#01- L'APPRENTI SEIGNEUR DES TÉNÈBRES
Scénariste(s) : Cédric Asna dit CED
Dessinateur(s) : Jean-Philippe MORIN
Éditions : Sarbacane
Collection : X
Série : A.S.T.
Année : 2014 Nb. pages : 44
Style(s) narratif(s) : Gags en une ou deux planches, à suivre
Genre(s) : Humour fantaisiste, Fantastique médiéval, Héros animalier, Humour parodique
Appréciation : 4 / 6
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Quand le pathétisme rend sympathique!!
Écrit le mercredi 28 octobre 2015 par PG Luneau
Titres lus : #01 - l'Apprenti Seigneur des Ténèbres
#02 - Encore plus méchant! (2015)
A.S.T., c'est l'acronyme correspondant au titre d'Apprenti Seigneur des Ténèbres... titre que s'est arrogé le nouvel antihéros le plus pathétique du 9e art!! Encore plus vil que ses idoles Saruman et Sauron... mais encore plus malchanceux que ce pauvre Iznogoud (dont il est le parfait descendant!), cet A.S.T. ne souhaite qu'une chose : assujettir la Terre entière!! Pour ce faire, il doit commencer par se trouver un local et des subalternes.
Mais voilà : d'abord, il s'avère qu'il a l'air d'un nabot, et personne ne le prend au sérieux! Puis, le seul local disponible en est un qu'il doit partager avec des clubs de macramé, de tricot et de bricolage!! Ici encore, rien de fameux pour en jeter!! Et en fait d'acolytes, les deux seuls que l'A.S.T. parvient à recruter, ce sont un gobelin maigrichon, ayant le Q.I. d'un petit pois, et un gentil monstre sentimental, aux allures de grosse limace informe, semblable au Jabba le Hutt de la saga Star Wars!! Pathétique, je vous disais? ;^)
Dans une enfilade de gags en une page, on suit l'évolution de ce déplorable trio dans l'atteinte de leur but ultime... Mais il y a loin de la coupe aux lèvres!! Surtout que le kidnapping de la princesse royale semble passer totalement inaperçu, au château (!!??), et que Stéaras, le séculaire Maître du Mal Absolu, choisit ce moment pour refaire surface, se libérant de la prison intemporelle qui le retenait depuis des siècles! Il y aura fort à faire pour tout le monde, et ce ne sera pas en se contentant de faire du baby-sitting ou d'élever un bébé dragon narcoleptique que l'A.S.T. parviendra à régner sur les terres d'Alkyll!
L'intérêt de cette suite de gags se trouve moins dans la qualité de leur humour (ils sont généralement plus amusants que franchement drôles) que dans l'évolution du récit, qui en devient un genre de récit à suivre (au même titre que les gags des Nombrils s'enchaînent maintenant de manière à composer des scénarii évolutifs). On s'attache à ces pauvres types au point d'en venir à leur souhaiter de réussir!! :^O Évidemment, les dessins très graphiques et bigarrés de notre compatriote québécois Jean-Philippe Morin y contribuent grandement : comment ne pas craquer pour ses traits tout simples mais d'une parfaite précision? Juste le masque du héros, masque aux orbites joyeusement expressives, est une fascinante œuvre d'art en soi! Comment ne pas se laisser envelopper par ces couleurs vives, ultracontrastantes?
De plus, Ced, le scénariste, réussit très souvent à nous surprendre par des revirements originaux et improbables, saupoudrant ses gags d'un absurde de bon aloi qui fait très souvent sourire, à défaut de nous faire rire aux éclats. Ce deuxième degré, décalé et souvent pince-sans-rire, saura plaire aux lecteurs plus âgés, alors que les plus jeunes se satisferont sans doute des gags anecdotiques ou circonstanciels toujours très colorés.
Au final, A.S.T. s'avère une série familiale mignonne et gentillette à souhait... Quoi qu'en souhaiterait son héros!! ;^)
Plus grandes forces de cette BD :
- les jolies couvertures, très colorées. Elles sont invitantes et donnent le ton!
