#01 - GAREN
Scénariste(s) : Etienne WILLEM
Dessinateur(s) : Etienne WILLEM
Éditions : Paquet
Collection : X
Série : Épée d'Ardenois
Année : 2010 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (1/4)
Genre(s) : Héros animalier, Fantastique médiéval
Appréciation : 5.5 / 6
|
la Dure initiation d'un lapereau
Écrit le mercredi 02 février 2011 par PG Luneau
Pauvre Garen! Comme tous les jeunes gens de son âge, il rêvait d’aventures et de chevalerie! C’est pourquoi il était bien content de pouvoir bénéficier du mentorat du brave mais vieillissant chevalier Godefroid d’Ardenois, venu poser ses pénates dans son petit village de Chassenoix. Sous l’œil aguerri de ce célèbre héros national, ancien libérateur du royaume, Garen s’entraîne et tente de faire bonne figure au maniement des armes…
Seulement, le destin de ce jeune lapereau changera du tout au tout en quelques minutes à peine! En effet, au retour d’un entraînement en forêt, l’apprenti et son maître découvrent leur village en flammes!! Une horde de sauvages cavaliers, menée par le cruel Hellequin de Bois-Maudits, pille, brûle et tue tout ce qu’elle trouve! D’Ardenois tente bien de s’interposer, mais il se fera trancher la tête à son tour, sous le regard horrifié de Garen, qui en tombe dans les pommes!... Et nous n’en sommes qu’à la page huit!!
Quand il revient à lui, le jeune lapin est maintenant dans la grotte d’un mystérieux hibou sorcier qui le soigne et le presse, après sa convalescence, à foncer sur la capitale pour aller prévenir le roi des agissements de Hellequin. Il semblerait que Nuhy, le Seigneur à l’armure noire, se réveille!! Pourtant, vingt ans plus tôt, les Compagnons de l’Aube, un quatuor de preux héros, avaient bel et bien éliminé cette âme noire qui menaçait le royaume!... Mais ses sbires, dont Hellequin, ont apparemment refait leurs forces dans l’ombre : ils cherchent maintenant le moyen de le ramener à la vie… et seraient sur le point d’y parvenir ?!?
Quelle palpitante entrée en matière pour cette nouvelle série, publiée chez Paquet!! Bien que ce ne soit que le premier tome d’une tétralogie, on comprend qu’un complot est en train de s’enclencher, que des alliances malsaines semblent s’être formées et que la trahison sera, apparemment, de la partie. Mais qui tire réellement les ficelles?? J’ai l’impression que Willem, seul au scénario comme au dessin, nous réserve de belles surprises à ce niveau-là! Chose certaine, un groupuscule d’anciens héros devra reprendre du collier pour tenter de contrer l’ennemi, quel qu’il soit!
En temps normal, j’ai quelques difficultés avec ce genre d’intrigues volontairement confuses. Mais étrangement, dans ce cas-ci, je suis aux anges!! Je ne sais pas si c’est dû à la gentillesse des dessins tout en rondeurs, aux couleurs gaies ou au simple fait que les personnages soient tous des animaux humanisés, rappelant beaucoup, de fait, le style de Disney, mais j’ai confiance, cette fois-ci, de pouvoir garder le cap et de venir à bout de la complexité des mystères que l’auteur nous impose. De plus, je suis encouragé par le fait qu’il n’y aura que quatre tomes. Ce n’est pas comme ces séries interminables où l’on ne fait que complexifier de plus en plus en plus en plus… les choses (genre la série télé Perdus, ou la soi-disant incontournable série BD XIII!
En tout cas, ce tome d’introduction a raflé le prix BDGest’Art de l’album jeunesse de l’année 2010. C’est quand même un prix attribué par plus de 1800 des internautes qui fréquentent le très intéressant site BDGest’ !! Ça doit bien vouloir dire quelque chose si tant de connaisseurs se prononcent en ce sens!! On peut espérer qu’une telle récompense motivera monsieur Willem à se dépasser et à nous donner sans trop tarder le tome #2 que nous attendons tous en trépignant!
Plus grandes forces de cette BD :
- la couverture, aux couleurs sublimes. Elle illustre bien les intéressants contrastes entre le gigantisme bourru d’Arthus, la petitesse toute malingre de Garen et l’opiniâtreté de Grimbert le réfléchi.
- le fait d’annoncer dès maintenant que la série n’aura que quatre tomes. Le récit ne s’étirera donc pas et on sait d’ores et déjà à quoi s’attendre. Génial!
- la carte et les armoiries des trois territoires concernés. C’est toujours agréable, une carte, en pages de garde, surtout pour les récits fantastiques se déroulant dans un monde imaginaire. Ça nous situe et nous démontre que l’auteur a minimalement développé son univers!
- les noms, aux consonances pastorales mais pourtant très révélatrices. J’adore le patronyme du jeune héros, Garen (c’est mignon, pour un lapin, non?), mais aussi celui de son village : Chassenoix!! Quelle charmante chasse que celle aux noix!! Ça donne tout de suite envie de visiter ce patelin… avant son saccage, bien évidemment !! Mais il y a aussi l’ennemi terrible : Nuhy (noir comme la nuit? Ou du verbe nuire?). Et n’est-ce pas très judicieux de s’appeler le Comte de Guttières, quand on est… un matou!
