#01- LES MUTANTS DE LA LUNE ROUGE
Scénariste(s) : Frédéric ANTOINE
Dessinateur(s) : Yves RODIER
Éditions : le Lombard
Collection : X
Série : El Spectro
Année : 2011 Nb. pages : 56
Style(s) narratif(s) : Récit complet
Genre(s) : Superhéros / Justicier masqué, Thriller fantastique, Hommage, S.F.
Appréciation : 4 / 6
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Et si James Bond avait fait de la Lucha libre?!!
Écrit le lundi 13 janvier 2014 par PG Luneau
Titres lus : #01 – les Mutants de la Lune rouge (2011, 4/6)
#02 – Trans-Amazonie (2012, 5/6)
Vous aimez les tout premiers James Bond, avec le jeune Sean Connery? Vous êtes amateur de vieilles séries d’aventure des années 60, comme les Agents très spéciaux ou les Champions (qu’est-ce que je trippais, sur ces Champions!! ;^)… L’époque dépeinte dans les récents films d’OSS-117 vous a charmé? Peut-être même êtes-vous fan (il paraît qu’il y en a!) de vieux films d’horreur de série B (ou Z!!) qui, à l’époque, exposaient sans honte leur noir et blanc et leurs effets spéciaux boboches?! Dans tous ces cas, la série El Spectro, de Frédéric Antoine et Yves Rodier, est pour vous!
On y suit les palpitantes aventures d’un catcheur de Lucha Libre, vous savez, cette sorte de lutte mexicaine où tous les participants portent une cagoule colorée, comme pour carnaval!? El Spectro, surnommé le Fantôme écarlate, est donc un cagoulé bien baraqué qui parcourt le monde au gré de l’aventure… mais son sens de la justice l’entraîne toujours dans des histoires complexes au cours desquelles il vient en aide aux veuves et aux orphelins… mais surtout aux jolies jeunes femmes bien en courbes et en détresse!! ;^) Le tout dans un chouette enrobage tout ce qu’il y a de plus fifties (tant dans le ton que dans les décors)… et parfois saupoudré de touches plus ou moins discrètes de fantastique ou d’horreur… question de bien couvrir toutes les passions de son dessinateur, Yves Rodier!! ;^) En effet, pour connaître un peu l’intérêt d’Yves pour les années 50 et 60, il est clair qu’il se paie ici, en compagnie de son pote Frédéric, toute une traite!! ;^)
Dans le premier tome, Spectro part en vacances en Espagne en compagnie d’une championne d’échecs russe (pas piquée des vers!) qu’il a précédemment sauvée d’un crash dans les Andes et d’une attaque de Yéti (pfiouf!)… Malheureusement pour lui, la belle soviétique tombera dans le giron d’un savant fou qui voudra l’entraîner dans sa secte! Dans le second, notre lutteur se mettra à la course automobile et sera invité à inaugurer la nouvelle course Trans-Amazonie, organisée par le dictateur d’un petit pays corrompu d’Amérique du Sud. En compagnie d’une belle équipe de pilotes, il devra affronter l’enfer vert qu’est la jungle amazonienne… ainsi qu’un rival revenu d’entre les morts!!?
Comme vous êtes à même de le constater, Rodier profite de cette nouvelle série pour poursuivre, comme il le faisait dans sa série précédente (Simon Nian), ses hommages à certains grands du neuvième art, comme Tillieux et Gratton.
Au final, on se retrouve avec des aventures enlevantes, pour ne pas dire essoufflantes, dans un style graphique tout ce qu’il y a de plus classique, comme seul Rodier peut nous donner (on se rappellera que c’est lui qui a dessiné, dans son entièreté, l’album inachevé Tintin et l’Alph-art, dans le plus pur style hergéen, question de se faire une carte de visite chez les éditeurs européens, il y a plus de vingt ans!). Bref, une série d’aventures qui plaira autant à papa qu’à fiston… et peut-être même à la gent féminine! Personnellement, j’accroche moins aux passages plus horrifiques… mais il s’agit là d’une question de goût. Et ça ne m’empêchera pas de sauter sur le troisième tome, déjà bien avancé (et les suivants, espérons-le : les auteurs m’ont déjà avoué avoir plus d’une douzaine de scénarii bien en tête!!) avec beaucoup d’intérêt! La plume d’Antoine et les crayons de Rodier en valent bien la peine!
