#01- 297 KM
Scénariste(s) : Jean-David MORVAN
Dessinateur(s) : Sylvain SAVOIA
Éditions : Dargaud
Collection : X
Série : Al Togo
Année : 2002 Nb. pages : 56
Style(s) narratif(s) : Récit complet
Genre(s) : Aventure policière, Thriller
Appréciation : 5 / 6
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Des intrigues policières internationales... que j'arrive à comprendre!!
Écrit le mercredi 10 avril 2013 par PG Luneau
Tomes lus : #01 – 297 km 2002 56 p. 5/6
#02 – Midi-Zuid 2003 48 p. 5/6
#03 – Tajna Policja 2005 48 p. 4,5/6
Le début du XXIe siècle a été marqué par un regroupement écono-politique qui a changé la face du continent européen : la Communauté Économique Européenne (avec sa nouvelle monnaie unique, l’euro) est née. Concurremment à cet événement, plusieurs organismes administratifs et politiques ont vu le jour, pour pallier aux différents problèmes que cette vaste association n’allait pas manquer de soulever… Et le plus dynamique de ces organismes, si l’on en croit Jean-David Morvan, c’est sans nul doute l’Europolice!! En effet, la CÉE s’est dotée d’une police pancontinentale composée de policiers chevronnés provenant des différents pays membres. Regroupées en différentes unités sur tout le territoire, ces équipes d’interventions tactiques doivent gérer les crises et les crimes qui sévissent dans leur coin, dès que ces situations semblent concerner plus d’un état.
Albertus M’Natogo, un jeune enquêteur français d’origine africaine, est envoyé à Bruxelles pour intégrer l’É.O.-6 : l’Équipe Opérationnelle numéro 6! Un peu à reculons (car il laisse derrière-lui une charmante petite famille!), il se dirige vers la capitale belge pour aller prendre ses nouvelles fonctions… Mais déjà, sur la route, il se retrouve coincé dans une course folle contre un kidnappeur d’enfants… ministre du nouveau parlement, de surcroit!! Non vraiment, ce n’est pas ainsi que celui que tous surnomment Al’Togo s’imaginait qu’il allait débuter avec l’É.O.-6!!!
D’abord, sachez que pour m’intéresser à une aventure policière aussi contemporaine, les auteurs doivent généralement se lever de bonne heure! En effet, je suis moins fan de récits d’action que d’heroic fantasy ou de science-fiction, par exemple. Et bien croyez-le ou non, mais messieurs Morvan et Savoia y ont réussi : leurs réveille-matin doivent sonner aux aurores!!
Est-ce à cause du dessin très net, à la ligne claire et épurée, d’une grande finesse, sachant rester dynamique malgré son grand classicisme? À cause du caractère débonnaire du personnage principal, éminemment sympathique malgré le fait qu’il n’a pas la carrure ou la virilité d’un Bruce Willis? De l’idée très chevaleresque de la mission qui incombe à ces escouades tactiques de haut niveau? Ou à l’angle très humain avec lequel Morvan prend son récit à bras le corps??
Avouons-le franchement : j’ai beaucoup de difficulté à me retrouver dans tous ces films d’action américains où la CIA, le FBI, le Mossad et le MI-6 s’attaquent mutuellement, à grands coups d’agents doubles ou triples : je ne comprends jamais plus qui travaillent pour qui, et je n’arrive jamais à savoir qui sont les «bons» et qui sont les «méchants»! Pour ce qui est des trois premiers tomes d’Al’Togo, seul le troisième est plus «politisé», avec son récit qui se déroule dans une Pologne nouvellement libérée d’un communisme étatique qui tarde à délaisser ses vieilles habitudes de protection et de gué-guerres intestines. Le deuxième tome, plus à l’image du premier, nous transporte pour sa part dans une palpitante course-poursuite afin de mettre la main sur une mallette contenant un virulent produit bactériologique transporté par un prétendu terroriste qui menace de l’ouvrir, risquant ainsi de causer la mort de tous les passagers du train dans lequel il se trouve… et de tous les habitants des quartiers environnants!!
Donc, avec deux récits facilement accessibles (et un troisième que j’ai fini par bien comprendre, rassurez-vous : Dump, but not that dump! :^) ), j’ai été charmé! J’ai très hâte de me procurer mon tome #5 afin de pouvoir le lire à la suite du #4, dont il est la suite directe!! Avec un peu de chance, je pourrai même me le faire dédicacer, à Québec, après-demain!! En effet, Sylvain Savoia est un des invités du Festival de la BD francophone de Québec, avec sa conjointe, Marzena Sowa, auteure de la série jeunesse Marzi, que Savoia dessine aussi, dans un tout autre style! J’espère bien avoir la chance de les rencontrer tous deux, et de leur dire à quel point le bon Albertus et ses collègues m’ont conquis!!
Al’Togo, une excellente série d’action et d’intrigues policières, que je recommande dès l’âge de 14 ou 15 ans.
Plus grandes forces de cette BD :
- l’originalité des titres des albums! Avouez que 297 km, Midi-Zuid et Tajna Policja, ce n’est pas banal comme titres!! Même le nom de la série en tant que tel n’est pas piqué des vers : Al’Togo, comme diminutif d’Albertus M’Natogo, c’est assez punché, non?
- la maquette de la couverture des trois premiers tomes, dans un style simple qui met l’emphase sur la beauté du dessin de Sylvain Savoia par un découpage rectiligne monochrome… Dommage que les éditeurs n’aient pas gardé ce même style pour les tomes #4 et 5!
- les pages de titre. J’aime bien les esquisses crayonnées qui les décorent, en filigrane : on peut y constater toute la précision technique du dessinateur!
