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#03- le Chinois est rancunier
#03- LE CHINOIS EST RANCUNIER
Scénariste(s) : Pierre Culliford dit PEYO, Roland Goossens dit GOS, François WALTHÉRY, Jean Mariette dit MITTÉÏ
Dessinateur(s) : François WALTHÉRY
Éditions : Dupuis
Collection : Péchés de jeunesse #16
Série : Jacky et Célestin
Année : 1962     Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Courts récits & Gags en une planche
Genre(s) : Aventure policière, Humour
Appréciation : 3.5 / 6
Une vengeance qui se mange... comme des mets chinois!
Écrit le lundi 26 juillet 2010 par PG Luneau

Je viens de terminer un vieil album que vous ne trouverez qu’en bouquinerie et qui fait partie de la collection Péchés de jeunesse, chez Dupuis. La pièce de résistance de cet album est une aventure de Jacky et Célestin intitulée le Chinois est rancunier et dessinée par Walthéry en 1966.

 

Comme vous le savez peut-être, cette collection se targuait d’éditer les premières œuvres des créateurs-phares de l’écurie Dupuis, malgré les maladresses graphiques qu’elles arboraient parfois. Dans ce cas-ci, on nous présente les débuts de Walthéry, celui qui dessinera l’hôtesse de l’air la plus sexy du neuvième art, j’ai nommé : Natacha. Mais dans les années soixante, Walthéry débutait sa carrière au studio de Peyo, et c’est sous la gouverne de ce grand maître qu’il a commencé à dessiner professionnellement et à acquérir les ficelles du métier. Il est donc tout normal que les premières planches qu’il ait produites aient été scénarisées par Peyo ou d’autres poulains du studio, comme Gos et Mittéï.

 

Dans ce tome, en plus du récit principal (qui ne fait que vingt-six pages), on retrouve en complément trois autres documents, tous dessinés par Walthéry, mais n’ayant aucun lien avec Jacky et Célestin. Voyons d’abord ce qu’il en est de ces trois «péchés d’enfance» :

 

Parlons d’abord de Pipo et compagnie. Il s’agit d’une série de gags en une planche, parus dans le magazine Spirou, en 1962… les toutes premières planches que Walthéry ait jamais fait publier! À l’époque, il signait Pop’s, un surnom qui datait de son enfance. Si les dialogues (de MittéÏ) sont parfois bien amusants, les gags en eux-mêmes sont de qualité fort moyenne. En fait, leur réédition est vraiment d’un intérêt purement historique, car artistiquement parlant, c’est assez mauvais : les traits de Walthéry sont encore très grossiers et sa calligraphie est carrément pitoyable. Pourtant, on nous dit que Walthéry a choisi ses dix planches préférées parmi toutes celles qu’il avait réalisées alors!

 

Les deux derniers récits, parus tout deux en 1968, démontrent un dessin beaucoup plus maîtrisé. D’ailleurs, on sent la touche de l’atelier Peyo : on reconnaît tout à fait les traits conformes aux séries de cette écurie : Johan et Pirlouit et les Schtroumpfs, bien sûr, mais aussi Sophie, la Ribambelle, Pythagore ou le Scrameustache. Walthéry s’est rapidement fait la main, car les deux mini-récits présentés ici sont cette fois de qualité très professionnelle.

 

Dans le premier, la Grande course, on fait la connaissance de François et de ses amis, une bande de copains qui vit à la campagne et qui est aux prises avec un braconnier sans scrupule! Ces jeunes sont charmants tout plein, et je trouve bien dommage qu’une si sympathique bande de gamins, comme il y en avait tant à l’époque, n’ait pas pu se démarquer du lot : j’aurais bien lu quelques autres de leurs aventures!

 

Dans le second, Roland-la-Bricole, on a à faire à un très amusant fonctionnaire pépère qui, dès le boulot terminé, s’élance pour se vautrer dans son vice : le bricolage! Ses talents ne sont malheureusement pas à la hauteur de ses aspirations, au grand dam des gens de son entourage, qui écopent de son incompétence! Pour la petite histoire, on nous apprend que le sieur Roland serait une caricature amicale de Gos, créateur du Scrameustache et bon ami de Walthéry.

 

Ces deux récits de seulement six planches chacun sont les tout premiers que Walthéry ait mené tout seul de A à Z, scénario et dessin. Son évolution graphique, depuis ses débuts en 1962, est phénoménale!!

 

Mais venons-en au récit principal, celui avec Jacky et Célestin. Il a été dessiné en 1966 (je n’étais pas encore né!) et Walthéry signait encore Pop’s dans le bas de chacune de ses planches… mais son nom de famille complet apparaît à la toute fin! Les dessins sont déjà très sûrs, très respectueux du trait «peyoien», et le scénario est aussi rondement mené. Il faut dire qu’ils étaient trois à plancher dessus, et pas des moindres : Peyo lui-même, aidé de Gos… et de Walthéry, qui a dû amener un peu d’eau au moulin!

