#01- GRETCHEN
Scénariste(s) : Arthur DE PINS
Dessinateur(s) : Arthur DE PINS
Éditions : Dupuis
Collection : X
Série : Zombillénium
Année : 2009 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre
Genre(s) : Fantastique humoristique
Appréciation : 5 / 6
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Y a des jours (et des morts!) où tout va mal!
Écrit le mardi 02 août 2011 par PG Luneau
Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce n’est pas une bonne journée pour Aurélien Zahner! D’abord, il apprend que sa femme le trompe avec son professeur de taï-chi. Puis, alors qu’il décide d’aller braquer un petit bistrot (pour montrer à la face du monde entier à quel point il est désespéré!), le pistolet qu’il tient en main… se transforme en banane!?!?! Finalement, alors qu’il fuit, complètement déboussolé par ce phénomène inexplicable, il se fait frapper. Mortellement.
Vous croyez que le bel Aurélien est au bout de ses peines? C’est que vous ne savez pas que l’on n’en est seulement qu’à la onzième page de l’album Zombillénium!! En effet, le pauvre bougre sera en plus mordu par un vampire (puis par un loup-garou, puis encore par le vampire, puis encore par le loup-garou…!?!) et embauché de force dans un parc d’attractions à la thématique bien particulière!!
Si cette mise en place vous intrigue et vous attire, indubitablement, c’est que vous êtes mûrs pour venir passer la journée à Zombillénium, le parc à thème le plus morbide de la planète! Fantômes, momies, cyclopes, monstres en tous genres, voici ce que vous trouverez dans ce paradis de la peur à petites doses! Tous les employés, de la personne qui actionne les montagnes russes à celle qui vend la barbe-à-papa, ont l’air attifé comme s’ils allaient à un party d’Halloween au château du comte Vlad, en Transylvanie! Seulement voilà : si les costumes et les effets spéciaux ont l’air si réel… c’est qu’ils le sont!! En effet, ces employés sont réellement des fantômes, des momies, des cyclopes et des monstres en tous genres, aucun costume ni aucun maquillage n’est requis!!
Vous pouvez donc imaginer la surprise du pauvre Aurélien, ramené à la «vie»… enfin, non, puisqu’il est mort, mais… «ravivé» ou «réactivé», dirais-je, par la morsure de Francis Von Bloodt, vampire et directeur de ce parc bien particulier, pour lequel on travaille éternellement puisque même la mort ne peut pas nous priver de ce plaisir!! Tout au long de l’album, Aurélien se familiarisera avec son nouveau milieu de travail. Il fera connaissance avec ses nouveaux collègues (dont la mystérieuse Gretchen du titre!) et découvrira, petit à petit, les pouvoirs qui lui ont été impartis en même temps que sa nouvelle condition. Mais qu’est-il, exactement? Un vampire? Un loup-garou? Un vampire-loup-garou? Ça pourrait sembler logique puisqu’il a reçu les deux types de morsures! Mais Gretchen, jeune sorcière en stage au parc, subodore une situation encore plus complexe… et avec le nez qu’elle a, pas besoin de vous dire que c’est plutôt elle qui a raison!
Quelle étrange surprise que cette nouvelle série! Et c’est publié dans Spirou!??! C’est vrai que ce magazine est moins propret que dans les années 60! On l’a remarqué avec des séries récentes plus «corsées» dans leur ton (comme les Nombrils) ou dans leur thématique (comme les Démons d’Alexia)!
Si j’étais, au départ, un peu sceptique face au style de dessin, entièrement fait à l’ordinateur, j’ai été surpris de constater que c’est plutôt l’absence de lignes, pour délimiter le contour des formes, qui m’a le plus déstabilisé. Un peu comme je l’expliquais dans ma critique du 4e tome de la série Lou, je suis habitué de voir des lignes noires (l’encrage, en fait!) pour circonscrire les différentes parties des éléments qui composent une image. Ici, pas de ligne entre ces zones, simplement un changement de couleurs! Pire que pire : même les vignettes n’ont pas de cadre officiel, non plus que les phylactères!! Tout s’effectue simplement par juxtaposition de couleurs, le phylactère étant automatiquement circonscrit par la blancheur de la bulle sur le fond coloré de la vignette où il se trouve!
Sinon, ce style différent, engendré par une nouvelle technologie appliquée au dessin, n’est pas laid, en soi : il demande simplement à être assimilé, comme tout changement! Je reste donc ouvert au style d’Arthur de Pins, cet artiste que je ne connaissais pas, mais qui fait de plus en plus parler de lui avec Péchés mignons, sa série de gags coquins publiée chez Fluide glacial, et sa Marche des crabes, un album bien coté qu’il a publié chez Noctambule et qui attend sa suite.