- le dessin, très clair, très net, très découpé. Je suis réellement tombé en amour avec ces traits!! C’est très rare que ça m’arrive, mais cette fois-ci, je garde en tête le nom de ce dessinateur, et il est clair que j’irai jeter un coup d’œil aux autres projets de cet artiste. J’aime tellement ses dessins qu’il y a fort à parier que je me lancerai dans ses autres séries quand bien même leurs thèmes ne m’accrocheront pas!!? Je louche déjà vers Nomad, par exemple, et Nomad 2.1, qui vient à peine de paraître!!
- les intrigues-poursuites des deux premiers tomes. Elles sont tout simplement enlevantes! La présence de jeunes enfants rend évidemment celle du tome #1 encore plus poignante! Le côté humain du récit est judicieusement exploité et est venu me chercher… de même que l’émotion, ce qui ne m’est pas arrivé souvent, dans ce genre de BD d’action!
- des mises en page dynamiques, qui rendent très bien l’action : tout y est si fluide qu’on se croirait devant un film!! J’ai rarement été aussi sensible aux enfilades de vignettes que dans ces albums! Bravo à monsieur Savoia pour son merveilleux travail de construction visuelle, quasi cinématographique.
- des décors toujours admirablement rendus. J’adore les vues de villes de Paris ou de Bruxelles, dont celle prise du toit de l’édifice Lombard, avec la tête de Tintin qui trône fièrement à son sommet (tome #2, p.11)!! Reconnaître le musée Guggenheim de Bilbao, pour y être déjà allé, a été particulièrement réjouissant!!
- le contexte de base : une équipe tactique pan-européenne! C’est intéressant de voir les interactions entre tous ces policiers d’élite qui viennent de Belgique, des Pays-Bas, d’Espagne, de Pologne, de France… Ils doivent apprendre à se connaître, à se faire confiance… mais surtout à se faire accepter par les flics locaux, à chaque endroit où ils débarquent!! En effet, ils sont toujours mal perçus par les policiers de partout, car ils arrivent toujours comme des chiens dans un jeu de quilles, «à la rescousse», comme si les agents «locaux» n’étaient pas en mesure de faire correctement leur travail!! Cette relation, toujours à rétablir, est des plus intéressantes!
- les «previews» du tome à venir, en noir et blanc! Telle une bande-annonce de cinéma (peut-on parler de «planches-annonce»?? :^) ), ces pages nous donnent un petit avant-goût de ce que nous réserve l’album suivant. Et ce ne sont même pas des pages officielles!! En effet, à bien y regarder, ces planches sont totalement originales : on ne les retrouve pas telles quelles dans ledit album! Tout un cadeau, de la part du dessinateur (peut-être est-ce de ses dessins préparatoires qu’il met au propre?? J’essayerai de lui poser la question! ;^)
- les intrigues des tomes #1 et 2 qui, malgré le contexte, ne sont pas trop politisées. Ça fait en sorte que j’arrive facilement à les suivre… quoique le dénouement final du tome #2 nous laisse un peu pantois : qui sont ces hommes qui viennent «reprendre les choses en main»?? C’est très habilement éludé, mais une simple planche, comme parachutée dans le tome #3 (p.19), souligne à nouveau le fait que tout cela n’est pas tout à fait normal : on sent bien qu’on nous cache quelque chose, et que ça aura des incidences sur la suite… J’adore!!
Ce qui m’a le plus agacé :
- une erreur de perspective assez sérieuse… et sur mon beau musée Guggenheim, en plus!! En effet, toute la ville derrière le musée est sur une ligne de fuite bigrement plus prononcée que celle sur laquelle se trouve le musée, ce qui nous donne l’impression, par exemple, que le parc derrière le gros édifice et les routes qui le traversent montent presque vers le ciel! Mais c’était le premier tome : ça a bien évolué depuis!
- un héros un peu discret, qui met du temps à se dévoiler. À la fin du tome #1, je le trouvais même presque fade!! C’est qu’Al n’a rien du policier alpha typique : il est plutôt de petit gabarit, il est assez maladroit et un peu gaffeur (en fait, il me rappelle beaucoup cet autre inspecteur atypique que j’aime beaucoup, Jérôme K. Jérôme Bloche!). Ça lui donne un charme fou, mais il faut avouer que ce n’est pas très glamour… et que ça augmente le temps d’apprivoisement mutuel : mon attachement pour lui s’est plus développé au fil des tomes qu’en un seul coup de foudre, disons! ;^)
- le grand nombre de membres dans l’ÉO-6. En fait, le problème, c’est qu’on met du temps à les connaître (et les reconnaître!) car ils sont, somme toute, bien peu présents dans le tome #1, puis le visage perpétuellement recouvert d’un masque à gaz dans le #2… Donc, le tome #3 débute et on sait encore bien peu de chose sur eux, et sur leur allure respective!! Par contre, le peu qui transparaît jusqu’à maintenant nous laisse entendre que plusieurs semblent avoir leurs petits secrets personnels bien juteux, des caractères bien trempés… et un esprit d’équipe à tout casser! Vivement que je lise le récit final, en deux tomes, pour en savoir plus!
- l’intrigue plus complexe du tome #3. Bon, je sais : il faut bien que les fans de ce genre littéraire y trouvent leur compte, eux aussi! Mais moi, personnellement, j’ai été un peu confondu par toutes les interactions entre les différentes factions, en cette Pologne toute aussi corrompue qu’avant son intégration à la CÉE! Ma méconnaissance du contexte socio-politique de ce coin de la planète, et mon manque de curiosité en la matière y sont sans doute pour beaucoup : vivement que je lise la série Marzi, de Marzena Sowa, la copine de Savoia, pour me mettre au parfum de tout ce qui s’est passé là-bas au cours des dernières décennies! ;^)
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