#02- LE MARQUIS DE L'OMBRE
Scénariste(s) : Thierry GLORIS, Jean-François Bergeron dit DJIEF
Dessinateur(s) : Jean-François Bergeron dit DJIEF
Éditions : Glénat
Collection : Grafica
Série : Saint-Germain
Année : 2009 Nb. pages : 49
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (2/2)
Genre(s) : Historique, Aventure, Fantastique, Steam-punk
Appréciation : 4.5 / 6
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Nous ne sommes que des pions, mais lui, quel joker!
Écrit le dimanche 27 novembre 2011 par PG Luneau
Quel homme que ce Maximilien Saint-Germain! Devenu agent spécial pour le compte du roi Louis le XVe, il poursuit sa quête afin de découvrir le moyen de guérir le Maréchal de Saxe de l’empoisonnement qui le ronge depuis déjà trop longtemps. Afin de mettre la main sur l’ultime ingrédient nécessaire à l’élaboration de l’antidote, il se doit d’aller à Venise et de s’infiltrer jusque dans la «salle de Neptune», grande pièce du palais du doge où ce dernier conserve tous ses trésors! La mission ne sera pas de tout repos! D’abord, le palais est bien protégé. Puis, le mystérieux borgne rencontré dans le premier tome poursuit encore notre héros… Question de pimenter un peu le tout, un certain Mascarille, genre de Polichinelle de carnaval, se met lui aussi de la partie (avec une armée de sbires bien aguerrie!), et la sublime Olympe, partenaire de Maximilien, dévoilera une nouvelle facette de sa personnalité, au grand déplaisir du bellâtre! Heureusement que le brave Joseph, lui, est toujours là pour le seconder!!
Comme je le disais déjà dans ma critique du premier tome, ce James Bond de l’Époque des Lumières est tout simplement fascinant, et la conclusion de cette aventure est particulièrement enlevante! Tel un membre de l’équipe de Mission : impossible, notre héros n’arrête pas de nous surprendre en faisant usage de déguisements complexes, d’électricité et d’autres technologies très avancées (trop, même, pour cette époque – nous ne sommes qu’au XVIIIe siècle!!), mais aussi de décoctions minérales et de philtres divers aux pouvoirs surnaturels… d’où le caractère fantastique de l’histoire!
Mais ce qui ajoute une bonne dose de mystère, d’étrangeté et d’intérêt à cette série, c’est la présence des Céruléens, ces espèces de jeunes princes et princesses surpuissants (et ultrafardés!) que l’on retrouve régulièrement, dans leur base lunaire, en train de jouer une gigantesque partie de Risk… dont nous sommes les pions!! Dans cet opus, on en apprend un peu plus sur leur environnement : on découvre qu’ils sont entourés de personnages assez particuliers, appelés les Sélénites, qui seraient… leurs gardiens?? Leurs créations?? Leurs armes? Défensives ou offensives??... Bref, tout cela n’est pas encore très clair, mais cette mise en abime des plus inventives fait beaucoup penser à cette autre excellente série : la Nef des fous, de Turf!
Ce tome #2 vient clore de belle façon l’aventure débutée dans le tome #1… mais il est clair que la table est mise de façon à ce que la série puisse se poursuivre! Plein d’éléments restent encore en suspens, comme les intentions exactes des Céruléens et des Sélénites, ainsi que la nature des relations entre Saint-Germain et le Goupil, son mentor, rencontré dans le premier tome mais absent de celui-ci. Malheureusement, j’ai appris de la bouche même de monsieur Bergeron (rencontré lors du dernier ComicCon) que Glénat n’a pas prévu leur demander de suite!! La vente de cet excellent deuxième tome n’a apparemment pas été jugée suffisamment lucrative pour motiver la conception d’une nouvelle aventure de cet amusant Arsène Lupin des Lumières! C’est vraiment dommage : j’aurais bien aimé retrouver ce grimpe en l’air (qui se fait aussi appeler le Babillard) dans de nouvelles frasques, tant galantes que politiques… ou illicites (mais ne sont-ce pas là des pléonasmes?!?!)!
Pour tous les amateurs d’action et de bons mots, dès quatorze ans,
Plus grandes forces de cette BD :
- la complémentarité oppositionnelle des titres des deux albums. Ils illustrent fort élégamment la dualité du personnage : «le Comte des Lumières» (tome #1) et «le Marquis de l’Ombre» dans le même corps!! C’en est poétique!
- le personnage de la nounou, aux pages 4-5 et 32-33!! Sans vouloir vendre de punch, disons que la véritable nature de ce personnage fait froid dans le dos et nous fait voir toute l’ampleur de cette mystérieuse… heu… comment dire? Je crois que le terme «machination» pourrait bien compléter cette phrase!!? Mais l’avenir (si Glénat se montre clément!?) nous éclairera sûrement.
