#2- BURQUETTE - TOME 2
Scénariste(s) : Francis DESHARNAIS
Dessinateur(s) : Francis DESHARNAIS
Éditions : les 400 coups
Collection : Strips
Série : Burquette
Année : 2010 Nb. pages : 68
Style(s) narratif(s) : Strips
Genre(s) : Humour social, Humour songé
Appréciation : 4.5 / 6
|
Sautons par-dessus la couture!!
Écrit le mercredi 26 octobre 2011 par PG Luneau
Enfin!! Alberte a réussi à convaincre son père de mettre fin à sa ridicule expérience sociale qui consistait à l’obliger à porter une burqua (voir tome #1). Mais la pauvre fille n’est pas au bout de ses peines!! En effet, si son père a accepté d’abandonner cette lubie, c’est parce qu’il en a une autre qui vient de l’assaillir : il veut maintenant enchaîner sa fille à une table sur laquelle est boulonnée une machine à coudre en fonte!?!?! Il espère ainsi inculquer de bonnes valeurs socialistes à sa jeune Occidentale engraissée aux hormones et à la surconsommation, et souhaite lui faire mieux comprendre le pauvre sort réservé aux milliers d’enfants-esclaves obligés de travailler, partout à travers le monde!!
Cette fois, c’en est trop! Alberte proteste et exige d’aller vivre avec sa mère!! Ça tombe bien : celle-ci quitte son boulot de danseuse nue afin de partir en Balaysie, un pays du Moyen-Orient, où elle désire contrer l’esclavage sexuelle! Décidément, Alberte a intérêt à se conscientiser socialement : elle a des parents assez impliqués merci!! Comment gérera-t-elle cette nouvelle vie auprès de sa mère, et dans un pays si loin de nos valeurs occidentales?!?
Après les implications sociales, religieuses, affectives et culturelles du port de la burqua, Francis Desharnais en remet une couche en plongeant sa sympathique petite héroïne face à d’autres problèmes sociaux contemporains. Mais plutôt que de se centrer sur un problème principal, comme celui qui était à la source de notre interminable débat sur les accommodements raisonnables, et d’en presser tout le jus possible, comme il l’avait fait d’admirable façon dans le tome #1, l’auteur a préféré ratisser plus large. En effet, ce nouveau tome des déboires d’Alberte lui permet de toucher à une foule de sujets plus ou moins chauds, plus ou moins profonds : le travail des enfants et l’exploitation sexuelle des jeunes des pays en développement, oui, mais aussi les relations parents-enfants, les mères qui n’ont pas la fibre maternelle, les bidonvilles, les idéaux révolutionnaires, les nunuches-stars du jet set international…
Avec un humour tout aussi précis et des dessins encore bien amusants (bien que ses personnages aient toujours des tronches assez étranges!!?), le regard que porte Desharnais sur notre monde capitaliste sauvage alterne encore avec beaucoup de justesse entre critique et tendresse. Grâce à sa charmante héroïne à la verve aguerrie et à l’esprit vif (qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler Mafalda, dans le ton et, d’une certaine façon, dans les préoccupations), monsieur Desharnais nous ouvre encore une fois les yeux sur certaines aberrations ou certaines incohérences de notre façon de vivre, mais toujours avec un sourire en coin, sans jamais vraiment tomber dans la moralisation. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je maintiens encore le 4,5 sur 6 que j’avais donné au premier tome!!
Toutefois, je ne sais si c’est le fait qu’il ait décidé de papillonner sur différents thèmes (plutôt que d’en creuser un à fond, comme il l’avait fait au premier album), ou si c’est, déjà, que la fraîcheur de la nouveauté s’est un peu éventée, mais j’ai l’impression que ce deuxième tome, malgré toutes ses qualités, m’a moins emballé que le premier. À vrai dire, je ne trouve pas grand-chose à dire de plus que ce que j’avais dit sur l’autre!!! C’est un brin décevant, non?? Mais comme j’ai plein d’autres lectures qui m’attendent, je ne m’éterniserai pas à chercher des punaises de lit là où il n’y en a pas!!
Encore une fois, donc, une bonne BD, propre à soutenir une réflexion intelligente (plusieurs strips pourraient, encore ici, être d’un intérêt non négligeable dans une classe d’Éthique et Culture religieuse, en 6e année ou dans les premières années du secondaire)… Mais si un troisième album se prépare, j’espère qu’il sera plus à l’image du premier, axé sur un thème central décliné sous tous ses aspects, comme ce fut le cas pour la burqua!!
Plus grandes forces de cette BD :
- les personnages. Si, déjà, la jeune Alberte est une héroïne de choix avec ses réflexions impayables, ceux qui l’entourent ne sont pas en reste!! Par-exemple, son père est finalement très attachant avec ses rêves de révolution à la petite semaine et son amour viscéral pour le Che. J’ai fini par apprivoiser sa grande tête en forme d’ogive nucléaire, dirait-on! J’ai mis pas mal de temps (honte à moi!!) avant d’identifier la «célèbre» London Sheraton, cette vedette «sans en être vraiment une», et pour comprendre le (finalement peu subtil!!) jeu de mots à l’origine de ce nom grotesque!!!! Mais quel bon flash!! Et comment passer sous silence le désopilant chauffeur de taxi aux statistiques ridiculement précises : il est une espèce de Paul Houde de l’inutilité!! Mais comment se fait-il que ses yeux, très désaxés au départ, se retrouvent égaux et côte à côte au retour??
- les petits dessins griffonnés dans le bas de certaines pages, qui ressemblent à des croquis ou des esquisses, plus brouillon, non encrés. Ces dessins ont un petit air jeté, avec moins de précision… mais c’est ce qui fait tout leur charme! J’ai beaucoup aimé, notamment, le réjouissant clin d’œil au Lotus bleu de Tintin, dans le bas de la page 39.
- l’humour direct, sans artifice… et parfois même assez punché! Francis Desharnais maîtrise franchement bien ce type d’humour, qu’on peut très facilement traiter de politically incorrect. En effet, il n’a pas peur de «brasser» un peu les idées reçues pour nous forcer à ouvrir les yeux ou à regarder dans la direction de ce qu’il veut nous pointer… et c’est finement réussi.
Ce qui m’a le plus agacé :
- la couverture. Même si elle rejoint merveilleusement bien la maquette du tome #1, ce que j’apprécie particulièrement, je n’arrive pas à comprendre ce que représente l’ombre noire qui talonne notre gentilleAlberte, et ce que sont ces espèces d’yeux qui l’observent… à moins que… Ah!!! Grand Dieu!!! Serait-ce une burqua géante??!!? Je crains bien que oui, et ça semble être la même que sur la couverture du tome #1!!! Bref, ça fait plus d’un an que j’observe ces deux couvertures… et je ne viens que d’en comprendre le sens… C’est peut-être signe que le concept manque de lisibilité?!?!
|