#02- LES ENFANTS DU CAPITAINE GRANT, DE JULES VERNE
Scénariste(s) : Jules VERNE, Alexis NESME
Dessinateur(s) : Alexis NESME
Éditions : Delcourt
Collection : Ex-Libris
Série : Enfants du capitaine Grant, de Jules Verne
Année : 2011 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (2 et 3 / 3)
Genre(s) : Héros animalier, Aventure, Historique, Humour naïf, Adaptation littéraire, Classique
Appréciation : 5.5 / 6
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Toujours le maître de l'aventure, toujours dans un aussi bel écrin!
Écrit le jeudi 14 mai 2020 par PG Luneau
Tomes lus : #02
#03- (2014)
387 critiques plus tard (quand même!?), voici que je commente pour vous les deux tomes finaux de l'excellente adaptation du roman de Jules Verne les Enfants du capitaine Grant que l'exceptionnel Alexis Nesme a concoctés il y a quelques années. Comment ai-je pu attendre si longtemps avant de me plonger dans la suite des toujours aussi palpitantes aventures de lord Glenarvan et ses comparses?! C'est à n'y rien comprendre! D'ailleurs, pourquoi ne lis-je pas plus souvent du Jules Verne? À chaque fois que je frôle son œuvre (via un film, une BD, une adaptation jeunesse, etc.), je suis littéralement emballé! Il serait grand temps que je me tape les œuvres originales, moi qui n'en ai lu qu'une seule, au final (Voyage au centre de la Terre : que de bons souvenirs!! ;^)
Mais revenons à nos moutons... ou plutôt à nos félins, puisque M. Nesme a choisi d'attifer ses héros de tête animalière, féline en ce qui a trait aux personnages principaux. Notons d'ailleurs que seule leur tête est animalière : tout le reste des corps demeure très humain!? Ainsi, les personnages à tête de goéland ou de hibou (comme Austin, le marin, ou Olbinett, le steward en charge des repas) n'ont pas d'ailes : ils ont des bras très normaux, avec des mains garnies de 5 doigts! Étrange... S'agit-il là d'un choix artistique pour se faciliter la vie? Peut-être... Il faudrait le demander au principal intéressé... (Qu'est-ce que j'aimerais qu'il vienne faire un tour au Québec!! ;^)
Mais qu'en est-il du récit? Eh bien, pour ceux qui ne connaissent pas ce roman de Verne, apprenez qu'il débute lorsque lord Glenarvan et son équipage déniche, dans l'estomac d'un gigantesque requin-marteau, une bouteille contenant l'appel à l'aide d'un certain Grant, célèbre capitaine porté disparu depuis quelques années. En compagnie des enfants de cet homme, le brave lord monte une expédition pour retrouver le disparu... mais les recherches en Amérique du sud, le long du 37e parallèle, s'avèrent ardues et très périlleuses! Le premier tome se terminait alors que le joyeux groupe allait poursuivre ses recherches du côté de l'Australie!
Ces deux tomes-ci sont grandement à l'image du premier! Nos amis risquent leur vie à tout moment, à travers rivières ou volcan en furie, tempêtes, brigands, empoisonnements, trahisons... ou même : indigènes cannibales!!? :^O Ce n'est d'autant pas facile que les messages retrouvés dans le requin sont à moitié illisibles et que Paganel, cet hurluberlu de géographe français qui s'est (accidentellement!?!) joint au groupe, est d'une maladresse incroyable! Bref, lord Glenarvan, sa famille, son équipage et Robert et Mary, les enfants du titre, traverseront toute une série d'épreuves et d'intempéries royalement palpitantes!!
Bien évidemment, ils le feront sous les pinceaux exceptionnels d'Alexis Nesme, maître de la couleur directe... et de la couleur tout court!! ;^) Encore ici, il poursuit avec brio l'extraordinaire travail qu'il avait entamé dans le tome #1 : ses couchers de soleil aux ciels de feu rivalisent encore avec les verts perçants de ses jungles tropicales ou les bleu nuit de ces océans déchaînés! Ici encore, comme je le disais dans ma première critique, chaque vignette est un véritable tableau que j'encadrerais et que j'exposerais dans mon salon. Bref, c'est du sublime sur papier!