- le dessin. L’expressivité des personnages est accrue par le fait qu’ils soient représentés par des animaux. Willem est très habile pour transposer nos sentiments dans les faciès animaliers de ses personnages, avec un coup de crayon qui rappelle (encore!) les rondeurs et la qualité graphique des studios Disney. Et que dire de ce mignon village de Chassenoix, dès la première vignette? Ne rappelle-t-il pas celui d’Astérix, avec ses toits de chaume et toute la verdure qui l’entoure?!
- une belle mise en page dynamique. Le découpage est varié et monsieur Willem a très souvent choisi de ne dessiner que trois rangées de vignettes. Comme l’album est publié en grand format, ça nous donne de très grandes cases claires, d’une superbe lisibilité.
- l’audace de l’auteur. Pour un récit manifestement grand public, il n’a pas eu peur de mettre en scène la destruction complète et sauvage du village du jeune héros, de même que l’assassinat, devant ses yeux, de son mentor et ami. Le tout est présenté avec beaucoup de doigté : on ne voit à peu près rien, tout est plutôt suggéré par les mimiques du héros qui voit ces horreurs. Mais il fallait oser!
- certains personnages très intrigants. Le sorcier-hibou, d’abord, qui semble être en mesure de jouer avec le temps ou les distances; puis la duchesse-biche aux intentions fort louches… Notez que ces deux personnages ne sont jamais clairement identifiés!! Ça ajoute à leur mystère, bien évidemment! J’aime bien, aussi, le duo composé du bouillant Arthus et du sage mais rouillé Grimbert. Ils semblent former une bonne paire! Le scribe du roi, personnifié par un âne, est charmant, tout comme le chevalier taureau ou la Fouine, ce personnage à la personnalité plus que surprenante! Quant au perfide Hellequin, avec sa corne cassée et ses inquiétants pouvoirs magiques, il a tout ce qu’il faut pour faire office de «Méchant», avec un M majuscule! Bravo!
- une base de récit classique mais efficace. En effet, l’idée du terrible ennemi, éliminé du royaume vingt ans plus tôt mais qui revient pourrir la vie de tous, n’est pas nouvelle, loin de là! D’ailleurs, l’essentiel de cette «légende» est raconté sur le quatrième de couverture… en moins de sept lignes!! Mais Willem exploite ici les poncifs du genre avec un certain brio. À partir d’éléments simples et déjà vus, il nous ouvre les portes à de belles aventures. Surtout que quelques remarques (du chevalier d’Ardenois d’abord, puis de certains de ses confrères) ainsi que quelques images en flashback nous laissent sous entendre que la belle légende colportée depuis vingt ans pourrait avoir été trafiquée… Question de simplement embellir les choses, ou pour taire certains faits moins glorieux??? L’avenir nous éclairera sans doute!
- la belle complexité de l’intrigue. Tout est encore assez confus, surtout pour ma tête qui peine toujours à décortiquer ce genre d’intrigue. Par exemple, on peut percevoir des alliances pas vraiment naturelles, qui augurent mal… Ça sent la trahison à plein nez! De plus, on fait parfois exprès pour ne pas identifier clairement certains personnages… En tant que lecteur-enquêteur, on peut tenter de rectifier le tir, à l’aide d’indices que Willem nous tend parfois… Mais ne serait-ce pas là une super astuce scénaristique pour nous mystifier, justement?!?! De toutes manières, j’ai confiance que le fin fond de l’affaire saura s’éclaircir au fil des trois tomes qui suivront…
- le dessin du quatrième de couverture, comme «peint» sur une toile. Ça donne un charmant petit aspect «peinture classique».
Ce qui m’a le plus agacé :
- l’interminable préface de Pierre Dubois. C’est toujours sympathique quand un pro se donne la peine de faire l’éloge d’un plus jeune moins expérimenté… Mais ici, vraiment, Dubois s’est VRAIMENT trop épanché… et dans un style beaucoup trop barbant pour que la lecture en vaille la peine!
- les couleurs. Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais les couleurs vives et généreuses choisies par Nicolas Imhof manquent totalement d’éclat. C’est étrange, car j’avais lu ces premières planches à l’écran, via le Net, et tout était pimpant et lumineux. La forêt semblait briller de mille feux. Maintenant, en version papier, les couleurs sont les mêmes, mais une espèce de «mateur» vient affadir le tout. Ce n’est peut-être qu’un problème d’impression, mais c’est très décevant. Surtout que la couverture, elle, a su garder l’éclat et n’annonce pas ce petit côté plus terne.
- un petit manque d’originalité dans les choix de certains personnages animaliers et dans leur représentation. En fait, on reconnaît Disney à chaque page, et bien que j’adore ce bonze de l’animation animalière, j’aurais aimé trouvé ici des animaux plus variés, moins clichés. De fait, Garen a l’exacte allure des lapins du Robin des Bois disneyen, et on ne peut regarder le hibou-sorcier sans penser au personnage de Merlin l’enchanteur dans le dessin animé éponyme. Je n’en nomme que deux, mais je pourrais en lister un bon nombre! Heureusement, la technique est ici beaucoup plus maîtrisé et le trait plus raffiné qu’il ne l’est, par exemple, dans la série Richard Cœur de Lion, qui était tombée dans le même piège.
|