PEANUTS
Scénariste(s) : Charles Monroe SCHULZ
Dessinateur(s) : Charles Monroe SCHULZ
Éditions : Payot & Rivages
Collection : Rivages poche / Petite bibliothèque
Série : Peanuts
Année : 1950 Nb. pages : 236
Style(s) narratif(s) : Strips & Demi-planches
Genre(s) : Humour songé, Héros animalier
Appréciation : 4.5 / 6
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Pas d'allergie aux Peanuts!
Écrit le samedi 02 octobre 2010 par PG Luneau
Avez-vous déjà essayé de trouver quelqu’un qui n’a jamais lu un Peanuts? C’est impossible!! Tout le monde a déjà lu, à un moment ou à un autre de sa vie, quelques uns des célèbres strips racontant les histoires (souvent un brin philosophiques) de Charlie Brown et de son entourage : Snoopy (son chien), Sally (sa sœur), Lucy (sa… psy, entre autres!) et tous les autres gamins de son quartier. Chacun a, au moins une fois, mis la main sur un journal ou un magazine qui publiait, souvent en noir et blanc, ces quatre petites cases de bonheur ou de réflexions jouissives… Et, du coup, tout le monde a l’impression de les connaître!
C’était du moins mon cas. C’est pourquoi j’ai été agréablement surpris en lisant ce petit livre de poche tout en noir et blanc. J’y ai appris plein de choses!!! D’abord, il faut préciser qu’il survole toute la carrière des célèbres Peanuts, de leurs débuts, en 1950, jusqu’à l’émouvant strip d’adieu de Schulz, l’auteur, en février 2000! Puis, c’est comme si je redécouvrais Charlie Brown et sa bande de copains pour la première fois! Il y avait si longtemps que je n’en avais pas lu! D’ailleurs, Snoopy et compagnie sont du genre à nous en apprendre à tout âge : il est bon de les relire à divers stades de notre vie pour en redécouvrir certains aspects auxquels notre jeunesse ne nous permettait pas d’accéder!
Si le graphisme simple et rondouillet de Schulz s’est raffiné au fil des ans (peut-il en être autrement quand on dessine les mêmes personnages quotidiennement pendant cinquante ans?!), il a toujours été agréable à l’œil. Dès les débuts, Charlie, Lucy, Snoopy et compagnie étaient charmants, malgré les maladresses apparentes. Les arrière-plans étaient d’ailleurs beaucoup plus détaillés, dans les années 50, pour devenir très minimalistes par la suite.
Mais pour ce qui est des scénarii, j’ai toujours été un peu mitigé. C’est qu’il y a quand même plusieurs gags qui me laissent perplexes! Il est clair que Schulz a un fort penchant pour l’absurde, le sarcasme, la froide ironie et le non-sens. Il n’est pas donné à tout le monde d’apprécier ces genres d’humour, et encore moins aux jeunes (avis à ceux qui se fient à la simplicité des dessins pour croire que cette série s’adresse aux petits, ce qui est loin d’être le cas!). Si j’ai plein de thèmes récurrents qui m’enchantent, j’en ai quand même plusieurs qui me laissent froid ou qui m’ennuient. C’est le cas de toute la série des «arbres mangeurs de cerfs-volants», par exemple, de celle où Snoopy se prend pour un aviateur ou des strips avec l’oncle de Snoopy, habitant dans le désert. Ces contextes ne me rejoignent pas, je présume… Ce qui n’empêche pas que j’ai quand même plus de coups de cœur. Voyez plutôt :
Je trouve les incontournables défaites de baseball super hilarantes, et je suis littéralement sous le charme amusant du ballon de foot que Lucy ne cesse d’enlever juste au moment où le pied de Chuck vient pour le botter. J'adore les angoisses de Linus face à la Grande Citrouille Vengeresse et la romance éternelle entre Peppermint Patty et Chuck!
Puis, de par mes expériences antérieures de louveteau et de moniteur de camp de vacances, je suis particulièrement touché par les expéditions scoutes de Snoopy et ses oiseaux, et par les escapades au camp des divers enfants de la bande. Bien sûr, déformation professionnelle oblige, mes préférences vont aussi tout particulièrement pour toutes les scènes se passant à l’école, avec cette pauvre enseignante que l’on ne voit jamais!
Au final, il semblerait que mes préférences dépassent largement mes réserves… De plus, je dois avouer que, depuis que j’ai lu ce petit bouquin qui n’a l’air de rien, j’ai bien envie de m’attaquer à la superbe intégrale chronologique que les éditions Fantagraphics (et traduite par Dargaud) ont commencée, en format à l’italienne, il y a quelques années, à raison de deux années de publication par volume. N’est-ce pas signe que cette lecture-ci m’a bien allumé?
Plus grandes forces de cette BD :
- la mini-biographie de quinze pages sur l’auteur. J’en ai appris tout plein! Saviez-vous que le nom de Peanuts a été imposé à Schulz par son syndicat? Lui les avait originellement appelés les Li’l Folks (Petit peuple) !! Et toute sa vie, il a détesté ce nom imposé, le considérant comme une insulte à son œuvre! Vous rappeliez-vous qu’une comédie musicale sur Charlie Brown a été écrite dans les années 60? Que Schulz a été nommé bédéiste de l’année, en 1978, au Pavillon international de l’Humour de Montréal?! Que le Camp Snoopy, un petit parc d’attraction thématique, a été inauguré en 1983 en Californie? Saviez-vous, finalement, que le grand homme est décédé le 13 février 2000, quelques heures avant que ne soit publié le strip dans lequel il annonce qu’il se retire et que les Peanuts s’éteindront avec lui, sans qu’un autre illustrateur ne prenne sa relève? Émouvant, non?
