#04- DUEL DE BELLES
Scénariste(s) : Maryse DUBUC, Marc Delafontaine dit DELAF
Dessinateur(s) : Marc Delafontaine dit DELAF
Éditions : Dupuis
Collection : X
Série : Nombrils
Année : 2009 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Gags en une ou quelques planches, à suivre
Genre(s) : Humour mordant, Quotidien, Drame familial
Appréciation : 5 / 6
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Un calvaire salutaire pour une incroyable métamorphose
Écrit le dimanche 22 août 2010 par PG Luneau
Nous y voici! Dan-le-romantique, le petit copain de Karine, notre grande échalote préférée, a craqué pour la belle Mélanie! Il part même quelques semaines avec elle, en Afrique, pour participer à l’une des nombreuses missions humanitaires pour lesquelles elle milite!! Karine et ses deux minettes d’amies, Vicky et Jenny, ne sont pas dupes : la belle, sous ses airs doucereux et sa grande implication dans toutes les causes sociétales et environnementales, cache un double jeu machiavélique. Mais comment prouver à Dan ainsi qu’à tous les autres élèves de l’école que cette nouvelle coqueluche les manipule tous? D’autant plus qu’elle est brillamment intelligente, la Mélanie : elle a un don quasi surnaturel pour déjouer les plans des autres! Elle parvient même, presque toujours, à en tirer du capital politique!
En commençant à lire ce quatrième tome des Nombrils, j’ai eu l’impression de revenir dans le temps. En effet, dans les premières planches, quand on retrouve Karine en intense dépression avec Vicky et Jenny qui lui piétinent le cœur avec des répliques assassines du genre : «Pauvre Karine!... Déjà que tu es moche, maintenant en plus tu as les yeux bouffis!», je me suis dit qu’on en revenait à la dynamique malsaine du début du premier tome. J’ai même eu un peu peur que ma série chouchou commence à s’essouffler! Heureusement, Delaf et Dubuc ont su éviter le piège de la redondance de manière assez habile, notamment en introduisant de nouveaux personnages.
Par exemple, un duo de garçons bien en vue, le président et le vice-président de l’école, viendra s’imposer peu à peu dans l’esprit de Jenny et Vicky, nouvellement en chasse depuis le départ précipité de John John, à la fin du tome précédent. De même, un mystérieux poète albinos, toujours de blanc vêtu, s’immiscera doucement au sein de la bande, avec sa guitare et son don pour dire aux gens leurs quatre vérités, mais en chanson!
Karine est vraiment le point central de ce tome, son personnage pivot. Elle y vit tellement d’émotions intenses et graves, comme l’injustice, l’humiliation, la déception, l’incompréhension, le rejet… que c’en est épeurant! Mais qui a dit que l’adolescence était une période facile!? Face à la nouvelle popularité de Mélanie auprès de tous les élèves et du personnel de l’école, notre Karine n’a pas grand recours… Mais Vicky et Jenny s’en mêleront : elles ne sont pas filles, elles, à se laisser gruger la popularité sans tenter le tout pour le tout pour inverser le processus! Elles mettront tout en œuvre pour contrecarrer les plans malicieux de la pseudo-Mère Teresa et inciteront Karine à participer à leurs magouilles pas toujours très franc jeu. Grandement perturbée par toutes les souffrances émotives qu’elle traverse, la grande naïve acceptera-t-elle de jouer le jeu de ses deux belles copines pour regagner le cœur de son Dan? Vous devrez lire ce quatrième excellent tome des Nombrils pour le savoir!!
Plus grandes forces de cette BD :
- le petit message écolo, sur l’origine du papier. Au verso de la page-titre, les éditeurs nous précisent que l’album a été imprimé sur du papier issu de forêts gérées de manière durable et équitable… puis ils rajoutent : «comme ça, Mélanie est contente!». Quel beau clin d’œil! J’adore quand un éditeur prend le temps de s’attarder à des petits détails du genre. Ça démontre qu’il prend soin de ses auteurs, qu’il comprend bien leur œuvre et qu’il a son produit à cœur! Bravo, Dupuis!
- plusieurs excellentes chutes. Je ne sais pas comment Delaf et Dubuc font pour réussir aussi souvent à toucher si juste. Alors que la majorité des auteurs de «séries de gags» ne réussit qu’un ou (très exceptionnellement!) deux excellents punchs par album, j’entends de ceux qu’on ne voit pas venir du tout et qui nous font éclater de rire, eux y parviennent deux ou même trois fois plus souvent!! Ce couple québécois est un génie des revirements inattendus. Mes préférences vont cette fois-ci pour les pages 5, 21, 27, 29… et 46. Bingo!