- l'amusante illustration de la page de titre du tome #1. On y voit toutes les idoles du héros, de Maléfice à Saruman en passant par Skeletor (des Maîtres de l'univers!! ;^) et Zangdar (le méchant de la parodique série le Donjon de Naheulbeuk!! ;^) Les auteurs se sont manifestement bien amusés! ;^)
- la bouille du personnage principal. Comme je le disais plus haut, le masque de squelette de l'A.S.T. est très design et sophistiqué... Mais en plus, Jean-Philippe a pris sur lui «d'animer» le contour de ses grandes arcades sourcilières comme si ces orbites béantes étaient vivantes. Ça donne donc au personnage des expressions faciales très amusantes MALGRÉ l'omniprésence du masque, qui cherche justement à les cacher pour mieux inspirer la peur! Jean-Philippe déploie ici toute son habileté de graphiste... et le résultat est génial!! ;^) Dans le même ordre d'idée, observez les longs bras de la princesse, avec ses doigts qui traînent par terre : ne sont-ils pas tordant, eux-aussi?! ;^)
- la mémé fonctionnaire, du bureau de l'emploi. C'est un bel exemple de personnage qu'on apprécie avec le temps. Elle ne m'a pas marqué au départ, mais je dois avouer que plus on la revoyait dans de nouveaux gags, plus je l'appréciais. Il est vrai qu'elle personnifie un peu les bons vieux gags de type administratif (genre la Maison des fous, dans les 12 travaux d'Astérix, le summum du genre! ;^).
- l'aspect évolutif de l'enchaînement de gags. Je ne m'attendais pas à ce qu'il y ait une trame aussi développée! Il faut vraiment lire ces gags dans l'ordre, comme une série à suivre, car les personnages et les situations évoluent à chaque page, et des événements survenus à un certain moment peuvent avoir des répercussions sur ce qui va suivre, parfois même à moyen ou long terme! Ça ajoute de l'intérêt à l'ensemble : faute de se taper les cuisses, on veut savoir où cela mènera tout le monde!! ;^)
- de bons flashes pour relancer l'intrigue. L'arrivée de Gonzague et Slurp, les deux (pathétiques! ;^) employés, dynamise les rapports et revampe le récit (Mais quels empotés, ceux-là!! Gonzague pousse même l'imbécilité à utiliser un clou pour cogner sur un marteau en espérant le faire entrer dans le mur!! ;^D )... De même, le vol de l'œuf de dragon déclenche tout un enchaînement de gags, tout comme le début du baby-sitting ou le kidnapping de la princesse. Tous ces passages ravivent l'action en introduisant de nouveaux éléments : les interactions s'en retrouvent d'autant plus chamboulées!
- la sympathique participation de Maeva, la toute jeune fille de Jean-Philippe Morin. Comme je vous l'expliquais ici, cette fillette a commis quelques-uns des tableaux exposés dans certaines vignettes de l'album (comme aux p.17 et 25 du premier tome). Elle n'avait que 5 ou 6 ans, à l'époque!! L'histoire ne dit pas si son père lui a transféré une portion de ses droits d'auteur!! ;^)
- quelques petits procédés amusants. Par exemple, monsieur Morin utilise le principe du jour-contre-jour à quelques reprises (ex. : p.22 du premier tome ou p. 15, 19 et 21 du tome #2). Avec leurs silhouettes sombres sur fond neutre, ces vignettes font contraste (c'est le cas de le dire!!) avec leurs voisines, très colorées! C'est du plus bel effet!
- le mystère entretenu quant au vrai visage d'A.S.T. Bien sûr, le masque du héros vise à garder son anonymat et à inspirer la peur... Mais le fait qu'on ne voit jamais le visage qui se cache derrière est-il une indication que l'A.S.T. a quelque chose à cacher?? On pourrait spéculer sur une laideur excessive, une difformité, une identité connue, etc. (comme ce fut le cas pour John John, le célèbre motard de la série des Nombrils). Le gag de la p.25 du premier tome nous confirme, brillamment, qu'il y a quelque chose d'anormal... tout en restant le moins éloquent possible! Qu'est-ce qu'on aimerait le voir, ce visage!! ;^)
- les finales des deux albums. Dans le premier, en fait, c'est plus une accroche pour le tome #2 qu'un gag en soi. Elle est étalée sur deux planches, et son punch n'a rien d'humoristique : il introduit un élément de suspense majeur, qui vise à nous faire languir de lire la suite! D'autres planches du tome #2 semblent aussi remplir cette fonction (p.27 et 33 par exemple) : elles sont plus génératrices de suspense qu'amusantes en soi! La finale du tome #2, pour sa part, est étonnante en ce sens qu'elle pourrait annoncer une finale de série!!?? En fait, tout pourrait théoriquement s'arrêter ici et ce serait cohérent : on est indéniablement en présence de la fin d'un cycle! J'ai très hâte de recroiser Jean-Philippe pour officialiser si la série se poursuit ou non!!? :^0
- l'illustration des pages de garde du tome #2 : le coup de la dinette avec la princesse!! En une seule illustration, on a instantanément le topo de cette série!! On comprend en un clin d'œil l'ampleur de la «terreur» que dégage notre pauvre antihéros!! ;^D
- les premiers gags du tome #2. Ils sont en somme un retour en arrière de 200 ans qui vient mettre toute la série en contexte, et qui fait un clin d'œil au tout premier gag du premier tome, qui racontait brièvement, lui aussi, cet épisode : la fin de Stéaras. C'est un excellent préambule pour ensuite reprendre, dès la p.9, à la seconde même où le premier tome nous avait laissés!