 

Dans ce palpitant récit, les deux aventuriers sont aux prises avec le marquis de la Trémouille, alias «le Chinois», un criminel qu’ils connaissent bien puisqu’ils avaient déjà fait en sorte qu’il soit emprisonné, lors d’une aventure précédente. Seulement voilà : le bandit s’est évadé, et il désire ardemment mettre un terme à l’existence de Jacky et de Célestin. Nos deux amis devront rester vigilants en tentant de rattraper le bonhomme, car le danger les menaces à chaque détour du chemin.

 

J’ai vraiment adoré cet épisode enlevant des aventures de ce duo… pas si connu, finalement! C’est bien dommage, d’ailleurs, car dans la gamme des jeunes héros courant l’aventure (Spirou, Tintin, Benoit Brisefer, Quentin Gentil et les As, Totoche, les 4 As et tous les autres), ils tirent très bien leur épingle du jeu, beaucoup mieux que bien d’autres! Bien sûr, ça reste le genre d’aventure policière légère et relativement peu crédible (vous connaissez beaucoup de flics qui demandent à des civils de les aider dans leur filature, vous?), mais celle-ci a le mérite d’être menée tambour battant… et de me faire rêver, comme l’on rêvait tous, à l’époque, lorsqu’on découvrait tous ces héros pour la première fois, dans notre jeune temps!!

 

Juste pour ça, c’est suffisant pour qu’on les apprécie encore aujourd’hui!

 

 

Plus grandes forces de cette BD :

 

  • les notes biographiques en début d’album. Ils mettent tous ces récits en contexte et on y apprend plein de choses. Notamment, que Walthéry, lors de sa première entrevue aux éditions Dupuis, s’était présenté en culottes courtes… et qu’il avait oublié ses dessins!!

 

  • l’action qui débute dès la cinquième case de la première planche (le Chinois est rancunier) !! Wow! Quelle amorce! D’ailleurs, elle me permet de constater que non seulement chaque planche se termine avec une accroche, c’est-à-dire un petit suspense pour nous inciter à tourner la page, mais c’est aussi le cas à la fin de chaque deuxième bande, au milieu de la page, ce qui me laisse croire que ce récit est peut-être paru en demi-pages, à l’origine!

 

  • l’action qui n’arrête pas de tout le récit (le Chinois est rancunier). Après toutes les tentatives d’assassinat en rafales, on passe à une course-poursuite effrénée. Ça ne dérougit pas et on adore ça!

 

  • les apparitions de Peyo (statufié dans un parc, puis dans le rôle d’un figurant qui se fait voler sa voiture) et de Gos (en inspecteur de police dans le Chinois est rancunier, et en Roland-la-Bricole dans le mini-récit éponyme). Évidemment, c’est parce que les éditeurs nous indiquent ces détails dans la préface que je les ai reconnus!

 

  • les marques de commerce qui figurent sur les panneaux publicitaires du centre commercial, à la fin du Chinois est rancunier. Walthéry s’amuse à y encoder des mots qui lui sont chers. On peut par exemple y découvrir WALTH, puis ÉRY à la page 27, ainsi que SCHT (connaissez-vous beaucoup de mots qui débutent par ces quatre lettres?) et DUP (qu’on devine être Dupuis!), à la page 28. Ceux-là, je les ai découverts moi-même, ce qui ne me rend pas peu fier!

 

  • le charme qui se dégage du groupe de gamins, dans la Grande course. Non mais, avouez qu’ils sont complètement craquants, ces jeunes qui gardent comme animal de compagnie, non pas un chien ou un chat, ni même un hamster, mais des escargots!! Qui plus est, ils se réunissent pour s’amuser à faire courser leurs petits protégés entre eux! Je suis conquis!

 

  • la première planche du récit Roland-la-Bricole, qui développe une très belle montée dramatique, créant un suspense très efficace. On veut savoir quel est ce défaut, ce vice ou cette double-vie qui allume tant ce pauvre petit employé de mairie, autrement plutôt éteint!

 

  • la richesse générale des décors, qui sont bien garnis tout en évitant la surcharge. On voit que Walthéry est supervisé par une équipe compétente et minutieuse.

 

 

Ce qui m’a le plus agacé :

 

  • certaines des manigances du «Chinois», qui sont un peu tirées par les cheveux. Qu’il envoie un colis rempli d’explosifs, je veux bien, et qu’Il introduise un cobra chez Jacky, passe encore… Mais qu’il prenne le temps de remplir la bouteille d’after-shave de notre ami de vitriol et qu’il installe un bac de piranhas dans son sous-sol pour que nos héros tombent dedans en explorant la cave qu’il avait pris soin de plonger dans la pénombre la plus complète, ça fait plus que frôler l’exagération!! On nage presque dans du mauvais James Bond!!

 

  • la typographie vraiment horrible de Walthéry dans ses planches de Pipo et compagnie. Il démontre vraiment un amateurisme flagrant, avec ses lettres qui rapetissent de ligne en ligne pour s’assurer que tout rentre bien dans le phylactère… puis qui regrossissent à la dernière ligne quand le scripteur réalise avec soulagement qu’il aura suffisamment d’espace!

 

  • les traits mal assurés de ces premières planches, tant pour Pipo et ses amis que pour les décors qui les entourent. On sent que les lignes sont tremblantes, qu’elles manquent de netteté. C’est ce qui nous permet, d’ailleurs, de constater de la superbe amélioration de Walthéry, en seulement quatre ans!

 


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