- certains thèmes assez délicats, présentés en arrière-fond : la pornographie, l’adultère… C’est quand même intéressant d’oser montrer ces réalités dans une série BD pour ado, alors que la société a beaucoup plus tendance à les cacher, généralement. Belle audace de la part de Delaf et Dubuc.
- découvrir la jeunesse et les secrets de certains personnages secondaires (comme les parents de Vicky, ou la fameuse Mélanie, véritable garce au visage d’ange). Le fait de nous faire raconter le vécu de certains personnages, même secondaires, nous permet de mieux comprendre leurs réactions. Ça leur donne une profondeur qui ajoute de la cohérence et, par le fait même, du réalisme à la série. C’est une des grandes forces des Nombrils.
- le gag dégueu du bouton de Murphy qui «assomme» Jenny en l’éclaboussant, à la page 20. C’est un gag absurde, gros et dégoûtant (à l’image du bouton!!), des plus primaires… mais tellement efficace! Ça fait du bien, parfois, de rire d’un bon vieux gag de type «tarte à la crème»!
- l’éveil de Karine, qui profite de cette crise existentielle pour mûrir, réaliser certaines choses et même se rebeller! Elle s’affirmera à plusieurs reprises, tant vis-à-vis Dan que face à ses parents ou ses copines, Vicky et Jenny. Certains diront, elle la première, qu’elle devient peste et manipulatrice, comme les deux vraies Nombrils… Je ne suis pas d’accord : en réalité, elle ne fait que s’humaniser minimalement et prendre enfin sa place, elle qui était si naïve et bonasse. On assiste à une métamorphose salutaire, comme au juste redressement d’un balancier.
- la présence, à l’épicerie (p.30), d’une petite famille de figurants dont on peut reconnaître le papa barbu. Il s’agit de Pascal Colpron, le dessinateur québécois de l’excellent blogue-BD (maintenant aussi disponible en album!) Mon petit nombril, que je vous invite à découvrir à l’adresse suivante : http://monpetitnombril.wordpress.com/ J’imagine qu’avec leurs deux noms de série si semblables, Delaf, Dubuc et lui ont dû se faire confondre à quelques reprises, le paysage «bédéesque» québécois étant si restreint!
- le nouveau personnage d’Albin. J’aime beaucoup son look super sympa d’agent Glad, mais c’est surtout son humanité que j’adore, et sa perspicacité quasi mystique. Il arrive comme une bouffée de fraîcheur dans l’univers «nombrilesque» (et dans la vie de Karine) et ça augure encore bien du bon temps pour les albums à venir!
- l’ingénieux chassé-croisé feuilletonnesque au cours duquel Mélanie délaisse Dan pour porter son dévolu sur Fred, le président de l’école, se mettant ainsi à dos les deux vipères qui tentaient, chacune de leur côté, de mettre la main dessus… au détriment de l’autre! L’écheveau est savamment entremêlé, les éléments sont discrètement mis en place petit à petit, sans qu’on s’en rende compte, pour que, quand on tire sur les deux bouts de ficelle, à la fin de l’album, la corde se noue irrémédiablement autour du cou de… Mais je vous laisse le plaisir de le découvrir! Bref, bravo au couple d’auteurs pour ce scénario si bien ficelé.
- la résolution du conflit avec Mélanie, qui est un véritable petit bijou. Qu’est-ce que j’ai eu peur pour la pauvre Karine en lisant cet épisode de cinq planches! Heureusement, elle a su prendre sa destinée en main, malgré les apparences, ce qui fait en sorte qu’elle parvient à déstabiliser tout le monde, lecteurs y compris.
- la conclusion, surprenante, comme toujours. La nouvelle Karine, métamorphosée, est méconnaissable! Ça m’a complètement soufflé. Mais qu’est-ce qui pourra bien arriver, dans le prochain tome, pour bousculer ce nouvel équilibre? Je n’en sais rien, mais j’espère que la pauvre pourra en profiter au moins quelques temps car cet album-ci en a été un particulièrement souffrant pour elle. J’espère aussi que la piste du voyage à L.A. avec le beau Chris Daryl aux abdos de feu sera exploitée!! Quelle joie ce serait de voir cette bande de jeunes en voyage aux États-Unis!
Ce qui m’a le plus agacé :
- Plusieurs expressions ou insultes franchouillardes. Le «Tu pètes un câble, là…» de Dan, à la page 29 ou le «Tu veux nous tuer les dents?!» de Jenna, à la page suivante en sont de bons exemples.
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