Finalement, une aventure génialement palpitante servie dans un écrin de merveilles : qu'est-ce que vous attendez pour vous garocher à votre bibliothèque de quartier ou chez votre libraire?... Ah, oui! Le confinement... Bon, alors promettez-moi que ce sera la première chose que vous ferez sitôt que vous aurez le droit de sortir!! ;^)
Je recommande cette série aux jeunes de cœur de 10 à 110 ans.
Mes bémols :
- La petitesse relative des images. En fait, les albums auraient vraiment gagné à être plus grands, question de permettre aux illustrations de Nesme de prendre toute l'ampleur que leur magnificence requiert. Au format actuel, on a vraiment l'impression de manquer certains détails, de passer à côté de plein de subtilités... Par exemple, à la p.23 du 2e tome, un personnage remarque des traces de blessures sur un autre personnage... On n'a pas le choix de le croire sur parole parce que nous, on ne voit à peu près rien!:^(
- Quelques petites erreurs de proportions tête vs corps. Chaque corps «humain» est donc surplombé d'une tête «animale»... Mais l'arrimage des proportions entre la tête et le corps est parfois un peu bancal, même d'une vignette à l'autre pour un même personnage. Ainsi, à la p.25 du tome #2, on a, dans la 2e vignette, un exemple de tête trop petite pour son corps: le général chien. Puis, dans la vignette suivante, on voit la tête de l'ours devenue un brin trop grosse, alors qu'elle était parfaite à la vignette précédente! Ces petites fluctuations sont bien les seuls bémols qu'on puisse trouver sur le plan graphique! ;^)
- L'importante quantité de vocabulaire spécifique à l'époque, à la marine ou aux thématiques aborigènes. Un adulte pourra se débrouiller pour inférer le sens de ce qu'est un convict, une épontille, un pah ou un oudoupa... Au pire, il fera les recherches nécessaires pour répondre à ses interrogations... Mais je crains que les plus jeunes lecteurs, de 10, 11, 12 ans (à qui s'adresse l'album, somme toute) n'auront pas cet acharnement. Peut-être même que certains d'entre eux se laisseront décourager par tout ce jargon un peu technique... ce qui serait bien dommage, il faut l'avouer!
- L'explication donnée par Wilson, au bas de la p.38 (3e tome). J'aurais beaucoup aimé avoir accès au roman, question de comparer les 2 versions parce que, comme tel, il me semble que le pauvre homme dit une chose et son contraire!? Le problème est d'autant plus ambigu qu'il implique le traitre, qui aurait avantage à brouiller les cartes... Mais même en admettant que les cartes soient mêlées intentionnellement, pourquoi Wilson dit-il: «...c'est lui qui voulait me ramener à la côte australienne. Il m'a soutenu que c'était une erreur, que nous devions nous rendre à la baie de Twofold...» (située en Nouvelle-Zélande)... Ben alors, qu'est-ce qu'il voulait? L'Australie ou la Nouvelle-Zélande??
- Les quelques deus ex machina mis en place par Jules Verne. Oui, bon, les récits de ce bon vieux Jules datent quand même de la fin des années 1800... Les récits d'aventure de l'époque souffraient peut-être, parfois, d'excès de poudre de perlimpinpin qui rendait certains revirements crédibles aux yeux des lecteurs d'alors... et qui passent moins bien avec nos critères de lecteurs du XXIe siècle, habitués à un peu plus de réalisme... Toujours est-il que, dans le tome #3, les incroyables difficultés auxquelles font face les protagonistes se résolvent finalement de joyeuses façons, alors que des secours aussi improbables (ATTENTION: DIVULGÂCHAGE!!) qu'une montagne sacrée, qu'un volcan providentiel ou que des gens qu'on croyait morts viennent sauver nos amis! En fait, personnellement, j'ai adoré!! D'ailleurs, ne nous a-t-on pas déjà fait le coup, dans une autre série populaire, avec une certaine éclipse solaire providentielle?! ;^) Mais je tenais surtout à prévenir les tenants de l'hyperréalisme contemporain: vous risquez de trouver certains passages un brin exagérés! ;^)
Les plus grandes forces de cette BD :
- Les plus que sublimes dessins d'Alexis Nesme. Des personnages originaux, un coup de crayon comme personne, des décors et des architectures d'une splendeur incroyable, regorgeant de détails, et des couleurs... Des couleurs, mes amis, d'une luminosité incroyable, qui imprègne chaque vignette de vécu, leur donnant un air faussement vieillot puisque résolument moderne. Cet artiste me jette par terre, littéralement! Il parvient à donner à tous les albums un look suranné à force de petites fioritures dans les coins, de cartes géographiques richement décorées à l'ancienne, de dorures et de phylactères parcheminés... Tout comme il a calqué la maquette de couverture des romans originaux de Verne, lorsqu'ils étaient publiés aux éditions Hetzel.
