#01- L'OMBRE QUI TUE
Scénariste(s) : Pierre Fournier dit MAKYO, Serge LE TENDRE, Alain DODIER
Dessinateur(s) : Alain DODIER
Éditions : Dupuis
Collection : Repérages Dupuis
Série : Jérôme K. Jérôme Bloche
Année : 1985 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récits complets
Genre(s) : Aventure policière, Humour
Appréciation : 4.5 / 6
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Des perles d'enquêtes, menées par l'adulescent le plus charmant du 9e art!
Écrit le jeudi 11 mai 2023 par PG Luneau
Tomes lus : #01- l'Ombre qui tue (Scén. : MAKYO & LE TENDRE)
#02- les Êtres de papier (Scén. MAKYO & LE TENDRE, Coll. X, 1983 (1989), 5/6)
#03- À la vie, à la mort (Scén. : MAKYO, 1984 (1998), 4,5/6)
#04- Passé recomposé (Scén. : DODIER, Coll. X, 1986 (1997), 5/6)
Pour honorer ma 600e critique, je poursuis la tradition et vous présente un classique qui dure depuis bientôt 40 ans : Jérôme K. Jérôme Bloche! Je suis très heureux de faire d'une pierre deux coups en enrichissant dans la foulée la lettre J de mes archives, qui en avait bien besoin! D'une pierre trois coups, même, car j'ai en plus le grand plaisir de renouer avec ce vieil ami que je n'avais pas côtoyé depuis des lustres!
C'est quoi?
Pour ceux qui ne le connaissent pas, Jérôme K. Jérôme Bloche est (à peine!) un adulte dans la jeune vingtaine (le portrait même de l'adulescent!) qui est devenu détective en suivant des cours par correspondance! Dans son appartement miteux, qui prend l'eau de toutes parts à la moindre ondée, il reçoit les appels ou les lettres de ses futurs clients, se laisse entraîner dans leurs histoires (toujours originales, mystérieuses et emberlificotées à souhait), mais finit toujours, à force d'ingéniosité, d'observation ou d'idées lumineuses, par les résoudre avec brio.
Que ce soit de découvrir l'identité d'un assassin en série qui utilise la sarbacane (!? t.#1- l'Ombre qui tue), de comprendre la dynamique qui lie les membres d'une riche famille aux allures de personnages de roman policier à la Agatha Christie (t.#2- les Êtres de papier), de contrecarrer les manœuvres d'un maître chanteur qui ordonne aux riches de donner aux pauvres (t.#3- À la vie, à la mort) ou de démystifier le retour d'un homme mort une quarantaine d'années plus tôt (t.#4- le Passée recomposé), rien n'est à l'épreuve de notre charmant petit Jérôme!
C'est comment?
Dans le genre «récit policier qui ne se prend pas la tête», cette série est merveilleuse! Et attention! Je ne veux pas dire par là que les intrigues sont simplistes! Ce serait même plutôt le contraire !? C'est en fait le héros qui ne se prend pas la tête : il mène ses enquêtes à grands coups de méninges, et non pas à coups de poings ou de révolver! Car on est dans des récits de type who-done-it, très loin des complots internationaux ou des guerres de gangs! Jérôme fait plus souvent de la filature et de la surveillance passive que des arrestations musclées ou des fusillades à la Tarantino! ;^)
Toujours à cheval sur son sempiternel Solex (un genre d'hybride entre un vélo et une mobylette, l'ancêtre des vélos assistés, quoi !?), Jérôme se prend pour son idole, Humphrey Bogart... même s'il n'arrive qu'à avoir l'air d'un Columbo couetté et débraillé! Et c'est ce qui fait son charme!
En effet, malgré tous ses petits défauts (il est gaffeur, gourmand, naïf, pas très athlétique... et grand dormeur!), on ne peut que tomber en amour avec ce charmant garçon, tout comme l'a fait Babette, son amie d'enfance qui a le béguin pour lui... même s'il ne s'en rend pas encore tout à fait compte! D'autant plus qu'il a un humour de feu, ce Jérôme, et qu'il sait prendre la vie avec une insouciance digne de son jeune âge, mais qui contraste agréablement avec le style de vie qu'il mène.