Plus grandes forces de cette BD :
- tout l’enrobage graphique! Les illustrations des pages de garde et celle des pages de titre sont très stylées : on y reconnaît indéniablement les influences des vieilles téléséries de la fin des années 50 ou du début des années 60 : Man from U.N.C.L.E., Au cœur du temps et tutti quanti… ;^)
- l’épisode avec l’Ukumar, cette espèce de yéti des Andes. D’abord, parce que cette scène, en prologue, nous campe le héros dans toute sa splendeur! Puis, parce qu’on peut difficilement ne pas faire de parallèles avec deux scènes marquantes de Tintin dans les neiges éternelles (celle au Tibet, avec le Yéti, et celle dans les Andes, justement, dans le Temple du Soleil). Finalement, simplement pour l’esthétisme de la bête, toute belle avec ses longs poils qui flottent dans la tempête!! ;^)
- le rythme. Quelle débandade!! Ça n’arrête pas deux secondes! Combats, poursuites, explosions, sauts dans le vide, fuites… et même trahison!! De l’aventure à l’état pur!! Chapeau aux concepteurs!!
- tous les hommages rendus en douce! En plus de toutes les vieilles séries-télé mentionnées plus haut, il est clair que les auteurs ont voulu commémorer le travail de plusieurs bédéistes d’antan. Hergé, bien sûr, avec la scène alpine du premier tome, mais aussi avec les soldats de la junte militaire du tome #2, qui ont tous l’air de Picarros! Puis celui de Jean Gratton avec un épisode complet de course automobile, où l’on voit même Michel Vaillant en personne (!!?)… On retrouve aussi Bob de Moor, en chair et en os, mais dans le rôle de Salvatore, le mécanicien d’El Spectro… Si on rajoute à cela le graphisme digne de l’Âge d’Or de Marcinelle et une aventure enlevante avec une secte rouge dans un monastère, comment ne pas faire le parallèle avec l’album de Gil Jourdan : les Moines rouges, de Maurice Tillieux?!
- la longueur des tomes. Les récits de 56 pages ne sont vraiment plus très fréquents, dans notre monde d’uniformité! Merci de nous en donner pour notre argent! ;^)
- des ennemis de qualité. Le savant fou du tome #1 et l’inquiétant Crâne noir du #2 sont des rivaux qu’il nous fait plaisir d’haïr, de l’ordre de ceux qui marquent les lecteurs! D’autant plus que la fin ouverte du premier récit nous laisse en place un méchant et son assistante bientôt prêts pour une revanche!! Je sens que les auteurs nous les garde de côté pour un éventuel retour, ces deux-là!
- l’introduction du tome #2, dans un genre de petit journal illustré, un pulp au style vieillot. C’est très réussi!
- les couleurs franches et vives. Plus apparentes dans le tome #2 (car tout se passe majoritairement de nuit ou dans des grottes, dans le premier!), elles nous montrent une autre facette du talent d’Yves Rodier.
- le très joli langage de la tribu amazonienne, à la fin du tome #2. Ces petits symboles originaux sont si mignons qu’ils nous donnent presque envie d’apprendre cette nouvelle langue aux «sonorités» écologiques! ;^)
Ce qui m’a le plus agacé :
- la couverture du tome #1. Yves lui-même m’a avoué qu’il ne la trouve pas satisfaisante! J’imagine que l’idée était de faire une couverture qui rappelle un peu les pulps underground des années 50… Mais : primo, elle est trop sombre, et secundo, elle ne donne pas un bon aperçu de la beauté du graphisme qu’elle protège. Résultat : on n’a pas vraiment envie d’ouvrir l’album, et on risque de ne pas réaliser à quel point les dessins de Rodier sont éclatants!
- des premières pages relativement verbeuses. Par exemple, les phylactères des pages 10 et 12 du premier tome sont très chargés, de même que ceux des p.6, 10 et 12 du second récit… ainsi que ceux des explications finales des deux tomes… Qui disait que la BD, ce n’était pas de la littérature car il n’y avait que des images, déjà?!? ;^)
- le héros masqué! Même si l’idée d’un lutteur mexicain est amusante, je n’ai absolument aucun intérêt pour l’univers de la Lucha libre, avec ses concurrents aux masques saugrenus!! En fait, ce qui me dérange, c’est le fait que le personnage garde son masque dans le civil, 24 heures par jour ; je trouve ça grotesque! Mais que je me le tienne pour dit : ET le scénariste, ET le dessinateur m’ont assuré que JAMAIS on ne verrait El Spectro sans son masque!! ;^(
- les mutants-mouches (désolé pour le spoiler) !! Vous le savez, j’aime bien les mondes irréels, avec dragons, magie ou autres fantasmes créatifs… J’aime aussi quand les récits réalistes sont agrémentés d’une petite touche de fantastique, comme la présence d’un Yéti… ou même d’un Ukumar! ;^) Mais là, les hommes à tête de mouche qui peuvent marcher au plafond et voler, je trouve ça un peu too much à mon goût. Oui, ça fait film d’horreur de série B des années 50… mais je n’ai jamais aimé ces films, non plus!! Il me semble qu’on aurait pu les remplacer par des ninjas et que ça aurait été tout aussi efficace… avec beaucoup plus de réalisme!
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