#02 - RÉSISTANCES
Scénariste(s) : Éric CORBEYRAN
Dessinateur(s) : Éric CHABBERT
Éditions : Glénat
Collection : Grafica
Série : Uchronie(s) - New Byzance
Année : 2009 Nb. pages : 54
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (2/10)
Genre(s) : Thriller fantastique, Uchronie
Appréciation : 4.5 / 6
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la Bonne dose d'explications qui s'imposait!
Écrit le dimanche 12 septembre 2010 par PG Luneau
Zack et Emily ont réussi à fuir, grâce à l’appui de Tia, et ont rejoint la zone interdite où se cache un groupe de rebelles qui s’oppose à l’hégémonie sévissant à New Byzance, la bien nommée «Utopie fondamentaliste», imposée par Omar, un très puissant chef musulman. Évidemment, ce groupe est considéré comme «terroriste» par la dictature coranique en place.
Quand ces rebelles capturent nos deux fugitifs, certains ont de forts soupçons quant à leurs liens réels avec Tia, qui est en fait l’une des leurs. Le passé de Zack en tant que «tortionnaire/redresseur de pensée» pour le compte de l’Utopie n’aide en rien ces parias, dont Carmine, une enragée des plus suspicieuses, à leur faire confiance. Zack et Emily devront donc faire leurs preuves. Mais la mission qu’on leur donnera ne finira pas aussi bien qu’elle l’aurait dû!...
De son côté, l’architecte Tom Carver, l’époux d’Emily, poursuit sa route vers la réalisation de son projet grandiose : avec le soutien du très puissant bailleur de fonds Tyrone Brown, il complète la planification de la construction d’Utopia, un vaste complexe à la gloire du grand chef Omar. Une seule pierre achoppe encore : le polymère révolutionnaire qui devait servir à fabriquer tous les édifices n’est pas encore au point, et le vieux Hassan, scientifique emprisonné pour «crime de la pensée et hérésie contre l’Utopie», n’est plus enclin à parfaire ses calculs pour en améliorer la composition chimique. Comment contourner ce problème?
Ce long tome de 54 pages est beaucoup moins trépidant que le premier, car l’action y est beaucoup moins présente. En fait, c’est parce qu’il laisse place à de salutaires explications! Plutôt que de nous laisser dans le mystère et la purée de pois la plus épaisse possible (comme l’ont trop longtemps fait les auteurs de la célèbre série télé Perdus / Lost, par exemple!), Corbeyran a la brillante idée de nous tendre plusieurs clés, de manière à ce qu’on commence à comprendre les éléments majeurs de sa «trilogie de trilogies». Ainsi, par l’entremise du docteur Miller, on a droit à un petit cours d’histoire politique, qui nous éclaircit un peu sur l’origine et le fonctionnement de l’Utopie fondamentaliste. Puis, le bon docteur continue avec des explications sur la nature réelle des rêves des prescients comme Zack. On y apprend avec grand intérêt que ces rêves n’en sont pas, mais qu’ils sont plutôt des visions de ce qui se passe sur d’autres plans d’existence parallèles, où chacun y possède un double de lui-même, mais dans un contexte différent parce que soumis à des décisions antécédentes divergentes. Les bases des uchronies trouvent ainsi leur explication, et les trilogies Uchronie(s) – New York et Uchronie(s) – New Harlem ont leur raison d’être, de même que les ponts qui relient tous ces mondes (et tous les autres, car il y aurait une infinie multitude de mondes parallèles au nôtre!!!)
Si l’on accepte cet état de fait qui jongle avec le fantastique, la série continue à être très cohérente, Corbeyran garde encore le cap. Les qualités graphiques (et ses quelques défauts) sont les mêmes que dans le premier tome de la série, mais le bilan est encore très positif, et je suis bien curieux de lire la conclusion de cette trilogie. Sera-t-elle complète en soi, où devra-t-elle obligatoirement compter sur ses combinaisons avec les deux autres (New Harlem et New York) pour que le récit soit entier? Je le saurai très bientôt… chic chic chic!!
