#01- L'AFFAIRE EST KETCHUP
Scénariste(s) : Daniel BROUILLETTE, Didier Swysen dit ALCANTE
Dessinateur(s) : Steven DUPRÉ
Éditions : les Malins
Collection : X
Série : Bine
Année : 2014 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit complet (adaptation littéraire)
Genre(s) : Quotidien, Humour, Humour morbide
Appréciation : 5 / 6
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Un vrai miroir pour nos jeunes Québécois!!
Écrit le mercredi 11 mars 2015 par PG Luneau
Mes amis, laissez-moi vous présenter cette nouveauté des éditions les Malins, une perle bien cachée qui m'était passée sous le nez : Bine #01- l'Affaire est pet shop, l'adaptation du roman éponyme de Daniel Brouillette que deux Belges, Steven Dupré et Alcante, ont réalisée!
Vraiment, je suis épaté : j'ai rarement vu des bédéistes franco-belges réussir à rendre notre quotidienneté québécoise avec autant de justesse!! Oups! Pardon : oui, il y a, bien sûr, Loisel et Trip qui y sont parvenus, avec leur sublimissime Magasin général... mais ils se sont préalablement installés chez-nous pendant presque 10 ans, ce qui fait d'eux des presque Québécois!! Ils ne comptent donc pas puisque je les mets dans une catégorie à part!! ;^)
Dans ce cas-ci, messieurs Dupré et Alcante ne logent pas chez-nous, et c'est pourquoi je suis des plus curieux de savoir comment ils ont pu transposer un roman tout ce qu'il y a de plus québécois, très oral et contemporain, avec full québécismes, sans que leur origine n'entache le résultat!? J'imagine que, pour le texte, monsieur Brouillette, l'auteur du roman original, devait être disponible pour valider et ajuster le tir au besoin... Mais pour le visuel??
C'est d'autant plus étonnant que cet album sort également en Europe, chez Kennes, une nouvelle petite maison d'éditions belge... sous un autre titre (l'Incroyable histoire de Benoît-Olivier #01- Waf le chien), avec une couverture légèrement modifiée (mais pourquoi?!) et un texte que je présume totalement remanié! Je vous ai déjà un peu parlé des négociations et des tours de passe-passe que Delaf et Dubuc doivent faire, par exemple, pour rendre leurs Nombrils european-approved, tout en essayant de leur garder des airs qui ne nous les rendent pas étrangères : lycée ou polyvalente? ambulance jaune québécoise ou blanche française? panneaux de signalisation américains ou européens? Tous ces petits détails n'ont l'air de rien, mais ils doivent être analysés et réfléchis pour satisfaire les lecteurs des deux côtés de l'Atlantique! Dans le cas de Bine, je ne sais pas que qu'il en a été, mais on dirait que tout a été conçu en privilégiant d'abord NOTRE côté de la grande flaque! C'est fascinant!
«Mais ce Bine, c'est qui, au juste??» vous entends-je hurler!! ;^) En fait, c'est un pauvre bougre tout ce qu'il y a de plus moyen, un jeune doubleur qui en arrache à l'école mais qui ne s'en fait pas trop avec ça. À l'approche des vacances de Noël, ce fameux Benoît-Olivier Lord, que tout le monde appelle Bine (vous n'apprendrez pourquoi qu'à la toute fin de l'album!), s'apprête à célébrer deux fois plutôt qu'une puisque, comme à chaque année, c'est aussi le temps de son anniversaire de naissance!! Cette année, toutefois, il ne rêve qu'à une chose : que ses parents acceptent enfin de lui offrir le seul cadeau qu'il leur ait demandé : un chien!!
À travers ses déboires tout ce qu'il y a de plus banals (mais d'une drôlerie terrible!! ;^), on apprend à connaître ce garçon, sa famille et ses amis. Certains sont particulièrement intéressant : son enseignante-tortionnaire, Madame Béliveau (qu'il appelle Bélivache!! ;^) ; Tristan, son voisin de classe qui a toujours la morve au nez ; son extravagante tante Michèle... et Maxim, celle qui le fait rêver et qui l'a séduit à coup d'exploits sportifs et de... gros rots sonores!!??!?
Comme vous pouvez le remarquer, monsieur Brouillette, l'auteur de la série éponyme de romans, a le don de nous surprendre à grands coups d'idées auxquelles on ne s'attend pas! Il en va de même pour chaque péripétie, qui en entraîne une pire encore! À un certains points, ça me rappelle presque les délirants romans de la série Bennett, que je dévorais étant jeune!! ;^)
Bref, en plus d'être visuellement très réussie, cette BD semble avoir tout ce qu'il faut pour donner à nos jeunes de 10 à 12 ans un bon reflet de leur vécu, de leur quotidien... C'est pas mal une première depuis l'apparition des Débrouillards (les Nombrils s'adressant plutôt aux filles, et un peu plus vieilles)!! Bravo à toute l'équipe, aux Québécois comme aux Belges, de nous offrir un miroir si juste et des aventures si cocasses à l'aide de dessins si joyeusement colorés!! Une chose est sûre : les garçons en raffoleront!! Vivement le tome #2, annoncé pour l'automne 2015!! ;^)
Plus grandes forces de cette BD :
- la qualité des dessins, tant pour les mimiques que pour les décors. J'avais été un peu rude avec Steven Dupré, dans ma critique de la BD Kaamelott . Ses caricatures des comédiens qui incarnent les personnages de cette série ne me satisfaisaient pas du tout, à l'époque... mais ici : Wow! Il exploite un style gentiment semi-caricatural que j'adore, qui donne plein de vie et d'humour au récit, tout à fait en diapason avec les propos. Ses décors sont généreux, souvent très détaillés (on n'a qu'à jeter un coup d'œil sur la quatrième de couverture, où il nous présente la chambre de Bine, en désordre, dans laquelle traînent les romans et BD de Bine et de la Vie compliquée de Léa-Olivier!!). De plus, BenBK et Picksel ont fait un superbe travail de coloration. Vraiment, graphiquement, je trouve qu'il s'agit d'un album jeunesse très réussi, aux traits précis et maîtrisés. Bravo!
