MON PETIT NOMBRIL
Scénariste(s) : Pascal COLPRON
Dessinateur(s) : Pascal COLPRON
Éditions : la Pastèque
Collection : X
Série : Mon petit nombril
Année : 2007 Nb. pages : 88
Style(s) narratif(s) : Gags en une ou deux planches
Genre(s) : Blogue, Quotidien, Humour tendre, Autofiction
Appréciation : 4.5 / 6
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Quand l'humour fait sa place au quotidien
Écrit le lundi 25 juin 2012 par PG Luneau
La plupart des dessinateurs ont su profiter de la visibilité que leur offrait Internet en y exposant leur portfolio. Les bédéistes, comme les autres, s’y sont sentis interpelés. Plusieurs y présentent leurs croquis, y font la promo de leurs œuvres, y annoncent leurs séances de dédicaces… mais tous n’ont pas le courage d’y tenter le beau risque du blogue-BD! C’est que c’est très exigeant, en temps et en idées, de s’engager (moralement, généralement!) à publier une planche, un strip ou un dessin d’humour à tous les jours/ toutes les semaines! Telles des poules pondeuses, ces braves fous doivent produire, qui quotidiennement, qui hebdomadairement (et d’autres, beaucoup plus sporadiquement : parlez-en à mon ami Marsi, avec ses Salades d’Amphibie, que je vous encourage à aller parcourir!!). Mais tous désirent réaliser un produit de qualité, tant sur le plan graphique que scénaristique! Oui, certains ont un talent fabuleux qui fait en sorte que leurs dessins sont sublimes en deux coups de crayons, mais sauront-ils pour autant nous amuser, nous émouvoir, nous saisir ou nous faire réfléchir à chaque jour? À chaque semaine? C’est qu’il en faut, des idées, pour se rendre intéressant de manière à alimenter un blogue avec une régularité satisfaisante! Ce n’est pas donné à tout le monde! C’est de cette façon, si je ne m’abuse, que l’enseignant Martin Vidberg, l’auteur du Journal d’un remplaçant et des Instits n’aiment pas l’école, est devenu bédéiste! C’est aussi ainsi que Boulet fait fureur avec ses Notes, extraites de son blogue. Plus près de nous, il y a Leif Tande qui nous a donné l’Origine de la vie, excellent album dont je vous ai parlé il y a à peu près un an jour pour jour!!
Pascal Colpron est maintenant l’homme que j’aimerais vous présenter, un de ces braves qui ont plongé, qui se sont donné le défi d’alimenter la bête Internet! À l’en croire les déboires et les états d’âme qu’il mettait en scène sur son blogue autofictif, Colpron semble être le parfait type du bon gars qu’on souhaiterait avoir comme voisin! Ses réflexions, en une ou deux planches, nous le montrent comme un chum aimant, père d’une adorable fillette et propriétaire d’un chat pas très bien élevé. Un gars simple, ordinaire, éminemment sympathique, toujours prêt à rire de ses propres travers. Le genre de gars qui jette sur la vie un tendre regard empli de dérision, et qui n’hésite pas à partager ses vues avec nous, même si elles ne le présentent pas toujours sous son meilleur jour!!
Pour ce faire, il utilise un dessin assez réaliste, avec de-ci de-là de petites pointes semi-caricaturales. En ce sens, et malgré un trait beaucoup plus fin et gribouillé, il me rappelle un peu le style de Jean-Paul Eid, en moins épuré : Colpron est encore un peu, de son propre aveu, au stade des explorations. En effet, j’ai lu la réponse qu’il a donnée à certains de ses proches qui lui faisaient remarquer que ses autoportraits ne lui ressemblaient pas tellement. Colpron leur répliquait clairement qu’il cherchait plus à représenter des expressions, des émotions, des ressentis, que la simple réalité. Je crois qu’on peut dire que ces expérimentations transparaissent un peu à travers l’album, où dessin et humour manquent encore de constance. Si plusieurs planches m’ont fait m’éclater de rire (celle avec le chat, principalement), plusieurs me sont apparues un peu trop fades… mais peut-être était-ce à cause de mes attentes, très élevées : j’avais tellement hâte de découvrir la version papier de ce blogue dont j’avais lu quelques pages en ligne! Comme quoi on ne doit pas se faire trop d’attentes si on ne veut pas finir un peu déçu!