- des dessins plus fermes, plus contrôlés. Déjà dans ce tome, on sent que la main de Bergeron a pris de l’assurance. Ses traits sont mieux liés, plus souples, son crayon semblait mieux glisser sur le papier. Bravo!
- l’allusion à la kryptonite, cette pierre de l’espace qui annihile les superpouvoirs de Superman! En effet, à la page 6, Saint-Germain vérifie la malignité d’une perle à l’aide du test de «Kript-ourriol-onyte». Connaissant déjà l’intérêt du personnage pour tout ce qui est minéraux, on décode rapidement le clin d’œil!
- un texte encore très fort, littéraire à souhait, tout en restant abordable. Comme je le soulevais dans ma critique du tome #1, la grande éloquence de tout ce beau monde est très invitante!
- la beauté des effets de couleurs. Encore une fois je me répète (j’ai tout dit ça dans ma première critique), mais je trouve les effets de luminosité très réussis, surtout les différentes touches de vert fluo, que l’on retrouve tant chez les Céruléens que dans le brouillard de la couverture!! Elles sont fascinantes, presque magiques!
- la présence, de moins en moins discrète, d’une technologie très évoluée. On retrouve d’abord un pantin articulé qui joue aux échecs, aux pages 18 et 19. Puis, on découvre l’inquiétant monde des Sélénites… Je ne vous en dirai pas plus, pour vous laisser la surprise, mais quand on arrive à la confrontation finale, on a un bon aperçu de la force de frappe de ces entités et du danger potentiel qu’elles pourraient représenter! Mais ce qui est le plus surprenant, c’est que malgré l’audace de ce mélange de genres (aventure historique du XVIIIe siècle vs steam-punk)… ça fonctionne!!
- la dernière vignette, inquiétante à souhait en vue d’une suite potentielle!! Elle n’augure vraiment rien de bon! Je nous souhaite fortement que les gens de chez Glénat se ravisent et qu’ils acceptent qu’une telle suite se mette en branle un jour!!
Ce qui m’a le plus agacé :
- les alliances nébuleuses et difficiles à suivre entre les Céruléens. Il est vrai que j’ai une très piètre connaissance de la politique internationale du XVIIIe siècle. La Prusse, les Provinces unies, le Très Saint Empire romain germanique, la Valachie et la Moldavie sont tous des états assez abstraits dans ma tête (merci, d’ailleurs, pour l’éclairante carte géopolitique qui illustre la dernière page : elle m’a bien aidé!). Ainsi, quand les Céruléens se mettent à s’allier, à se jouer dans le dos et à se trahir, je ne suis pas très à l’aise avec les incidences qui en incombent ou les répercussions possibles. De plus, l’identification même de ces personnages théâtraux n’est pas évidente : certains se ressemblent beaucoup trop (je viens tout juste de réaliser, en allant sur le site de la série, que celui que je prenais pour Conrad, marquis de Mars, joueur des Prussiens, était parfois Arsinoé, le Pair de la Lune… ou vice-versa!!) et leurs multiples appellations complexifient encore plus les choses : baron d’Uranus, marquis de Neptune… Finalement, j’étais certain qu’Élizabeth, princesse de Saturne, était la représentante de la Grande-Bretagne, à cause du choix du prénom et de son bouillant caractère!! Mais non!! Elle joue l’Autriche!! Bref, les deux ou trois premières planches de l’album m’ont laissé un peu dubitatif.
- les implants faciaux de Joseph. Dans le premier tome, je croyais qu’il s’agissait d’un visage gravelé par la petite vérole, mais je réalise maintenant que les petits pustules qui apparaissent sur les joues de Joseph, à intervalle régulier et de façon tout à fait symétrique ne peuvent être que de petits implants sous-cutanés… qui, ma foi, sont très en phase avec les tatouages, scarifications et autres mutilations corporelles que l’on voit de plus en plus de nos jours!! Et comme je n’apprécie pas trop ces trucs chez mes concitoyens, je ne les aime pas plus dans un album BD, dussent-ils venir d’une tradition autochtone quelconque!!
- le renvoi en bas de page… laissé en plan!!! En effet, à la page 29, la quatrième vignette comporte un astérisque nous indiquant que l’expression latine casus belli allait nous être expliquée plus bas… mais je cherche encore l’explication (encore heureux que je la connaissais déjà, celle-là!!)!
- la fin temporaire de la série! Allez, Glénat, réveille-toi! Cette série est très prometteuse!! Encourage tes deux poulains à s’y remettre! Tout le potentiel est là pour en faire une série de la trempe de la Nef des fous!!
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