- les pages de garde, qui nous offrent une quarantaine de mimiques tordantes. J'ai pensé, au départ, qu'il s'agissait d'un bel exercice de style, et que le dessinateur en avait profité pour pratiquer ses études de personnages... Mais j'ai vite réalisé qu'il s'agit en fait de faciès qu'on retrouve tout du long de l'album!! Il n'en fallait pas plus pour que j'utilise ces pages comme un fort amusant Cherche et trouve!! Il m'a peut-être fallu un peu plus d'une quinzaine de minutes pour parvenir à retrouver, dans l'album, les 40 visages illustrés-là! Combien de temps mettrez-vous?? ;^)
- un incipit très accrocheur. Ne sachant pas trop à quoi m'attendre (je n'ai pas lu le roman!), j'ai été étonné de découvrir Bine se baladant dans une jungle équatoriale!?... Mais j'ai adoré être plongé tout de suite dans l'action! Avec Bine, pas de tataouinage!! ;^) Sans compter que toute cette verdure luxuriante avait tout pour me charmer!
- notre québécitude dans toute sa quintessence!! D'abord, visuelle : la cour d'école est très grande, et elle n'a pas de préau avec les toilettes ; c'est une carte du Canada qui orne le mur de la classe ; et on est en présence d'un véritable hiver : la neige est abondante... et la brunante tombe très tôt (je crois que c'est la première fois que je constate qu'on en tient compte, dans une BD!! ;^)... Est-il possible que j'aille même déniché un caméo presque improbable mais pourtant évident : on retrouve notre cher ministre Barrette, au premier plan de la foule, au bas de la p.14!! :^O Mais nos spécificités culturelles transparaissent aussi dans les dialogues : certaines expressions (comme péter au frette) ou tournures de phrases (comme Faque ils m'ont offert un chat!) ne laissent AUCUN doute sur qui a eu le dernier mot en ce qui a trait au texte!! ;^D Il en va de même pour le très amusant jeu de mot du titre québécois : je suis à peu près convaincu qu'aucun Européen ne le comprendra tant il est axé sur un slogan qui a marqué notre espace publicitaire spécifique!
- un héros des plus sympathiques! Ce gars-là est vraiment l'exemple parfait du jeune ordinaire : pas très doué en classe (il a doublé deux fois!) et un peu nono, mais très fort dans les sports (évidemment : il a deux ans de plus que ses congénères!! ;^), il a une imagination débordante, une malchance jouissive (pour nous, lecteurs!! ;^D) et un aplomb impressionnant. De plus, le fait qu'il s'adresse carrément à nous, en brisant le 4e mur, comme disent les gens de théâtre, le rapproche de nous et nous le rend tout de suite familier! Bref, il a tout ce qu'il faut pour qu'on aille vraiment envie de devenir son ami, finalement! ;^)
- l'humour, en général. Je dois avouer que j'ai bien rigolé, à de nombreux moments pendant ma lecture! Les bouilles du chat quand il se fait barouetter, à la p.24, ou, à la p.33, quand il est tout détrempé, sont trop désopilantes! Les réparties amusantes de Bine (comme aux p.25, 28 ou 48), ou le gag de la moufette, qui dégénère non seulement avec la neige souillée mais, en plus, avec l'épisode des tomates cerises, est vraiment délirant : je m'en tiens encore les côtes!! ;^) Bravo à l'imagination de monsieur Brouillette, pour toutes ses idées surprenantes!!
Ce qui m'a le plus agacé :
- les nombreux gags scabreux... J'en parlais justement il y a quelques jours, dans ma critique des ChronoKids : du pipi caca vomi, c'est assez dégoûtant et pas mal limitatif comme humour... Malheureusement, c'est très souvent efficace, et encore plus auprès des jeunes pré-ados!! ;^) Je suis d'accord : c'est très peu glamour, ni correct, politiquement parlant, de montrer une héroïne championne du rote au visage, qui vomit à tout venant ses jujubes à saveur de déchets ou de sardines!!... Mais les garçons se rouleront par terre, en lisant cela, c'est indéniable! Alors, encore une fois, je dis : Ne boudons pas notre plaisir! L'important, comme dans toute chose, c'est de doser!! ;^)
- un cafouillage graphique!? À la p.18, remarquez les bouteilles de vin : non seulement l'une d'elle semble perdre subrepticement sa petite serviette antigouttes dans les deux dernières cases (sans aucune explication valable) mais, en plus, le niveau de liquide dans les dites bouteilles rendent impossible le fait que la tante se resserve, tout au bas de la page!! Cafouillage, je vous dis!! ;^)
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