#01- CICATRICES
Scénariste(s) : Sylvain RUNBERG
Dessinateur(s) : Serge PELLÉ
Éditions : Dupuis
Collection : Repérages
Série : Orbital
Année : 2005 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (1/2)
Genre(s) : S.F.
Appréciation : 5 / 6
|
Pour que la diplomatie triomphe de la violence!
Écrit le vendredi 09 juillet 2010 par PG Luneau
Ça faisait déjà plusieurs années que je salivais d’envie devant cet album, dans ma bibliothèque, puisque je l’ai acheté quand il est paru, il y a déjà cinq ans. Mais je voulais attendre a) d’avoir la suite et fin du récit et b) d’avoir le temps d’en apprécier pleinement toute la saveur. Ce début de vacances d’été me permet enfin d’assouvir mon désir… et je ne suis pas déçu!
Dès la couverture, on est plongé dans un univers futuriste où pullule une diversité phénoménale de races extraterrestres. C’est normal, puisqu’Orbital est une base intersidérale qui sert de point de jonction entre tous les peuples. On y trouve des portes CROP, sorte de portails spéciaux permettant la téléportation sur des distances transsidérales, un peu comme les fameux «trous de ver» (ou «wormholes») de la franchise Star Trek ou la non moins fameuse Porte des étoiles (Stargate, pour les puristes).
Cette station sert de point d’ancrage à la grande Confédération intersidérale, vieille de huit mille ans et regroupant plus de 780 races, toutes plus étranges les unes que les autres. Les Humains en font maintenant partie, mais ils ont longtemps hésité à rallier cette coalition intercivilisationnelle, et les nombreuses tractations et référendums terrestres qui ont précédé leur adhésion ont donné lieu à des actes de terrorisme très violents menés par certains groupuscules humains radicalement anti-confédération, les Isolationnistes. Considérés depuis comme belliqueux et racistes, les Terriens n’ont pas nécessairement la cote auprès des autres peuples.
Heureusement, il y a l’ODI, l’Office Diplomatique Intermondial. Cet organisme, vieux de plusieurs milliers d’années, enquête et officie de manière à éviter ou régler pacifiquement les conflits interplanétaires. Il est donc constitué d’agents d’une foultitude de races différentes et divergentes, mais qui ont la paix comme premier outil de résolution de problèmes.
Et si Orbital est un lieu de transition fort passant, c’est surtout aux missions diplomatiques d’une dyade d’agents très spéciaux de l’ODI que cette série s’attardera. Et pour être spéciaux, les agents Caleb Swany, terrien, et Mézoké Izzua, son/sa partenaire androgyne, de la race des Sandjaars, le sont!! En effet, non seulement ces deux agents pacificateurs sont-ils tout nouvellement accrédités, mais ils sont tous deux les premiers de leur race à intégrer le glorieux organisme.
Caleb devra donc lutter contre la mauvaise réputation dont jouissent les Terriens. Il y aura de la tension dans l’air, car les E.T. ne sont pas du tout chauds à l’idée de voir un médiateur humain venir régir leurs petites affaires. De même, plusieurs Humains resteront sur leurs gardes et considéreront Caleb comme un traitre de travailler pour cet organisme pro-extraterrestre.
De plus, plusieurs mettront en doute le fait d’avoir jumelé Caleb à un Sandjaar, compte-tenu qu’une colonie d’Humains a sauvagement décimé, quelques décennies plus tôt, des dizaines de milliers de Sandjaars, amenant ainsi ce peuple au bord de l’extinction! Est-ce que Mézoké parviendra à faire fi des rancœurs de son peuple à l’égard des Terriens? Chacun pourra-t-il faire confiance à son binôme? Le chemin sera ardu pour nos deux nouveaux agents, et les préjugés, farouches!
Messieurs Runberg et Pellé nous ont concocté une excellente aventure de S.F. qui augure bien pour l’avenir. Tant sur le plan du scénario que du dessin, tout est touffu, léché, coulant, mais sans excès. C’est beau, c’est bon, c’est juste assez complexe pour mon petit intellect facilement embrouillé tout en restant assimilable. Bref, j’ai trouvé ce début de série nourrissant et intelligent, sans qu’il ne tombe sur le cœur… et j’ai bien hâte de lire la conclusion de cette première mission, prévue pour le tome #2!
Plus grandes forces de cette BD :
- la couverture, très class, avec ses teintes de blanc bleuté et de gris pâle. Ces prédominances, présentes tout au long de l’album, donnent un ton glacial qui cadre bien avec de la SF technologique.
- le thème du spatio-port interracial, comme dans l’excellente série télé Babylone V. C’est un thème que j’adore puisqu’il permet le croisement d’une multitude inimaginable de races, chacune avec ses coutumes, ses habitudes, ses défauts et ses particularités. Et qui dit croisement dit risque de confrontations, donc situations de crises et de conflits! Quelle richesse pour un scénariste!! Ça rappelle, par moment, Point Central, ce centre névralgique de l’incontournable série Valérian, de Christin et Mézières, une des premières séries françaises de S.F. digne de ce nom!
