#04- LES TERRES DÉSOLÉES
Scénariste(s) : François DEBOIS
Dessinateur(s) : Stéphane BILEAU
Éditions : Soleil
Collection : Celtic
Série : Quête du Graal
Année : 2011 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre
Genre(s) : Fantastique médiéval
Appréciation : 4.5 / 6
|
Il y a quelque chose de pourri au royaume de Camelot!...
Écrit le jeudi 26 juillet 2012 par PG Luneau
Ce sont des heures bien sombres qui s’égrènent, à Camelot et à Tintagel, tout comme dans tous les royaumes des Bretagnes, de l’Orcanie aux terres de Cornouailles… et même sur le continent!! C’est que le fameux Arthur, ce jeunot qui a pu détacher la célèbre Excalibur de sa gangue de pierre (voir le tome #1), s’avère moins éblouissant que promis!
Oh! Il a peut-être mené de belles batailles pour libérer le château de Carohaise des attaques du bestial Frolle (tome #1), et réuni les plus vaillants chevaliers autour d’une impressionnante table ronde (tome #2)… Mais sa liste de bévues commence à être assez impressionnante! D’abord, il a courtisé – puis engrossé! – l’épouse du roi Lot… qui s’est avérée être sa demi-sœur (tome #1)!!! Puis, il s’est mis en froid avec son protecteur de toujours, Merlin. Pour sa défense, précisons que la maligne Morgane a été très habile pour semer la perfide graine du doute dans l’esprit de ce demi-frère qu’elle déteste tant!! Ensuite, en voulant libérer Keu, son frère de lait qui avait été fait prisonnier, Arthur l’a tout simplement tué!... (tome #3) mais encore ici, à cause d’un démoniaque envoûtement de Morgane! Finalement, pendant cette mission de sauvetage qui s’est si mal terminée, Camelot a été attaquée par les Pictes, alors qu’il l’avait laissée sous la protection de sa nouvelle épouse, la brave Guenièvre, à qui il avait remis Excalibur. Résultat : Guenièvre a été enlevée, et Excalibur est retournée se ficher dans le roc (tome #3)!
Le quatrième tome de cette excellente série se penche plus sérieusement sur les impacts psychologiques de tous ces malheurs sur le moral des Chevaliers de la Table ronde. Arthur est démoli et se laisse aller (la barbe lui va bien, par contre, et le vieillit un peu aux yeux de ses sujets, ce qui n’est pas une mauvaise chose! ;-) ). Léaudagan pleure sa fille perdue et Gauvain, comme l’augure du Roi Pêcheur l’avait annoncé (tome #3), sombre dans l’alcool et les plaisirs charnels...
Trois nouveaux personnages prennent cependant leur essor, dont deux lueurs d’espoir : Perceval, le jeune à l’enfance tragique, et Galaad, alias Lancelot, le fils de Ban de Benoïc qui, élevé chez les fées, apparaît à la Table ronde comme un sauveur… Quant à Mordred, le fruit des amours incestueux d’Arthur et d’Anna, sa demi-sœur, il a, lui aussi, profité des enseignements du monde des créatures surnaturelles (d’où son vieillissement précoce!). Mais il se les est appropriés dans une optique beaucoup plus destructrice que le bon Galaad, manipulé qu’il était lui aussi par les conseils et imprécations de sa maléfique tante Morgane : c’est donc avec une profonde haine pour son père et ses proches que Mordred a évolué. On sent que le destin funeste et tragique de tout ce beau monde est sur le point de se réaliser : tout est en place pour une conclusion fort mouvementée!
En effet, avec Perceval sur les traces du Graal, Mordred fin prêt à tuer son père et Lancelot qui reluque Guenièvre qui reluque Lancelot, j’ai bien l’impression que le tome #5 clora cette série, excellente en tout point! Que ce soit l’intelligence de la narration de François Debois, qui nous permet de bien suivre l’évolution de chacun de ses personnages, ou les superbes illustrations de Stéphane Bileau, tout, absolument tout (même – surtout? – les vibrantes couleurs de Stambecco) contribue à l’excellence de cette série!
Oui, d’accord, il y a beaucoup de monde et beaucoup d’alliances! En ce sens, je vous encourage à faire comme moi et à prendre quelques petites notes de lecture, question de démêler qui est qui : elles vous seront particulièrement utiles si vous laissez passer deux ans entre la lecture de certains tomes (à cause des délais de parution, par exemple! ;-) ) Mais il n’en reste pas moins que la Quête du Graal est une série à recommander chaudement, à tous ceux dont les récits chevaleresques de la Table Ronde titillent minimalement les méninges… ce qui est très courant, à l’en croire la grande popularité de la télésérie Kaamelott, également en BD!!
