#01 - LES TERRES ARIDES
Scénariste(s) : Mathieu Gaudreault dit Mat ORDOG
Dessinateur(s) : Mathieu Gaudreault dit Mat ORDOG
Éditions : Michel Quintin
Collection : X
Série : Pieds palmés
Année : 2015 Nb. pages : 64
Style(s) narratif(s) : Récit complet (Inspiration comics)
Genre(s) : Héros animalier, Aventure humoristique
Appréciation : 4.5 / 6
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Quand Looping rencontre les Looney tunes!!
Écrit le jeudi 13 août 2015 par PG Luneau
Mat Ordog est un jeune bédéiste qui a contribué à plusieurs reprises au fanzine québécois le Bob. Pour ma part, je l'ai surtout découvert sur le web, en tombant par hasard sur la page Facebook de sa série autoéditée Trapu Raptor et Gorglor O'Saure. On y suit les facéties de deux dinosaures aventuriers qui n'ont pas froid aux yeux et qui valsent, comme James Bond, entre deux pétarades rocambolesques et trois pitounes bien roulées... Malgré son dessin très cartoonesque, cette série à l'humour absurde, parfois grivois, parfois morbide, s'adresse aux grands enfants, pas avant 15 ou 16 ans!! ;^)
Après quelques contacts via les réseaux sociaux (c'est que Mat vient parfois visiter ma Lucarne!! ;^), on a eu la chance de se rencontrer en chair et en os lors du dernier Salon du livre de Québec. Il y était en séance de dédicaces pour une toute autre série, plus grand public, qu'il vient de faire paraître aux éditions Michel Quintin : les Pieds palmés. D'ailleurs, je constate avec horreur que j'ai oublié, à l'époque, de mettre en ligne ma chronique où je vous racontais cette superbe rencontre-coup de cœur, pendant laquelle Mat m'a parlé longuement de sa grande admiration pour Macherot, le père de Chlorophylle et de Sibylline!! Qu'à cela ne tienne : je la mettrai en ligne dans les prochains jours!! Pour le moment, revenons-en au nouvel album de ce très sympathique bonhomme!
Précisons d'abord qu'il met en vedette Quinquin, un canard aviateur. Pour d'obscures raisons (que l'on ignore encore... mais les connaîtra-t-on un jour??), cet aventurier au grand cœur a pris sous son aile (c'est le cas de le dire!! ;^) la destinée de deux canetons nouvellement orphelins de père : Robert-Doki et Marie-Cane. En leur compagnie, il parcourt le pays à la recherche d'une cité verdoyante qui semble un peu mystique, Chloropolis (un clin d'œil à Chlorophylle, l'héroïne-chérie de l'auteur, peut-être? ;^). C'est dans cette ville que vivrait leur maman, si l'on en croit les dernières paroles du père, sur son lit de mort. En chemin, ce trio bien singulier survole une zone aride et peu hospitalière, sur laquelle sévissent de furieux robots géants à la Goldorak, un groupe de rats-motards... et même un carcajou intempestif, Glouton Gulu, vieil ennemi de Quinquin!?
Après un arrêt-ravitaillement auprès d'une petite communauté d'animaux de ferme bien sympathiques, Quinquin décide de délaisser quelques heures sa mission première afin de leur venir en aide. Avec ses deux protégés, il part à la recherche d'explications quant à l'assèchement peu naturel de leur puits et de la rivière avoisinante.
C'est donc sur ces préoccupations écologiques (sécheresse, danger de la sur-mécanisation...) et avec toute une tribu de personnages animaliers que Mat Ordog fait son entrée dans le monde de la BD traditionnelle! Avec son trait directement inspiré des dessins animés de notre enfance (tant les Looney tunes que ceux de chez Disney), il a tous les outils pour parvenir à s'y faire un joli nom!