- l’évolution flagrante du dessin au cours de la première décennie. Comme ce bouquin survole toute la production, on a la chance de lire près d’une cinquantaine de strips des années 50, puis une cinquantaine d’autres des années 60… et ainsi de suite jusqu'aux années 90. L’évolution graphique des années 50 est fascinante : on voit les changements au fil des pages, avec les têtes qui s’arrondissent de plus en plus et les décors qui fondent au soleil!! Puis, de 1960 à 2000, c’est avec une rigueur implacable que Schulz a gardé les mêmes tracés, reconnaissables entre mille!
- certains gags récurrents, ou certains gags qui s’échelonnent sur plusieurs strips consécutifs. Comme j’en ai fait la liste plus haut, je ne vais pas la réitérer ici. Mais ce que je trouve intéressant, c’est que je réalise de plus en plus que les strips que je préfère sont ceux sur lesquelles s’échelonne une histoire ou une narration plus longue. J’aime donc quand un auteur exploite un filon pendant plusieurs jours : on a plus l’impression d’entrer dans l’univers de la série.
- la découverte d’un nouveau personnage que je ne connaissais pas du tout (Rerun, pour ne pas le nommé), et du nom de certains personnages moins connus (Violet, Franklin ou Harriet, une copine de Woodstock…). Je ne savais pas que la jeune Violet était si présente dans les années 50 (dommage qu’on l’ait moins vue, par la suite!). Et j’ai appris que le père de Chuck était coiffeur!
- le mot d’adieu final. C’est très émouvant d’assister au départ d’un si grand homme, qui a su tirer sa révérence de manière très digne et courageuse… Ce l’est encore plus quand on sait que son cancer du colon l’a emporté quelques heures seulement avant la publication de ce strip, qui était dessiné depuis quelques jours… De là à penser que son œuvre était sa raison de vivre, il n’y a qu’un pas!!
Ce qui m’a le plus agacé :
- le format trop petit. Édité en format de poche, ce recueil-hommage a obligé les éditeurs à réduire le format de certains strips, surtout celui des quelques demi-planches dominicales qui garnissent chaque décennie. Le texte en devenait donc souvent difficile à lire, et ça amenuisait un peu l’impact des illustrations.
- l’absence de datation précise. Les strips sont regroupés par décennie, mais j’aurais tout de même aimé savoir en quelle année et à quel mois ils ont été publiés pour la première fois.
- la croissance de Sally. Le gag où Charlie annonce qu’il est papa… enfin, grand frère, est très amusant… mais si Sally est naissante et que les autres personnages ont la même dégaine qu’on leur connaît, comment expliquer que : a) Sally les «rattrape» si vite, en taille et en maturité (en moins de trois ou quatre ans!) ? Et que b) les autres n’aient pas changé un iota au cours de ce délai?? Ça enlève au réalisme, je trouve. D’autant plus qu’elle était si mignonne, quand elle était bébé et qu’elle se traînait à quatre pattes!! Rerun, le frère de Lucy et de Linus, qui est né dans les années 90, a au moins le mérite de demeurer toujours un peu plus petit que les autres, physiquement.
- certains gags, trop «troisième ou quatrième degré» pour moi. Comme je le précisais plus haut, je n’aime pas trop les non-sens, ou l’humour trop ironique qui me donne l’impression de passer à côté de quelques choses. C’est pourquoi les «arbres mangeurs de cerfs-volants» ne m’ont jamais vraiment fait tripper, de même que certains autres thèmes récurrents.
- le phénomène «Woodstock». Même si je trouve la tronche de cette petite bestiole super mignonne, elle reste pour moi le plus grand des mystères. Ça, un oiseau?!? Ça ressemble autant à un champignon qu’à un hamster échevelé, si vous voulez mon avis! Et qu’est-ce que c’est que ce langage, en petits traits verticaux!? Il devait en avoir fumé du bon, Schulz, cette semaine-là… mais pas plus que tous les fans de cette mascotte jaune au museau de chien!! Une étrangeté, donc… mais une étrangeté tout de même sympathique!
- l’incompréhensible traduction des termes de baseball. Pourquoi, mais pourquoi les traducteurs français s’entêtent-ils à traduire des réalités qui leur échappent complètement, comme le hockey ou le baseball? Ça leur serait trop humiliant de lâcher un coup de fil à leurs collègues québécois, qui connaissent ces sports et leur vocabulaire spécifique depuis des lustres et qui en parlent en français depuis tout aussi longtemps?? Qui ne se souvient pas de la mémorable «crosse» et du ridicule «palet» dont ils veulent qu’on se serve pour jouer au hockey!!!! Ici, lors des matchs de baseball de Charlie et de sa bande, le traducteur Franck Reichert nous écorche les oreilles avec ses «runs» comptés lors du neuvième «inning» !?!? Bravo, champion! Tu as dû «runner» fort pour en arriver là! Lors des prochains Jeux olympiques, je te suggère de faire du «shopping» ou du «karting» plutôt que de la traduction!!
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