#06- UN ÉTÉ TROP MORTEL!
Scénariste(s) : Maryse DUBUC, Marc Delafontaine dit DELAF
Dessinateur(s) : Marc Delafontaine dit DELAF, Pascal COLPRON
Éditions : Dupuis
Collection : X
Série : Nombrils
Année : 2013 Nb. pages : 50
Style(s) narratif(s) : Gags en une ou quelques planches
Genre(s) : Humour mordant, Quotidien, Récit psychologique, Thriller, Drame familial
Appréciation : 5 / 6
|
Mortellement mortel... mais certainement pas ennuyant!
Écrit le samedi 15 février 2014 par PG Luneau
Oui, vraiment, pour cette chipie de Vicky, il s’annonce des plus mortels, cet été… et dans tous les sens du terme!!
D’abord, on se souviendra qu’à la fin du tome précédent, la pin-up au teint légèrement chocolaté venait d’échouer dans ses tentatives pour séparer Karine et son mystérieux Albin, l’albinos vêtu de blanc le plus ténébreux du neuvième art!! Déjà en froid avec Karine, la voilà maintenant délaissée par Jenny!! En effet, celle-ci s’affranchit peu à peu… en même temps que sa généreuse poitrine de rouquine semble avoir de plus en plus la cote auprès des beaux gosses, au détriment de celle, plus modeste, de Vicky!!
Mais le pire, c’est que les résultats d’anglais de cette dernière sont trop décevants aux goûts de ses parents, qui la forcent à aller passer l’été dans un camp de vacances anglophone!! La honte totale, pour la pauvre Vicky : se voir contrainte de passer toutes ses semaines estivales à ce camp (où une très mauvaise réputation la précède!!) au lieu de profiter librement de la plage, du soleil et des beaux sauveteurs tout en abdos!!!
Reste à espérer que l’arrivée de ses nouveaux voisins saura lui apporter réconfort et nouveauté! Leur fils, tout à fait délectable, lui ferait un bon parti… mais voilà que Rebecca, sa propre sœur et grande rivale, commence à lui tourner autour!?! Et elle a l’avantage de ne pas être cloîtrée, à longueur de semaine, dans un camp linguistique, elle!! Quant à la fille des voisins, un brin rebelle, peut-être pourrait-elle devenir la prochaine copine de Vicky?… Mais attention au choc des Titan(e)s : Mégane est aussi soupe au lait, malicieuse, tordue et renfrognée que notre brunette!! Quand deux cellules orageuses s’affrontent, ça ne peut faire que des étincelles!!
Pour finir, comme quoi quand on est dû, on est dû, le mystérieux maniaque qui a poussé Mélanie, à la fin du tome #5, reprend du flambeau et change de cible!... Qui visera-t-il, cette fois, «pour faire un monde meilleur»? Karine?? Vicky?? Jenny??
Non mais il n’y a pas à dire : les Nombrils évoluent véritablement de belle façon! Delaf et Dubuc sont maintenant rendus bien loin de leurs premiers recueils de gags malicieux, mordants mais aux visées obscures! Maintenant, tout l’entourage des trois jeunes héroïnes constitue un véritable univers bien huilé et cohérent, qui permet à chacune des protagonistes d’évoluer à son propre rythme. Ceux qui croient encore que cette série cherche à promouvoir l’hypersexualisation (et ils sont encore beaucoup trop nombreux, malheureusement!!) n’ont jamais lu les albums, ou n’y ont rien compris, car il est clair que non seulement les auteurs décrient ce déplorable phénomène de société, mais cherchent à y apporter des solutions! Ce n’est pas pour rien que Karine et les deux nénettes voient leurs convictions ébranlées, peu à peu, à leur rythme : elles évoluent, inexorablement! C’est plus flagrant pour Karine, depuis son «relooking extrême» et son affirmation d’elle-même, à la fin du tome #4… mais voilà que Vicky chemine beaucoup, dans cet album-ci, de même que Jenny, qui commence une très intéressante prise de conscience… malgré son indécrottable bêtise!
Et, conformément aux deux derniers tomes, le dernier tiers de l’album nous lance dans un thriller encore plus palpitant que les précédents : si Mélanie a failli y passer, à la fin du tome #5, cette fois-ci, il en va de la vie de l’une de nos trois amies… et le suspense est à son comble!!
Les Nombrils, on les aime depuis longtemps… mais on les aime aussi de plus en plus!! Et on ne peut qu’être très fiers de leur grand succès à l’échelle de la francophonie : Delaf et Dubuc démontrent avec brio que la BD québécoise peut être intelligente et de qualité… tout en restant «populaire» et grand public! Vivement que de plus en plus d’auteurs d’ici connaissent la même reconnaissance internationale!! Encore une fois, chapeau à vous, Marc et Maryse!
(Dès 13 ans)
À lire aussi : mes critiques des tomes #1, #2 et #3 et celle d’Allie portant sur ce tome #6.