J'ai en effet beaucoup apprécié ce récit de facture classique, dans lequel les combats sont plus loufoques que douloureux. Les péripéties y sont variées, et m'ont rappelé autant le dessin animé Looping (TaleSpin, en anglais), que les animés japonais de la tempe de Goldorak ou Albator, le cartoon Animal crackers (Bêtes à craquer)... ou le célèbre roman de Bernard Werber : les Fourmis!... Avec des références aussi hétéroclites, Mat a tissé un monde un peu étrange, bien à lui, où le «règne des grands singes imberbes» semble s'être terminé. On sent une certaine richesse dans cet univers touffu, richesse que j'ai bien envie de découvrir plus en profondeur. Reste à monsieur Ordog de nous produire la suite, question d'alimenter notre curiosité!! Pas de pression, Mat, mais on attend!! ;^)
À partir de 8 ans, même si certains détails techniques, dans la trame narrative ou les énoncés explicatifs, sont plus adaptés aux 10 ans et plus... Les plus jeunes n'auront que plus de plaisir à les relire, deux ans plus tard!! ;^D
P.S. Merci à Karine Gottot de m'avoir ajouté à la liste de service de presse des éditions Michel Quintin!! Grâce à elle, je pourrai vous entretenir des nouveautés BD que cette respectable maison s'applique à lancer, au fil des mois!!
Plus grandes forces de cette BD :
- les couleurs, très vives et variées. La couverture en est un bel exemple. À certains moments, je me suis même demandé si ce n'était pas trop!!?
- la dédicace que Mat m'a faite... et l'intéressante discussion qui l'a accompagnée, bien sûr!! ;^) J'y ai appris l'un de ses rêves : dessiner un cross-over, c'est-à-dire un croisement entre les deux grandes séries de Macherot, qui se terminerait par des épousailles entre Chlorophylle, le lérot malicieux, et Sybilline, la maline petite souris!! Brillant!
- le très dynamique dessin animalier de monsieur Ordog. Même si ses rongeurs tiennent incontestablement de ceux de Macherot et ses canards, de Daffy et Donald, Mat réussit à amalgamer tout ça de manière harmonieuse et cohérente. Quoique plutôt classique, son style cartoonesque est d'une expressivité totalement maîtrisée!! Chapeau!
- les personnages des deux gamins. Ce duo frère-sœur, avec leurs gamineries et leurs chicanes constantes, fait très «vrai»!! Je ne sais si Mat a des frères et sœurs, ou des enfants, mais il dépeint leurs relations avec un naturel surprenant!! ;^D Et leur habileté à élider le problème de la carte perdue est, pour moi, l'un des éléments les plus subtils et amusants de tout le récit!! ;^)
- le héros. Cet aventurier sans peur et sans reproche, défenseur de la veuve et des deux orphelins, est sympathique d'emblée, avec ses airs d'Indiana Jones! ;^) J'ai craqué pour lui dès qu'on a pu voir les petites fissures de tendresse dans son armure de dur-à-cuire... et quand il a demandé à suivre des cours de danse!! :^D
- l'originalité des noms des personnages. Avec toute la batterie de canards qui pullulent dans le 9e art, de Daffy Duck à Canardo en passant Donald, Daisy, Picsou, les 3 neveux et toute leur innombrable smala, il n'a pas dû être facile de trouver des noms originaux qui sonnent nouveaux. Pourtant, Mat y est parvenu. J'adore surtout celui de Marie-Cane : j'aimerais presque avoir une élève qui s'appelle ainsi, un jour!! ;^)
- la violence rendue inoffensive. Au départ, quand le combat entre Quinquin et Glouton Gulu débute, j'ai vraiment craint pour la vie du volatile. Mais on se rend vite compte, quand les prises de lutte et de karaté font place à des séances de torture... de chatouillis (!?), qu'on est en présence d'un vrai cartoon! Il n'y aura PAS de sang, j'en suis convaincu... D'ailleurs, plus loin, quand l'avion subit un accident et que Quinquin s'écrase sur un arbre, il s'y étale, comme une crêpe... puis s'en décolle, plat comme une galette! On est dans le registre du cartoon, je vous dis! Bugs Bunny, Vil Coyote et Sylvester n'ont qu'à bien se tenir! ;^) En fait, le seul personnage qui mourra, dans tout l'album, crèvera d'une overdose de ... bonheur!!! :^O (Étonnante, d'ailleurs, cette scène!!)
- l'étrangeté de l'univers. Mat Ordog a composé un monde un peu mystérieux, où les humains semblent avoir disparu... Malgré tout, compte-tenu de certains non-dits, des atmosphères et du départ très atypique de cet album, on sent que ce monde a une logique, une organisation... Elles nous sont inconnues, mais j'ai l'impression que l'auteur en sait plus qu'il ne nous en livre, et qu'il nous réserve quelques surprises pour les albums à venir! Du moins, je l'espère!! (Encore de la pression, Mat!! ;^)
- les jeux de mots. Ordog s'amuse beaucoup, lexicalement parlant, à déformer les mots ou les expressions de manière à y intégrer des éléments animaliers ou canardiens, comme ces insultes : «Rat-caille! Scélé-rat!» ou le nom de ce chanteur : Léocanard Cohen!
