#05- AU COEUR DU MAELSTRÖM
Scénariste(s) : Fabien VEHLMANN
Dessinateur(s) : Bruno GAZZOTTI
Éditions : Dupuis
Collection : X
Série : Seuls
Année : 2010 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre
Genre(s) : Thriller fantastique
Appréciation : 5.5 / 6
|
À série top, mystère top!
Écrit le dimanche 26 décembre 2010 par PG Luneau
Le cinquième tome de la sublimissime série Seuls s’annonçait comme étant la fin du premier cycle. Comme plusieurs amateurs, j’étais dans l’expectative : l’explication de la mystérieuse disparition de tous les adultes de la ville (et peut-être de la planète!) serait-elle à la hauteur du suspense intenable que les auteurs tiennent à bout portant depuis maintenant quatre tomes? J’avais lu, en diagonal pour ne pas tomber sur des scoops révélateurs importants, des critiques d’autres blogueurs qui semblaient être restés un peu sur leur faim. Avant même de lire l’album, j’étais angoissé : Vehlmann et Gazzotti remporteraient-ils leur pari?
Eh bien, je n’ai qu’un (long!) mot : WOOOOOOOWWWWWWW! Quelle série «super débile écœurante» ! Et le pire, c’est que je ne suis pas sûr si le début d’explications qu’on nous donne me plait !?! En fait, je ne suis pas sûr de bien le comprendre ni, surtout, d’en comprendre toutes les répercussions. Mais, chose certaine, j’ai rarement autant tripé en lisant une BD. C’est un enchaînement de surprises, où l’on nous sert révélations étonnantes par-dessus revirements insoupçonnables! Je suis comblé, tant par le récit, pourtant étonnamment simple et avare de mots, que par le dessin, que je considère comme l’un des plus beaux et des plus clairs de la littérature jeunesse actuelle.
Plusieurs commentateurs ont fait le parallèle entre Seuls et la populaire série télé Perdus (ou Lost, pour les copains de l’Hexagone qui ont tant de difficulté avec leurs traductions). C’est vrai que le mystère touffu dans lequel sont plongés Yvan, Leïla, Dodji, Camille, Terry et leurs amis est aussi angoissant et intrigant que celui de la fameuse île où s’écrasa le mondialement célèbre vol Océanic 815, en provenance de Sydney. Seulement, Vehlmann s’éparpille beaucoup moins, ses intrigues parallèles sont beaucoup mieux circonscrites, ce qui nous permet de rester centrés sur l’intrigue principale sans nous perdre avec une quarantaine de personnages secondaires et des dizaines d’alliances et d’agents doubles, comme c’était le cas dans la série télé (c’est d’ailleurs la raison majeure pour laquelle tant de gens l’ont abandonnée en cours de route : elle devenait ridiculement tentaculaire, et plutôt que de nous entraîner peu à peu vers la solution, elle semblait toujours vouloir nous en éloigner! Mais ceci est un autre sujet!). Ici, l’auteur nous a donné, tout au long des quatre premiers tomes, juste assez de jus pour nous permettre de spéculer à fond. Et ce tome #5 nous dévoile un pan important du mystère… qui me laisse sans voix. Évidemment, je n’en dévoilerai rien ici, pour vous garder la surprise, mais le punch n’est pas sans intérêt. Il est ingénieusement amené, et on sent qu’il aura des répercussions sur le cycle à venir. Surtout qu’il est accompagné de l’apparition d’une bien mystérieuse «boîte noire»!! Mais je me tais.
J’ai lu quelque part que les auteurs se sont inspirés du classique roman pour la jeunesse Sa Majesté des Mouches, de William Golding. Pour ceux qui ne le connaissent pas, sachez que ce roman relate l’histoire d’une trentaine de jeunes garçons dont l’avion s’est écrasé sur une île et qui doivent s’organiser pour survivre jusqu’à l’arrivée des secours. Ils seront forcés de suivre des leaders rivaux qui en viendront à s’affronter, et la cohabitation ne sera vraiment pas de tout repos. Il s’adonne que j’ai justement lu ce bouquin cet automne… et que je l’ai détesté!!! On jurerait que Golding n’a jamais côtoyé d’enfants : les réactions qu’il décrit sont généralement tout à fait inappropriées! Et sa plume est des plus agaçantes… mais je dois avouer que ce dernier défaut est peut-être surtout dû à la traduction, et non à l’œuvre en soi. Bravo, donc, à messieurs Vehlmann et Gazzotti, d’avoir su transposer cette œuvre qui m’a littéralement horripilé en une autre qui fait mon plus grand bonheur!
Car franchement, j’ai déjà essayé de déterminer ma liste personnelle des 100 incontournables de la BD… J’en avais tellement que j’ai décidé de ceindre ma liste en trois catégories : catégorie jeunesse / tout public, catégorie ado, puis catégorie adulte… mais encore là, je dépassais le quota dans chacune! Et chaque fois qu’un de mes élèves me demandait : «C’est quoi, ta BD favorite?», j’étais très embêté et je ne savais pas trop quoi répondre. Maintenant, ma réponse est toute trouvée : C’est Seuls qui est MA meilleure série jeunesse à vie, peut-être même MA meilleure série toute catégorie!