- la jolie typographie gothique, quand l'épée enchantée ancestrale s'exprime. Cette distinction nous permet de savoir immédiatement quand cette arme magique prend la parole, avant même de voir l'appendice... Un seul bémol : l'absence du code à la p.40! Je sais bien que ça aurait vendu le punch, ce qui aurait été dommage, mais reste que quand un code est établi, on peut difficilement en déroger sans explication aucune, il me semble... Même un tout petit semblant d'explication aurait été apprécié... sinon, c'est la cohérence qui en souffre! D'ailleurs, le gag n'aurait-il pas fonctionné tout autant si l'épée était restée silencieuse??! :^(
- certains bons flashes, bien évidemment! J'ai bien aimé la réaction de nymphette d'A.S.T. lorsqu'il se retrouve en présence de son idole pour la première fois (tome #2, p.11), et quand tout son groupe déplace son Q.G. dans les appartements de la princesse, au château royal (juste à côté de la maison de poupées!! ;^) Le personnage de Pernilla (tome #2, p.25), la brillante fillette de Gonzague, est vraiment très drôle, mais mon plus grand coup de cœur va à la charmante épée magique qui n'arrête pas de dire qu'elle est enchantée à chaque fois que quelqu'un se présente à elle!! ;^D Le coup des vampires ménagers est pas mal, lui aussi! ;^)
- le personnage de Slurp. C'est, de loin, le protagoniste le plus attachant du trio! Sa bonhomie et sa gentillesse attirent tout de suite nos faveurs. J'aime beaucoup son sourire, si large qu'il dépasse souvent de chaque côté de son visage! De plus, la narration de sa triste enfance (tome #2, p.22) apporte une petite touche émouvante à la série. Il est vraiment intéressant! ;^)
- la récurrence de certains gags. J'ai bien aimé celui de la p.24 du tome #2, car il faisait écho à celui de la p.29 du premier tome! De même, je n'ai pas vraiment accroché aux gags de la chaise et du guéridon géants (p.23 et 28 du tome #2)... mais j'ai apprécié le fait qu'ils servaient, au bout du compte, à introduire celui de la p.36, qui joue un rôle essentiel dans la conclusion du récit!! ;^)
Ce qui m'a le plus agacé :
- le degré d'humour. Comme je l'ai déjà dit plus haut, au final, j'ai bien peu ri. À peine ai-je souri à quelques reprises. Par contre, je n'ai trouvé aucun gag déplacé, inutile ou incompréhensible, comme c'est parfois le cas dans ce genre de recueils. Et, comme je le disais aussi, on se prend très rapidement d'affection pour ces joyeux imbéciles et leur projet ridicule : ça compense pour l'absence d'éclats de rire! :^S
- le nombre de pages!! Non seulement l'album s'arrête à la p.44 (au lieu de la traditionnelle p.48), mais la numérotation débute à 7, plutôt qu'à 3, comme normalement!! C'est la première fois que je vois un livre cartonné qui compte la couverture et les pages de garde dans sa pagination!! Ça fait donc un total de 38 planches au lieu de 46 : 8 planches de moins par album, ça veut dire 17% de moins! Ça commence à paraître! Rationalisons en douce, disaient-ils!!?? >:^O
- certains gros plans. À quelques reprises, quand on voit les visages des personnages de plus près, les traits sont étrangement graveleux... Je n'irais pas jusqu'à dire pixélisés, mais presque. C'est comme si monsieur Morin avait dessiné ces vignettes normalement, en plan plus éloigné, pour ensuite les grossir et en resserrer le cadre (je songe aux cases 4 et 6 de la p.14 du tome #2, par exemple). Sans être expert en la matière (loin de là!!), il me semble qu'un retraçage avec un trait plus uniforme aurait donné un meilleur fini. :^S
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