Il est clair que tous les jeunes ados, fervents amateurs de Twilight, de Buffy contre les vampires et d’autres sagas du même genre seront ravis de lire cette nouvelle série, plein de potentiel! Je la crois adaptée aux jeunes dès 12 ou 13 ans, après avoir lu les Monster allergy, sur un thème semblable mais plus fantaisiste!
P.S. : Deux petites curiosités relevées sur le site Placard à BD :
D’abord, l’inscription «Don’t bother me, I’m a Salem Witch», apparaissant sur le t-shirt de Gretchen dans le bas de la dixième planche, disparaîtra dans les planches suivantes.
Puis, la route départementale D40, dans le haut de la treizième planche, ne devient plus qu’une nationale N40, douze pages plus loin! Merci, Placard à BD, de nous souligner ces petites perles!!
Plus grandes forces de cette BD :
- la sublime page couverture, qui d’ailleurs a été nommée troisième plus belle couverture de l’année 2010 au concours annuel du site BD’gest! Suis-je le seul à trouver une ressemblance évidente entre ce personnage de Gretchen et la comédienne Michelle Trachtenberg, qui incarnait la sœur de Buffy, la chasseuse de vampires ? C’est aussi une belle idée d’aller à l’encontre des standards de beauté et de présenter une jolie fille… avec un nez en patate qui rend, au final, son visage assez ordinaire. Ça sort des stéréotypes et c’est très bien.
- le contexte d’un parc d’attractions. J’ai toujours trouvé que les cirques ambulants, les foires et les fêtes foraines étaient des milieux de vie intrigants et riches, propices à des scénarii intéressants (j’ai d’ailleurs quelques idées en ce sens qu’il me faudrait bien développer, un de ces quatre!).
- plusieurs personnages attachants. D’abord, le pauvre Aurélien, qui subit tout ce qui lui arrive sans avoir vraiment rien à dire. Il est craquant tout plein : j’adore la planche en gaufrier qui nous le montre faisant sa toilette et retrouvant un semblant d’assurance! Puis la mystérieuse Gretchen, spécialiste dans l’art de s’entourer d’une aura de mystère afin de paraître encore plus intrigante! J’ai bien aimé, aussi, les toujours amusantes «entrées en scène» du manager, Yves Belberthel, un homme invisible! Il faut le faire : «dessiner» un homme invisible et le rendre intéressant!!?
- l’audace d’avoir laissé certains gros mots. C’est étonnant, surtout quand on pense que cette série est prépubliée dans le très réglo magazine Spirou! J’ai adoré la gentille traduction que l’auteur a daigné nous soumettre, puisque les gros mots en question sont en anglais! Par sa totale absence de correspondance avec les mots qu’elle est censée traduire, elle ajoute un gag subtil, sympathique et très amusant.
- le mystère introduit par le dialogue final. Gretchen en cache plus qu’elle n’en montre, c’est évident! Et quelles sont les intentions réelles de Behemoth, le grand propriétaire du parc? Qui est-il et quels sont ses liens avec la jeune sorcière? Beaucoup de beaux mystères… et c’est tant mieux, car nous n’en sommes qu’au premier tome!
Ce qui m’a le plus agacé :
- la fadeur de l’illustration des pages de garde. La grisaille de cette banlieue industrielle est bien trop marquée pour être attirante ou stimulante! Elle ne me donne pas du tout envie de poursuivre ma lecture!
- l’opportunisme du nom de la série… et de sa thématique, d’ailleurs! Bon, les vampires et les zombies ont la cote, grâce à Twilight, à la Confrérie de l’étrange et aux autres Loup-garou du campus qui peuplent l’imaginaire des adolescents. D’accord pour profiter de la manne. Mais pourquoi appeler ça Zombillénium, sinon pour, en plus, profiter de la paronymie avec le succès littéraire de l’heure, Millénium. C’est assez bassement matérialiste!
- les couleurs en général. Le thème génère un côté sombre, c’est bien évident, mais était-il indispensable d’y adjoindre un ciel perpétuellement grisâtre, du bitume gris et des locaux bruns, beiges ou olive délavée? Ce n’est pas parce qu’on a affaire avec des morts qu’il faille que ça manque de vie!
- l’absence d’encrage, de lignes de contour, tant pour les dessins que pour les phylactères ou même les cases! Comme j’ai clairement expliqué cette spécificité de l’album plus haut, je n’en rajoute pas.
- la lenteur relative du récit. On se trouve ici en présence d’un album d’introduction classique, qui présente surtout le contexte et les personnages, mais dans lequel l’action est assez minimale. C’est correct, mais on se souhaite plus de rebondissements dans les prochains tomes.
- l’absence de pagination. Voulez-vous bien me dire ce que ça peut bien apporter de ne pas numéroter les pages d’un bouquin?? Qu’est-ce que ça rajoute à l’œuvre?? RIEN DU TOUT!! Donc, pourquoi ne pas le faire systématiquement?? Pour économiser l’encre d’impression?? C’est absurde!
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