Plus grandes forces de cette BD :
- l’unité de composition des couvertures de la série, avec toujours trois personnages en plan américain. Elle permet de mettre en relief les personnages importants de l’album en question. Ainsi, dans ce tome, on retrouve les trois bonzes du projet Utopia, Tyrone Brown, le chef Omar et l’architecte Carver. Le tome #1 nous présentait Zack, encadré de Tia et (probablement, mais c’est moins évident!) d’Emily.
- des débuts d’explications historiques (sur la montée et le fonctionnement de la philosophie utopiste) et techniques (sur les mondes parallèles, avec les prescients qui peuvent capter des bribes de ces autres réalités). Comme je le disais plus haut, c’est véritablement intéressant que ces explications nous soient fournies dès maintenant. Ça nous permet de nous retrouver, et de faire avancer le récit intelligemment.
- la magnificence des décors, notamment la résidence de Tyrone Brown avec ses jardins considérés comme la huitième merveille du monde! Comme dans le tome #1, l’attention portée aux décors est particulièrement remarquable. Monsieur Chabbert est vraiment un as en splendeurs architecturales!
- retrouver d’autres personnages que j’avais personnellement connus dans le tome #1 de Uchronie(s) – New York. Le dénommé Hassan, par exemple, me disait quelque chose (il me semblait bien que, sous ce nom, se cachait un autre personnage… que je ne vous dévoilerai pas, pour vous garder la surprise!!), ou le docteur Miller. C’était chouette de les retrouver. D’ailleurs, un gros bravo pour la ressemblance de ces personnages récurrents! On semble avoir pris soin de les concevoir avec des physionomies facilement reconnaissables, et les différents dessinateurs parviennent à conserver une certaine unité d’une série à l’autre, pour nous aider à toujours bien les identifier… car rappelons que chacune des trilogies est dessinée par un illustrateur différent!
- les quelques traitrises inattendues que subissent les personnages principaux. Sans vouloir dévoiler trop de punchs, disons que l’une de ces traitrises est l’œuvre d’un des personnages du premier tome que l’on croyait fiable mais qui, pourtant, y va d’un coup de cochon dont on ne l’aurait pas cru capable!!
- on en a long à lire, chaque tome ayant 54 pages au lieu du 48 standard. Ça permet au scénariste de prendre son temps, d’établir clairement, avec justesse, son intrigue et ses revirements, et de nous présenter des personnages à la psychologie fouillée.
Ce qui m’a le plus agacé :
- le vocabulaire très littéraire. Dans les premières pages de cet album, Corbeyran y va d’un excès d’érudition qui détonne un peu avec le reste de la série. J’ai été assez impressionné par «l’oxymore» de la page 3 et le «fustiger» de la page 10!!
- les visages, définitivement. C’est surtout flagrant aux pages 52 et 53, où se déroule une scène toute en émotions, où tout se joue sur les traits des visages… Personnellement, ceux-ci ne me rejoignent pas. Le visage de Carmine, jolie rebelle à demi-défigurée par son mari, n’est pas très convainquant non plus. Ses horribles cicatrices ne m’apparaissent pas réelles.
- une petite crainte sur le fameux polymère révolutionnaire. Ce matériau trop innovateur semble, au dire de Hassan, se «jouer du temps»… Mais que peut bien vouloir dire une telle expression? J’ai un peu peur qu’elle ne soit qu’une entourloupe difficilement crédible pour tenter d’expliquer le «mystère des ruines des édifices pas encore construits». Ou encore, que l’explication soit si tarabiscotée qu’on n’y comprendra rien. La réponse devrait être dans le tome #3.
- l’absence de nouvelles de l’extérieur. Tout au long de notre lecture, on a l’impression que New Byzance est la seule ville au monde. Je comprends que Corbeyran a voulu centrer le récit de ses trois trilogies sur cette ville légendaire qu’est la Grosse Pomme, mais le fait de ne pas avoir d’informations en provenance d’ailleurs enlève de la crédibilité au récit. D’ailleurs, cela entraîne plein de questionnements importants : la zone interdite, dévastée, s’étend-elle sur tout le reste de la planète? New Byzance serait-elle la seule ville à avoir survécu à une catastrophe planétaire? Si non, est-ce que l’hégémonie musulmane s’est développée partout ou est-ce un phénomène spécifique à New Byzance? Bref, beaucoup de mystères pour lesquels j’aimerai avoir des réponses.
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