À lire aussi : ma critique du tome #4.
Plus grandes forces de cette BD :
- les couleurs de Usagi, toujours aussi vives et belles. Ces grandes surfaces de couleurs franches, toute en à-plat, sont magnifiques et tranchent bellement avec la couverture sur fond blanc, généralement très épurée (quoi que celle-ci soit plus sombre à cause de l’inquiétante spirale noire, semblable à une tornade, qui veut s’en prendre au petit Terry). Cette générosité dans les couleurs vives permet aussi d’atténuer l’ambiance glauque qui se dégage de l’étrange et presque insoutenable situation dans laquelle les héros sont plongés. Ça ajoute de la gaieté là où on pourrait ne voir que du désespoir.
- l’audace de l’auteur. Connaissez-vous beaucoup de scénaristes qui accepteraient que l’un de ses principaux héros meurt pour faire avancer son récit? Moi, non, et c’est pourquoi Fabien Vehlmann me jette par terre et que je lis cette série assis sur le bout de ma chaise, en me rongeant les sangs… mais avec délectation!! Mais qui est ce macchabé?? Je n’en dirai pas plus, sinon que vous serez fixés dès la page 5!...
- Sélène et Alexandre, les deux inquiétants «weirdos». Déjà, à la fin du tome #3, on avait entraperçu que ces deux blondinets aux regards éteints n’étaient pas nets, et qu’ils savaient des choses. Ici, ils se dévoilent carrément hostiles, et mènent une inquiétante chasse à l’homme qui se terminera mal… En saurons-nous plus dans le deuxième cycle? Je l’espère bien!
- la force des émotions ressenties. Outre l’angoisse sourde qui nous assaille dès qu’on ouvre les pages d’un des albums de la série (mais comment font les auteurs pour réussir cet exploit?!), on est ballotés de l’émerveillement (face à l’ingéniosité de ces survivants, à leur détermination et à leur courage) à l’amusement (Terry et ses gamineries sont si touchants, parfois), de l’horreur (certaines découvertes sont poignantes) à la désolation (leur situation engendre évidemment du découragement, et certains craquent!), de la surprise (Comment!? C’est ça qui est arrivé!!) à la fascination qu’engendre le mysticisme et l’inexplicable… Et toujours, la crainte, l’inquiétude et la tension… Sans blague, la lecture de ces albums est si palpitante que j’en suis presque essoufflé quand je les referme! Comment ne pas adorer?!!
- les valeurs présentées. Évidemment, ce qui ressort de cette mystérieuse aventure fantastique, c’est la solidarité qui finit par naître, non sans heurt, entre les cinq principaux personnages. Ils en viennent à créer des liens, à se former une petite famille. Dodji et Yvan alternent dans le rôle du père, Camille et Leïla dans celui de la mère… et Terry excelle dans celui de l’enfant!! Cette cohésion, difficile parfois, est touchante à voir, et permet à chacun de se dépasser et d’évoluer, comme on le fait au sein d’une vraie famille.
- l’intrigue. Quelle idée fabuleuse que de faire en sorte que cinq jeunes se retrouvent, un beau matin, seuls dans leur ville! Que de spéculations cela permet!! Depuis le début de la série, il semble régner une tension permanente autour des personnages, comme si on s’attendait à tout moment qu’un agresseur les attaque… surtout depuis qu’on sait qu’ils ne sont pas si seuls que ça!!! Les auteurs ont trouvé un filon tout simplement génial, qui marquera l’imaginaire de tous les lecteurs, c’est incontestable. Je crois fortement que l’on assiste présentement à l’éclosion d’un futur classique de la BD!
- un fascinant détail que je n’avais pas remarqué, mais qu’un blogueur a relevé au site Placard à BD : à partir de la p.15, un mystérieux personnage, manifestement invisible aux yeux de nos héros, est partiellement visible SUR PRESQUE TOUTES LES PLANCHES!! En effet, remarquez le pied nu, dans le bas de la 4e vignette de la p.15. On le revoit à l’extrême gauche de la 4e vignette de la page suivante, puis à la droite de la 3e vignette de la p.17… Ça se poursuit ainsi, avec une main ou un pied, jusqu’à la p.33 (pour ce que j’en crois)… Et il paraît que le scénariste, Fabien Vehlmann, a précisé sur son blogue que ce mystérieux personnage aura son importance!! COOOOOOOL! Merci, Placard à BD!!
Ce qui m’a le plus agacé :
- ne pas avoir relu les tomes précédents avant de me taper celui-ci. Je crois que j’apprécierais encore plus tout le récit si je lisais les tomes tout d’un trait. J’aurais l’impression (peut-être à tort, mais quand même) de pouvoir mettre les (très maigres!) indices les uns par rapport aux autres et que mon portrait de leur situation serait plus précis. Mais, heureusement, rien ne m’empêche de m’y mettre!! Pourquoi pas dès maintenant?!?
- l’attente, encore. Quand pourrons-nous enfin avoir la suite??? On la voudrait tout de suite!! Allez, allez, monsieur Gazzotti, mettez-vous à votre planche à dessin sans plus attendre! On veut savoir comment tout ça va tourner!!
|