Néanmoins, je crois que ce gentil bédéiste-héros (un brin antihéros, parfois) mérite qu’on lui laisse sa chance! Je vous conseille donc de vous laisser tenter par son petit nombril, ne serait-ce qu’en commençant par fréquenter le site sur lequel il étale ses planches régulièrement, et j’ai nommé : Mon petit nombril!! Aussi, je vous laisse des liens vers deux fort élogieuses critiques de bédéphiles-amis (Arsenul et Kikine) qui ont, eux, aimé encore plus que moi! Ça vous permettra ainsi de vous faire une idée plus personnelle de ce qu’il en est.
P.S. : Et attention de ne pas confondre ce Mon petit nombril avec les Nombrils, série québécoise elle aussi, mais du couple Delaf et Dubuc, celle-là… Avec des noms si semblables, c’est vrai que c’est un peu confondant, d’autant plus que Colpron a travaillé sur les décors du tome #5 des Nombrils, et qu’il apparaît en caméo, avec son épouse et sa petite, à la p.30 du tome #4)! Que le monde est petit!!
Plus grandes forces de cette BD :
- la couverture qui présente la petite cellule familiale, de profil. Avec ses couleurs vieillottes, sépia et turquoise, elle est toute simple, mais efficace : on sent l’union et l’amour de ce foyer!
- les rabats de la couverture cartonné, avec Colpron d’un côté, et de l’autre son chat qui le fuit en se frottant malicieusement les glandes anales sur le plancher! Délirant! Les deux images, pleine page, qui ouvre et ferme le volume sont aussi intéressantes, car elles illustrent bien l’évolution de la petite famille… qui n’a maintenant plus de secret pour nous!
- la typographie des titres des gags. J’adore le type de lettrages, très gonflé, choisi par monsieur Colpron : il me rappelle beaucoup celui des couvertures de la franchise Archie de ma jeunesse!
- le dessin. J’aime beaucoup son trait «réalistico-ligne claire». Il est très intéressant, moderne et simple et m’a tout de suite accroché, dès que j’ai abouti sur son site, la première fois!
- la sympathie qui se rayonne du personnage central. Qu’est-ce qu’il a l’air d’un bon gars : on souhaiterait tous l’avoir comme ami! Sa grande humanité transcende son héros, un peu comme Paul et Michel Rabagliati. En plus, c’est un ancien rôliste!! J’ai tellement hâte de lire son prochain album, Escargot, qu’il a publié en feuilleton sur son blogue et qui se passe, en partie, au Moyen-âge!
- l’abondance d’expressions très québécoises. Colpron ne fait aucun compromis : des «Faque» et des «Enweille, torche!» sont monnaies courantes, dans cet album… au grand bonheur de ma fibre patriotique!!
- l’humilité dont fait preuve l’auteur dans son autodérision. C’est vrai qu’on entend souvent que les blogues sont l’œuvre de gros nombrils. D’ailleurs, monsieur Colpron a choisi de prendre cette évidence au pied de la lettre, quand il a baptisé son album (et son blogue) Mon petit nombril!! Mais en nous présentant certaines facettes de lui-même pas toujours très glorieuses et en acceptant de mettre ses émotions à nu, on dépasse largement le nombrilisme et on accède à une œuvre intéressante, loin des insupportables blogues du type : «Moi, je…».
- les gags qui mettent en scène le chat ou le bébé! Ceux des p.18 et 25 m’ont tiré de vrais rires sonores! Son entraînement matinal, pour «s’éveiller» le «corps», à la p.28, n’est pas piqué des vers non plus…
Ce qui m’a le plus agacé :
- l’inégalité des gags. Certains tombent à plat, comme celui de la p.12, De manière générale, j’ai été un peu déçu : c’est une coche en dessous de ce que je m’attendais… mais, je le répète, mes attentes étaient très élevées, compte-tenu de ce que j’avais lu sur le blogue!
- le noir et blanc. En fait, ce n’est pas tant un agacement qu’un désir : il me semble que de la couleur embellirait encore plus ces tranches de vie, non? Je serais curieux de voir l’impact que ça pourrait avoir sur l’ensemble de l’œuvre!
- l’inégalité du dessin. J’en ai parlé un peu plus haut. C’est surtout flagrant pour sa fille. Ses autoportraits sont aussi assez différents les uns des autres, parfois, mais c’est surtout parce qu’il varie le style, parfois un peu plus caricatural, parfois un peu plus réaliste. En somme, je ne saisis pas encore très bien ses allégeances… et c’est pourquoi j’ai d’autant plus hâte à la publication de son Escargot!
- les arrière-plans. Ils sont assez souvent un peu vides. C’est très correct que l’emphase soit mise sur les expressions faciales, mais une attention accrue aux décors permettrait à chaque planche d’y gagner en richesse.
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