Si les deux premiers tomes ont été écrit par Le Tendre et Makyo, il est à noter que Le Tendre à abandonner le bateau dès le tome #3, que Makyo a écrit seul (dans un style flirtant un peu avec la science fictive... ce qui m'a un peu moins plu). Puis, à partir du tome #4, c'est Dodier, l'illustrateur du départ, qui poursuit la série en restant seul maître à bord, tant au scénario qu'au dessin... Et ce, depuis maintenant 25 tomes!!
Quel plaisir de savoir qu'il me reste encore tant d'aventures à (re)découvrir avec mon adorable Jérôme!
Mes bémols
- le travail d'édition. Bon, mes tomes sont assez vieux, ils ont été réédités de nombreuses fois depuis, avec, j'espère, un re-travail des formats et couleurs, sur du meilleur papier! Car en ce qui me concerne, ces éditions de la fin des années '90 sont pathétiques! D'abord, les planches des 9 premières pages mon tome #1 sont minuscules, perdues dans une inutile bordure de 3 ou 4 cm. Pourquoi ne pas les avoir agrandies pour qu'elles deviennent conforme au reste? Puis, de manière générale, les couleurs sont fades et délavées ou trop uniformes, en à-plat, sans nuance... La Bretagne sous la pluie et le brouillard, dans le tome #4, est déjà assez fade comme ça, pas besoin d'en rajouter! ;^) Bref, Dupuis est très décevant, sur ce coup-là.
- le dessin du jeune Dodier. Le fait est que je connais la qualité du travail de l'artiste sur les tomes actuels, et je sais que c'est un excellent dessinateur. Toutefois, force est de constater que ces premiers tomes souffrent de certaines lacunes : les lignes sont parfois sèches, les vignettes, souvent trop sombres et quelquefois illisibles (comme au centre de la première planche du tome #3). Avec le recul, on peut peut-être parler d'immaturité graphique?
- la surabondance de texte. De manière générale, c'est très verbeux, surtout lors des finales, lorsque vient le temps des explications tant attendues. Tous les tomes y passent, mais c'est particulièrement marquant dans le tome #4, où les vignettes des dernières pages semblent perdues dans un océan de gribouillis tout serrés!
- une incohérence importante. Dans le tome #1 (et sans vouloir rien divulgâcher), quand vous découvrirez l'identité de l'assassin, vous viendrez m'expliquer comment cet individu fait pour gambader allégrement sur les toits !?
Les plus grandes forces de cette BD
- l'originalité des intrigues. C'est fascinant de voir à quel point Le Tendre, Makyo et Dodier ont été capable de pondre des scénarii riches et différents! Cette idée de cours de détectives dans le tome #1, ou celle de redresseur de torts dans le #3, wow! Le scénario du #4 est supersolide... Et j'ai eu un coup de cœur pour l'étrange famille «de papier» du #2 : un romancier qui met en scène ses idées de romans pour tester leur validité, c'est brillant!
- la belle variété de plans. Dodier est assez habile pour nous étonner par l'angle sous lequel il nous présente ses vignettes (par exemple, via le reflet d'une flaque d'eau, à la p.23 du premier tome!). Ses efforts pour dynamiser ses planches et éviter le traditionnel gaufrier sont fort louables.
- la multiplicité des péripéties. Les enquêtes, bien que tout en douceur, restent bien dynamiques (avec explosions ou revirements de situation, par exemple). Mais j'ai adoré que l'on dynamise même les petits détails du quotidien (en nous montrant l'étonnant usage que Jérôme fait de ses chaussettes (t.#3), les vols de bagage ou de Solex dont il est victime ou le fait qu'il s'endort dans sa baignoire!). Tous ces micro-événements contribuent à nous rendre le personnage encore plus crédible... et encore plus attachant!
- les personnages secondaires, tous étonnamment typés. Il y a la grand-mère de Jérôme, qui croit en lui comme pas deux, la femme du docteur (moins paralysée qu'elle en a l'air) ou cet étrange nain (tous dans le t.#3). Mais ma palme d'or va à la vieille gouvernante (t.#2) qui verrouille toujours toutes les portes derrière elle! ;^) Et que dire de la belle Babette!
- l'efficacité des tronches des personnages. C'est, je crois, ce que j'aime le plus du dessin de Dodier! Ses visages sont toujours originaux, drôles ou avec un petit quelque chose de particulier. Même Jérôme, avec son gros nez large, est en soi atypique : il n'a visuellement rien du héros classique! Bravo!
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