Plus grandes forces de cette BD :
- la progression de mes sentiments à l’égard de Vicky. Autant j’ai trouvé jouissif de voir cette petite peste que je détestais tant perdre de son emprise malsaine sur Karine, puis même sur Jenny, autant j’ai fini, comme tout le monde, par presque m’émouvoir de ses malheurs!! C’est ce qui arrive quand des auteurs en viennent à humaniser leurs personnages!! Quand on comprend tout ce que l’arrogance de la jeune fille dissimule (son historique familiale, son manque d’amour, son insécurité…), on en vient presque à s’attacher!?! Qui l’eut cru?? ;^)
- la superbe évolution des personnages principaux. Après Karine qui s’est émancipée dans les deux derniers tomes, c’est au tour des deux autres de cheminer un peu plus vers le monde adulte : Vicky commence à voir la lumière au bout du tunnel (même qu’elle en voit peut-être deux, dont l’une qui risque de la troubler dans les prochains tomes!! ;^), et Jenny… et bien, Jenny, croyez-le ou non, s’enligne peut-être pour s’assagir, elle aussi… Dans les limites de son Q.I., bien évidemment! ;^)
- certains personnages secondaires très intéressants. Je pense à Hugo, le super bon gars, «ben ordinaire», qu’on avait déjà rencontré dans le tome #4 mais qui joue ici un rôle plus consistant ; ou à Mégane, la gothique au caractère bien trempé. Pour qu’une fille puisse remettre Vicky à sa place, il faut qu’elle soit faite solide! Et qu’est-ce qu’on a hâte de voir la tournure que prendra leur relation, à ces deux-là!! ;^)
- le milieu de vie de Jenny. Encore une fois, on entre à quelques reprises dans l’appartement que Jenny partage avec sa mère et ses deux jeunes frère et sœur… Quelle horreur!... Et quelle tristesse!... Je trouve génial que Delaf et Dubuc osent présenter une famille démunie, financièrement mais, surtout, intellectuellement, culturellement et socialement… démunie au point de nourrir le bébé au cola!!? C’est touchant de pathétisme… mais ça reflète une réalité qui existe, tout près de nous, même si on préfère ne pas la voir!
- la richesse des détails dans les décors. J’aime beaucoup reconnaître les affiches de l’Orange mécanique ou de Dexter dans la planque d’Albin et ses albinos. De même, j’adore m’amuser à regarder les figurants, en arrière-plan, notamment au camp de vacances (là où jouer au frisbee peut être douloureux, p.23) ou sur la plage (quand on découvre, à la p.49, le petit couple formé par le vendeur de crème glacée et sa cliente tavelée de la toute première planche!). Dubuc, assisté de Pascal Colpron (celui de l’album Mon petit nombril) s’en donne manifestement à cœur joie jusque dans les tout petits détails!! ;^)
- des sujets de plus en plus risqués! Outre la pauvreté mentionnée plus haut, je trouve que les auteurs ont vraiment le tour d’aborder doucement des sujets chauds, comme les pactes de suicides et… le punch de la p.30, que je préfère ne pas vous dévoiler, mais qui laissera apparemment des traces, à l’en croire l’intéressante planche finale de l’album!! ;^) Un autre thème bien présent : la violence, qui devient de plus en plus physique dans ce tome, avec deux ou trois coups de poing, une fille tabassée, deux têtes fracassées et quelqu’un de poignardé!!... Âmes sensibles, soyez prévenues!
- l’ingéniosité des auteurs pour nous mener en bateau. J’ai entrevu le fil conducteur de l’écheveau, vers le milieu du tome, et j’étais sur la bonne piste… mais Marc et Maryse sont parvenus à me perdre à nouveau, et à me relancer sur une fausse piste! Ils sont malicieusement habiles, tous les deux, pour nous barouetter de tous les côtés… pour notre plus grand bonheur!! Et dire qu’on en redemande!?! ;^)
- une finale de feu, comme toujours! Complètement page turner, les dix ou douze dernières planches nous font passer par toute une gamme d’émotions, du doute à la colère, de la peur à la consternation, du rire à l’horreur… Je me demande vraiment comment les lecteurs du magazine Spirou ont pu supporter de les lire à raison d’une par semaine!?? Je crois que j’aurais mangé mes bas de frustration si j’avais eu à attendre sept jours entre chacune de ces pages!! ;^)
Ce qui m’a le plus agacé :
- un départ relativement lent. Ce n’est à peu près qu’à la mi-album que les intrigues commencent à être véritablement juteuses, assez pour nous tenir en haleine. La première moitié reste nécessaire, bien sûr, pour mettre les choses en place, mais les gags restent plus anecdotiques. Il est vrai qu’avec un pareil titre et tout le buzz médiatique qui annonçait des bouleversements de l’ordre du thriller, j’avais peut-être trop hâte que ça commence à juter pour vrai!?! ;^)
- l’hybridation Québec-Europe, dans le vocabulaire ou le visuel. Alors que les ambulances et les voitures de police font bien de chez nous (bravo!!), on nous lance, à la p.27, le mot capote pour désigner un condom… Je sais bien que Marc et Maryse jouent de contorsions et de compromis pour satisfaire leurs éditeurs européens tout en tentant de rester les plus authentiques possibles… mais j’ai tellement de difficulté à croire que les jeunes ados français ne comprendraient pas le sens du mot «condom» dans le contexte! Chez nous, on sait ce qu’est un condom ET une capote, le second étant, comme nous le désigne le Larousse (un dictionnaire bien français!), un terme (très!) familier pour désigner le premier! On ne parle pas, ici, d’expressions régionales ou de québécismes obscurs du fin fond du terroir, quand même!?! Comment se fait-il que ça ne passe pas? (Voir la mise au point de Delaf, dans les commentaires ci-après)
- un langage oral parfois moins soutenu. Les plus chastes d’entre vous déploreront le ‘Chier de la p.10 et les plus puristes, le Personne veut m’écouter! (sans le NE) de la p.40… Personnellement, je ne les trouve toutefois pas très dérangeants, parce que dans le ton.
|