Plus grandes forces de cette BD :
- le dessin et les couleurs, toujours aussi intéressants. Après quatre tomes, je présume que je n’ai qu’à dire que les traits de monsieur Bileau sont en parfaite continuité avec les tomes précédents? Pour ce qui est des couleurs de Stambecco, elles sont elles-mêmes aussi flamboyantes, dans les mêmes teintes cuivrées. Splendide!
- l’explication surnaturelle du vieillissement accéléré de Galaad et de Mordred. Je trouve très intéressant cette idée de séjour chez les fées. Certaines légendes en parlent, effectivement, mais j’avoue que je n’avais jamais remarqué que sans cette intervention du fantastique, certains écarts d’âges, entre Lancelot et Guenièvre, notamment, auraient pu paraître assez incongrus! Belle trouvaille!
- l’origine du surnom de Galaad, surnom qui deviendra bien plus célèbre que son véritable nom!
- les explications de Perceval, sur l’histoire du Graal et l’éducation «druidique» d’un certain Jésus!?! Autant cet aspect des légendes arthuriennes m’a toujours fait décrocher, dans toutes les versions que j’en ai lues ou vues, autant ici, c’est clairement expliqué, à l’aide d’une courte narration intéressante et éclairante.
- l’enlevante incursion en mer d’Irlande pour sauver Guenièvre. Quelle épopée passionnante, aux exploits dignes des meilleurs films de James Bond! C’est un peu poussé… mais tellement efficace!
- la complexité des relations. On peut dénoter celle entre Mordred et Galaad, qui se sentent une affinité à cause de leur éducation commune dans le monde des fées, mais qui sont d’une moralité diamétralement opposée. Celle de Mordred et de son père, Arthur, alors que l’un peine à se retenir d’assassiner l’autre, pour venger l’affront fait aux époux de sa mère et de sa grand-mère… Puis, la relation naissante entre Guenièvre et Galaad. C’est que le beau jeune homme ressemble beaucoup à son père, Ban de Benoïc, que la douce avait tant désiré, avant de devenir reine! Le tout sans compter les complexes attitudes de Morgane, qui ne cache même plus sa haine farouche à l’égard d’Arthur. Toutes ces relations plutôt tordues sont, ma foi, très habilement exposées. On s’y retrouve très facilement grâce à la qualité de la narration de monsieur Debois.
- l’épreuve du Siège périlleux par Lancelot! J’aime le fait qu’il y côtoie ses dieux (et qu’on les voit!) et qu’il ressorte de cette rencontre les cheveux tout blanchis!
- comme pour le tome #3, une finale qui nous laisse en plan avec nos héros répartis en différentes missions vitales (mais toutes sur le point de mal tourner!) ou dans des états psychologiques troubles! Vivement le prochain tome, que je suppose être le dernier!
Ce qui m’a le plus agacé :
- la trop longue attente entre chaque tome. L’intrigue est suffisamment complexe et le nombre de personnages si élevé qu’une relecture complète est de rigueur, à chaque parution! Il s’agit vraiment d’une série qu’on est mieux de lire en rafale.
- la couverture, qui n’est pas très représentative de l’ensemble de l’album et qui, surtout, ne cadre pas vraiment avec les couvertures précédentes. J’ai beaucoup préféré, et de loin, celles des deux premiers tomes. De même, le titre ne fait référence qu’à cinq planches dans tout l’album!
- Yvain, une pitoune!! Déjà qu’il y a Guenièvre qu’on a attifée d’une armure masculine, là, on a carrément fait subir un changement de sexe radical à un personnage!! Un perso secondaire, peut-être, mais au nom quand même assez connu! J’ai l’impression que les quelques restes de Chrétien de Troyes (vers 1135 – vers 1183), auteur d’Yvain ou le chevalier au lion (vers 1175), doivent se retourner dans leur tombe!! De plus, Lancelot a un look tellement androgyne qu’il m’est arrivé, à la p.21, de le confondre avec cette plantureuse (?!!?) Yvain!!
- la longue absence de Merlin, qui se retrouve prisonnier des sirènes de la p.8 à la p.43!?! Quand un personnage aussi central n’est pas présent, on le ressent bien évidemment!! Surtout que ses conseils et son soutien auraient été précieux à bien des occasions! Ça crée, toutefois, des situations scénaristiquement intéressantes, j’avoue!
- l’attaque finale, celle du royaume de BenoÏc. Quand Lancelot et ses confrères vont reconquérir le château de son père, pour le reprendre des mains de Claudas le Fourbe, tout ne nous est que narré, en deux pages assez verbeuses. Ça alourdit la finale et m’a un peu déçu.
|