouton dans la quatrième dimension
Écrit le vendredi 02 avril 2010 par PG Luneau
Dans sa onzième aventure, notre charmante électrotechnicienne Yoko Tsuno se retrouve chez son oncle, à Bornéo. Entre deux reportages, elle renoue avec Gounda, un éléphant qu’elle avait connu dans sa jeunesse (!?) et elle explore la jungle indonésienne environnante… quand tout à coup… (Quel suspense!)
Elle est témoin de la fulgurante matérialisation d’un genre de cockpit fort intrigant. Une jeune gamine en sort, et les hommes venus l’accueillir l’assaillent sans trop de ménagement. Sans faire ni une ni deux et n’écoutant que son courage, Yoko s’interpose et sauve la fillette, qui lui révèle qu’elle vient du lointain futur de la terre et qu’elle a une mission de la plus haute importance à accomplir : empêcher un scientifique de concevoir le prototype énergétique qui conduira, seize siècles plus tard, à l‘anéantissement de notre belle planète bleue!! Bien évidemment, Yoko se mettra à la disposition de sa nouvelle amie et acceptera de l’accompagner dans un nouveau saut temporel, jusqu’en 1943, rien de moins, où elle fera tout le travail!!
Que voulez-vous, une héroïne, c’est fait pour «héroïner» héroïquement, et notre Yoko est une vraie héroïne qui n’a jamais froid aux yeux! Même si, somme toute, ce récit-ci est des plus classiques et prévisibles, et que ce tome des aventures de Yoko n’est pas le meilleur de la série, il permet néanmoins de renouer avec la nostalgie des histoires bien huilées sorties tout droit des années 60 : l’héroïne est toujours propre, impeccablement coiffée, loyale, toujours incroyablement chanceuse… et, évidemment, victorieuse! Aussi vieux jeu et dépassé que cela puisse paraître, ça fait tout de même plaisir de relire ce genre de récits, une fois de temps en temps, même s’ils vieillissent un peu mal. Moi, en tout cas, je trouve ça plaisant.
Plus grandes forces de cette BD :
- Gounda. Cet éléphant, qui joue à peine un rôle de figuration, est sympathique et nous dévoile le petit côté humain de l’héroïne, et un peu de son histoire. Qui savait que Yoko avait eu la chance de se balader en éléphant toute sa jeunesse, chez son cousin Izumi?
- la machine à voyager dans le temps. J’avais franchement hâte de découvrir comment cette machine (qu’on retrouvera par la suite dans plusieurs albums que j’avais déjà lus) est apparue dans la vie de Yoko. Ça permet de mettre un peu les choses en perspective.
- Monya, la dernière représentante de la race humaine dans l’univers! Venue directement du trente-neuvième siècle (on ne rit plus!), c’est justement dans le but d’éliminer la menace qui détruira notre planète à cette époque qu’elle a fait le grand saut dans le temps jusqu’à aujourd’hui. Elle deviendra une des amies de Yoko qu’on retrouvera épisodiquement.
- les sites enchanteurs. J’ai bien aimé découvrir certains paysages d’Indonésie (temple en ruine sur l’île de Bornéo, vallées verdoyantes entourées de pointes rocheuses acérées sur les Célèbes…). Monsieur Leloup rend assez bien ces paysages.
- le côté avant-gardiste de certains éléments du récit. Par exemple, l’accélérateur de particules illustré par monsieur Leloup en 1981 rappelle assez celui, sous les Alpes suisses, qui a fait les manchettes au début des années 2000. C’est impressionnant de voir à quel point l’auteur se tient quand même à l’affut des nouvelles découvertes et des futures technologies, tels Jules Verne et Hergé.
- la solidité du scénario. Bien que trop cousu de fil blanc et trop axé sur le destin et ses aléas, il faut avouer que chaque élément problématique trouve sa cause et sa répercussion, avec une logique implacable. C’est, en soi, une bonne preuve de qualité chez un auteur, mais encore plus dans un récit qui s’amuse à jouer avec des sauts dans le continuum espace-temps. Somme toute, bravo donc, monsieur Leloup!
Ce qui m’a le plus agacé :
- les traits des visages. Ceux de Vic et de Pol, notamment, ne semblent pas encore parfaitement maîtrisés, même après onze tomes! C’est flagrant que Leloup est un expert en dessin mécanique. Ce n’est pas pour rien qu’il était auparavant cantonné à faire tous les véhicules, les décors et autres machineries de ses comparses de travail : Hergé (l’avion de l’excentrique milliardaire Carreira, dans Vol 714 pour Sydney, c’était sa création à lui!), puis Jacques Martin (Alix, Lefranc) et Peyo (Jacky et Célestin). La contrepartie, comme c’est souvent le cas, est également vraie : ses traits humains sont à peaufiner!
- les couleurs. Elles sont toutes deux tons trop pâles, trop pastel, ce qui donne à l’ensemble un air délavé et vieillot qui n’aide pas à rajeunir la série.
- le trop peu de place accordé à Pol et Vic. Encore une fois, c’est à peine si les deux meilleurs amis et complices de Yoko font office de figurants et de porteurs de bagages. Dommage.
- la complexité relative du scénario. Qu’on s’entende : il existe des tonnes de récits plus complexes que les aventures de Yoko Tsuno!! Mais dans l’optique où je désirais passer quelques minutes à ne pas me creuser la tête, c’est raté! Il y a tant de personnages à identifier rapidement, à disposer en relation avec les autres (qui est allié à qui, qui est opposé à qui, qui joue peut-être un double jeu, etc.) et tant d’événements-clés à mettre en perspective dans trois époques différentes, que j’ai dû dire adieu à ma petite période de relaxation!
- la grande part du scénario attribuée au hasard. Que Yoko parvienne à socialiser avec les membres d’une race extraterrestre qu’elle côtoie régulièrement, je veux bien. Mais qu’elle tombe, encore une fois «par hasard», sur une machine à voyager dans le temps, ça devient bien moins crédible! À part le totalement improbable Jack Bauer de la série 24 h chrono, qui peut bien vivre tant de situations abracadabrantes à la chaîne? De même, n’est-ce pas curieux que ce soit «justement» le colonel Ishida, oncle de Yoko, qui ait été l’officier en charge de l’île qui intéresse Monya et Yoko, et ce, «justement» en 1943, c’est-à-dire en plein à l’époque qui les intéresse?!?! Que de «hasards»!!
- la créature qui cause tout ces bouleversements. Sans vouloir trop en dévoiler, je trouve le fin mot de ce récit un peu exagéré, même s’il plairait sûrement à plusieurs de mes amis, grands amateurs des récits de Lovecraft!
|