- D'excellents suspenses. Dans le premier tome, les dangers à craindre étaient les forces de la Nature (avalanche, animaux sauvages affamés, foudre, inondation...). Dans les deux suivants, des tempêtes gigantesques font encore rage... mais s'ajoutent des éléments humains, et j'avoue qu'ils génèrent bien plus d'inquiétude, pour ne pas dire d'angoisse! Si le mystérieux Ayrton est difficile à décoder (Ami ou ennemi? À quel point?), les Maoris, eux, sont manifestement hostiles... et comme on les sait cannibales, notre niveau de stress monte de quelques crans!! ;^) C'est extrêmement efficace! Et l'omniprésence des convicts, ces anciens prisonniers en cavale, n'aide en rien à la relaxation! ;^)
- La foule de connaissances géographiques, historiques et scientifiques que Verne inclut dans ce récit!! C'est tout simplement faramineux! La zoologie, la botanique, l'ethnologie, la volcanologie, tout y passe, et j'en oublie!! Évidemment, une question demeure: est-ce que toutes ces connaissances sont fondées? Je serai franc avec vous: je ne les ai pas validées. J'en aurais eu pour trois jours, sur le Net!! ;^) Évidemment, quand le grand Jules a écrit ses récits, il n'avait pas l'accès instantané au Savoir comme on l'a aujourd'hui... mais je me souviens avoir lu qu'il était toujours à l'affût des avancées technologiques de son époque. Et puisque ce qu'il souhaitait plus que tout, dans ses romans, c'était de faire voyager ses lecteurs et de leur rendre accessibles certains des coins les plus reculés du monde, j'imagine qu'il a dû valider minimalement les infos dont il a garni ses chapitres, non?! J'imagine mal les recherches que M. Nesme a dû se taper pour essayer de représenter tout ça avec un minimum de rigueur! Après tout, on ne trouve pas des visuels de Moas à tous les coins de rue! Comment?... Vous ne connaissez pas les Moas?... Ben, vous voyez à quel point il vous FAUT lire cette série!! ;^D
- Une mise en page très dynamique. Souvent, dans le feu de l'action, les vignettes deviennent trapézoïdales ou en forme de parallélogrammes... Très souvent, aussi, elles sont surplombées ou agrémentées d'un encadré narratif à fioritures, qui peut dépasser le cadre de la vignette... cadre qui se veut virtuel, d'ailleurs, puisqu'aucune ligne noire n'entoure les images. Certaines petites cases sont insérées dans de plus grandes, ou dans un vaste parchemin qui couvre la page entière... Bref, c'est très varié! Et chapeau pour la splendeur de l'illustration pleine page, à la p.18 du tome final!
- LE personnage le plus agréable du récit: le fameux Paganel! Quel phénomène! Sous les traits d'une grenouille (c'est le seul Français de l'histoire!), cet historien-géographe distrait, maladroit et tête en l'air est LE véritable héros! Ce puits de connaissances est le seul à ne jamais se décourager, à toujours trouver une solution aux nombreuses tuiles qui leur tombent dessus... Et puis, son enthousiasme et son optimisme de tous les instants ne peuvent qu'être contagieux! C'est vraiment un chouette personnage, qui se révélera indispensable bien plus souvent qu'à son tour, malgré ses nombreuses bourdes!! Cré Paganel, va! ;^D
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