- plusieurs nouvelles onomatopées, dont certaines qui sonnent particulièrement bien de chez-nous!! J'ai bien aimé le FRAKAAKLANG! de la p.60, lorsque le barrage flanche, mais encore plus l'aquatique Flouche Keflouche! de la p.26!! ;^D
- l'humour absurde qui vient se pointer le nez à plusieurs reprises! J'ai adoré le coup de la pelure de banane, à la p.50, qui est aussi grotesque qu'improbable! Et que dire du malicieux plan de Quinquin, à la p.42, pour escalader le barrage!! ;^D D'ailleurs, toute l'étrange discussion sur le fait qu'ils peuvent s'envoler quand bon leur semble... sauf en présence d'un danger, est très amusante... de même que toute l'idée de base de la série : un canard aviateur?!? Pourquoi un volatile s'encombrerait-il d'un si gros appareil alors qu'il peut, par lui-même, voler?? La seule réponse valable est : Pourquoi pas!!?... et j'adore ça ainsi!! ;^)
Ce qui m'a le plus agacé :
- la typographie particulière. Mat met toutes ses lettres en majuscule... sauf les E! Ça facilite peut-être l'apposition des divers accents, lorsque nécessaire, mais ce mélange m'a agacé l'œil tout au long de ma lecture. C'eST QUe Ce PeUT êTRE DéRANGeANT!! ;^) La typographie «informatisée» des castors-robots m'a bien plu, cependant!
- l'absence d'arrière-plan lors des scènes d'action. Pour centrer l'attention sur les combats, j'imagine, Mat a décidé de laisser la plupart des fonds de case unicolores, lors des batailles. L'idée est louable, mais reste que ça fait des planches un peu vides, parfois (p.10, 11, 12, 55 & 58). Si on rajoute à cela les scènes se déroulant en plein ciel, quand les protagonistes sont en avion, et où les arrière-plans sont, encore ici, assez dépouillés (il y a des limites au nombre de nuages qu'on peut insérer pour garnir un ciel !! ;^), ça fait, au bout du compte, beaucoup de fonds unis... d'où, possiblement, mon interrogation sur l'abus de couleurs vives... :^S
- deux petites erreurs graphiques. D'abord, à la p.24, la truie qui se fait gifler par un des abjects Ratamors n'a pas le visage qui réagit du bon côté!! Le coup venant de sa gauche, son menton aurait dû, logiquement, aller vers sa droite!! ;^) (Et qu'est-ce que c'est que ces manières?! Frapper une pauvre dame!! ;^) Plus loin, au barrage, la passerelle qui mène à la coupole possède un nombre de barreaux un peu aléatoire : 6 ou 7 barreaux sur les plans généraux (p.41 & dans le haut de la p.52), 5 ou même 4 sur les plans plus serrés (p.45, au centre et en bas)!!! Oups!! ;^)
- l'étrange construction du récit. Tout l'enchaînement des trois premières rencontres (avec le vieux lapin, le carcajou puis les Mécazopodes) me semble un peu stérile. On dirait que ces scènes ne sont là que pour retarder le début de la véritable intrigue, celle de la sécheresse qui affecte plus particulièrement la ferme du Bercail. Toute cette introduction s'étale pourtant sur plus de 14 pages!! C'est elle qui m'a donné, en début de lecture, un sentiment d'éparpillement qui aurait pu, je crois, être évité...
- un passage un peu plus complexe. Mat Ordog fait un beau travail de francisation, à la p.36, quand Marie-Cane reprend Quinquin quant aux vrais noms des outils et des pièces mécaniques dont il a besoin pour réparer son engin. Toutefois, quelques pages plus loin (p.42 et 43), les plus jeunes lecteurs auront sans doute bien de la difficulté avec le texte quand la gamine, afin de contrer les castors-robots, y va de questionnements tout ce qu'il y a de plus philosophico-littéraires. En fait, ces déblatérations métapsychiques risquent de leur être hermétique durant de nombreuses années (les ai-je moi-même comprises??!! ;^)
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