- les superbes dessins de monsieur Pellé. Si les traits des personnages et les décors mis en place rappellent souvent Valérian, eux aussi, la coloration et le style graphique (estompage, nombreuses teintes de gris et de bleu…) rappellent incontestablement le non moins incontournable Bilal. En fait, Orbital semble vraiment être la parfaite jonction entre ces deux univers, comme si Pellé, en s’inspirant de Bilal, permettait au dessin de Mézières, demeuré trop «années 70» à mon goût, d’entrer dans le XXIe siècle… mais tout en gardant un côté grand public (ce que Bilal a moins bien réussi!).
- les grandes variétés morphologiques des extraterrestres présentés. Orbital semble peuplée de différentes races variées, originales et apparemment bien définies (l’avenir nous dira si ce sera bel et bien le cas, évidemment!). De plus, c’est amusant de voir comment ces E.T. portent le joli uniforme des agents de l’Office Diplomatique Intermondial! Celui-ci est peut-être blanc (donc un peu salissant pour des agents en mission!) mais il existe en toute taille (mais vraiment toute!!) et, surtout, en versions adaptées pour toutes les races, peu importe le nombre de bras, de tentacules ou de têtes que vous possédez!
- la richesse incontestable des architectures et des nombreux vaisseaux spatiaux. Tout ce qui est technologique regorge de détails, d’excroissances, de manettes et de boutons par milliers : réacteurs et branchements complexes par ci, capteurs optiques et écrans tactiles par là, … Que de temps ça doit prendre pour dessiner tout ça!! Pourtant, Pellé ne lésine pas sur la quantité et la profusion : chapeau à lui!
- la fascinante race des Sandjaars, dont le/la mystérieux/se Mézoké fait partie. Cette race androgyne, dont l’identité sexuelle est très difficilement identifiable (malgré le fait que Mézoké a l’air plus féminin!), est entourée de mystères, ne serait-ce qu’à cause de cette particularité! De plus, leur peau toute noir profond, d’une opacité totale, camouffle toute expression et masque la moindre trace d’émotion. Rajoutez à cela leurs deux grands yeux rouges, sans iris, et leurs grosses lèvres botoxées, aussi d’un rouge pétant, qui se détachent violemment du noir de fond. Brrrr!!… Quelle race! Et quel personnage intéressant! On sent (ou on espère!?) qu’elle (ou il?!) se dévoilera plus au fil des tomes, car jusqu’à présent, il (ou elle?!) entretient encore plus le mystère de par son relatif mutisme. D’ailleurs, le personnage de Nina, la pilote humaine un brin blasée qui travaille déjà pour les extraterrestres, semble aussi avoir un caractère particulier que l’on appréciera découvrir!!
- une intrigue juste assez complexe. D’ailleurs, les tractations secrètes qui semblent unir les Javlödes et les Achérodes ne sont pas sans rappeler celles que l’on retrouve dans les épisodes 1, 2 et 3 de la franchise Star Wars. Peut-être que les connaisseurs vont trouver que c’est du déjà vu, mais comme je suis un amateur non compulsif de S.F., je trouve ce scénario juste assez savamment construit. Il m’oblige à prendre des notes de lecture et à utiliser mes neurones… mais me donne la satisfaction, au bout du compte, de me trouver intelligent de comprendre les grandes lignes du récit! C’est précieux, de se trouver intelligent, vous savez! De plus, le fait de savoir que cette mission sera échelonnée sur deux albums seulement, c’est un gros plus!
Ce qui m’a le plus agacé :
- une erreur de nomination, dès la page 10. Le vaisseau qui amène les nouvelles recrues de l’ODI vers Orbital nous est présenté comme étant le Délionite VII. Puis il devient, deux vignettes plus loin, le DioléniteVII !! L’art de rebaptiser un objet en une fraction de seconde… mais où sont les correcteurs, chez Dupuis?!
- beaucoup de titres hiérarchiques et de noms de personnages à consonances étranges (pour ne pas dire extraterrestres!) en peu de temps (pages 11 à 13). Ce n’est pas évident de s’y retrouver, surtout en tout début de série, comme c’est le cas ici : on ne sait pas si ces personnages tiendront un rôle important dans l’histoire, s’il est indispensable de retenir leur nom ni si le scénariste sera assez habile pour, à chaque fois, nous présenter ces personnages de manière à ce qu’on se rappelle nos premiers contacts avec eux! Donc, petits papiers et prises de notes ont été nécessaires… pour peut-être pas grand-chose, finalement!
- le sigle de l’ODI. Il est très design et original… mais pourquoi est-il formé de ces trois lettres? L’Office Diplomatique Intermondial existe depuis trente siècles, mais les Terriens n’y ont accès que depuis quelques jours : comment se fait-il que ce soit des lettres de notre alphabet latin standard qui servent à désigner un si vieil organisme extraterrestre? Sous son appellation française, en plus!? De tous les alphabets de l’univers, les extraterrestres ont choisi le nôtre, il y a trois mille ans, pour designer un logo? Tout à fait illogique, mon cher Watson!
- la lenteur relative du récit. En effet, avec le recul, quand on survole l’album, on constate qu’il ne s’y passe finalement pas grand-chose!! Évidemment, cela reste excusable puisqu’il s’agit d’un tome d’introduction! D’ailleurs, monsieur Runberg a été très habile pour planter son contexte historique ET mettre en place la première moitié d’une première intrigue en si peu de page. C’est dire combien ces premières planches sont bien utilisées : il réussit même à introduire le tout avec un prélude de sept planches, et à se permettre certaines planches purement d’ambiance ou de transition, comme les planches #10, 20 ou 40!
|