#01- LES AUTRES
Scénariste(s) : Iris Boudreau IRIS
Dessinateur(s) : Iris Boudreau IRIS
Éditions : Bayard Canada
Collection : X
Série : Autres
Année : 2014 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Gags en quelques planches (inspiration comics)
Genre(s) : Humour, Quotidien
Appréciation : 5 / 6
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Enfin, la parole à (jeune) Monsieur et à (jeune) Madame Tout-le-Monde!
Écrit le jeudi 19 juillet 2018 par PG Luneau
Aah!! L'adolescence! Les «belles» années du secondaire...Belles pour ceux qu'elles avantagent, c'est-à-dire à peu près personne!!
Vous vous souvenez des différents groupes qui constituaient la population estudiantine? Les hot (constitués des futurs mannequins, des sportifs aux dents blanches et des gosses de riches), les bad ass (qui se retrouvaient souvent dans le pétrin à force de contester l'autorité, incluant punks, gothiques ou futurs bikers...), les engagés (moins nombreux, mais toujours impliqués dans trente-six milles comités, futurs étudiants de science po), les zartistes (qui se retrouveront en arts plastiques ou en théâtre au cégep du Vieux), les geeks (ou, anciennement, les nerds, toujours bafoués mais bientôt inscrits au MIT)... Tous ces jeunes, on les a côtoyés, on en a fréquentés... Peut-être même en faisiez-vous partie!?! Le cinéma nous a raconté leurs déboires en long et en large, la télé nous en redonne une bonne couche à chaque semaine, via les chaînes spécialisées pour ados... Mais qu'en est-il des autres??
En effet, si on écarte tous ceux que je viens de lister, il reste encore presque la moitié de la faune étudiante!!? Comment passent-ils leurs journées, eux? À quoi rêvent-ils? Que ressentent-ils? Comment appréhendent-ils la vie? C'est à eux que la charmante bédéiste québécoise Iris a choisi de s'attarder dans cette série de gags en quelques pages, qui ont presque tous paru dans le magazine pour ado Curium, le grand frère du très célèbre magazine scientifique les Débrouillards.
Dans son style plutôt simple (un peu inspiré des mondialement célèbres Simpson, de Matt Groening), Iris affuble ses protagonistes (que je peine à appeler «héros» tant ils n'ont rien d'exceptionnels!) de faciès relativement ingrat... ce qui cadre parfaitement avec le propos! Qui donc parvient à traverser l'adolescence sans y laisser quelques plumes, côté physique? Appareils orthodontiques, acné prépondérante, membres disproportionnés, poils faciaux naissants, tests pas toujours concluants sur le plan vestimentaire ou pour ce qui est de la coiffure... Si quelques rares individus parviennent à rester physiquement attrayants pendant leurs années au secondaire... c'est qu'ils font partie de la minorité des hots, et n'ont rien à voir avec les Autres!! ;^D
Au fil des gags, on fait la connaissance d'un quatuor d'ados, ordinaires de chez ordinaire : Jérémy, le grand boutonneux, Jacques-Olivier, le petit intello à fonds de bouteilles, Frank, l'Asiatique dont les parents tiennent un dépanneur et Charlie, l'unique fille, aux broches proéminentes. On les surprend dans leur quotidien, on s'intéresse à leurs aspirations, on s'indigne de l'intimidation qu'ils subissent, on s'amuse de leurs expérimentations diverses, parfois même amoureuses ou sexuelles... mais très souvent maladroites! ;^)
Iris vise vraiment très juste avec cette petite bande de messieurs et madame Tout-le-monde! C'est à croire qu'elle baigne encore dans cet âge ingrat! «Non, non, c'est vraiment loin de moi, tout ça, maintenant... mais j'ai le privilège de pouvoir interroger la fille de mon chum, qui est en plein là-dedans! Je la consulte souvent, quand je veux savoir si telle idée ou telle expression est encore à la mode!» m'a-t-elle révélé, lorsque je l'ai rencontrée pour une dédicace, lors du dernier Festival de BD de Montréal, au parc La Fontaine! Voilà donc le secret d'un tel à-propos! ;^)
Et vous savez le plus chouette? C'est que l'auteure en personne m'a annoncé que le tome #2 de cette super-série pour les 13 ans et plus sortira dès cet automne : elle est pas belle, la vie?! ;^)
Ce qui m'a le plus agacé :
- le dessin (qui a étonnamment progressé entre le premier gag et les suivants)! Iris a un style très personnel, assez éloigné de la ligne claire proprette que j'affectionne. Ses dessins sont non seulement simplifiés, allant à l'essentiel, mais on dirait qu'ils visent à fuir le culte de la beauté qui fait office de norme, de nos jours, qu'ils prônent l'éloge de la «non-beauté»!? Il s'en dégage donc une certaine laideur tranquille, un petit côté trash, qui me déstabilise et me fascine plus qu'il ne me réjouit! :^0 ... Mais qui cadre parfaitement avec le propos, je tiens à le souligner!
- la calligraphie du texte. De manière générale, elle manque de régularité. Ça fait un peu brouillon (surtout pour moi qui apprécie la ligne claire... je vous en ai parlé, dèjà?? ;^)
Plus grandes forces de cette BD :
- le slogan de la 4e de couverture. «Il y a les populaires, les sportifs, les rebelles et... les AUTRES!» Tout de suite, ça donne le ton et situe parfaitement bien les personnages! J'adore!
- la genèse de l'amitié des protagonistes! L'album commence en nous racontant la première journée de nos 4 lascars en secondaire 1. Si on rajoute à cela les quelques épisodes où on les retrouve enfants (les Mini-Autres! ;^), on finit par avoir un bon portrait de qui a connu qui quand! Ça nous permet de mieux comprendre leurs interrelations... et ça nous les rend encore plus réels! ;^)
- l'usage des italiques, pour retranscrire les dialogues en vietnamien (en chinois? en coréen??), quand Frank et son père se parlent. Simple mais très clair et efficace!
- le langage TRÈS oral. Ça se passe au Québec, et les gens parlent littéralement comme on se parle entre nous! On est loin du fameux «français international»! «Môman a va t'faire des beaux œufs pis du bacon!», «Veux-tu que j't'arrange ça pour que ça seille pareil de l'autre bord?» ou «All right eu'l gros! Deux d'une shot!», on ne lirait pas ça dans un Tintin ou un Boule et Bill, laissez-moi vous le dire!! ;^D
- l'adolescence, rendue à la perfection. J'en ai abondamment parlé plus haut... Tout ce que je pourrais rajouter, c'est que, malgré le passage des années et les fulgurantes avancées technologiques qui se sont produites entre temps, j'ai eu l'impression de me retrouver, moi-même, au secondaire, et plein de souvenirs me sont remonté en mémoire, un peu comme lorsque je lisais Glorieux printemps. C'est, à mon sens, la meilleure preuve de réussite qui soit! Bravo et merci, Iris!
- des personnages attachants, qui montrent une belle vision de l'amitié. Malgré leur banalité, leur ordinairitude ou même, parfois, leur pathétisme, ces quatre jeunes s'entraident et s'apprécient. À de nombreuses reprises, ils n'hésitent pas à prendre des risques ou à sacrifier leur confort ou leur image pour aider l'un des leurs. Juste ça, ça les rend beaux, et pas du tout loosers! Encore ici, j'ai envie de dire : Merci, Iris, pour ces beaux portraits d'ados touchants!
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