Capsule-Pif #023- le Petit mousse à la grande aventure!
Écrit le samedi 02 septembre 2017 par PG Luneau
Jérémie

Avec Jérémie, c'est à une belle saga maritime qui fleure bon le varech et la flibuste que le célèbre bédéiste Paul Gillon nous convie! Dans un style très classique et littéraire, au langage étonnamment très soutenu, cet auteur nous partage sa passion pour la haute mer et l'aventure, passion qu'il avait déjà très joliment dessinée dans la série-feuilleton Cormoran, qui a fait les beaux jours du magazine Vaillant, quelques années auparavant. Mais alors que Jean Ollivier était au scénario de Cormoran, Gillon est seul à la barre de Jérémie, une première pour lui... et il lui a laissé bien peu de répit! Voyez plutôt :
Alors qu'il est mousse à bord de la Téméraire, le jeune gamin voit la peste s'abattre sur ce navire royal et décimer peu à peu tout l'équipage! Dans un élan de compassion désespérée, le capitaine oblige Jérémie à embarquer dans une chaloupe et à quitter le navire condamné... Après avoir erré en solitaire, le jeune homme accoste d'abord sur une île où des Amérindiens aux mœurs sauvages tentent de le sacrifier à leurs divinités. Puis, il est recueilli temporairement par des pirates qui détiennent déjà la toute jeune - mais ô combien capricieuse - fille du gouverneur espagnol de Saint-Domingue : la (peste de) Dona Aurelia Sanchez Espinoza! Après l'avoir vaillamment libérée, Jérémie parvient à fuir avec la gamine. C'est avec elle qu'il accoste sur l'île d'une vieille mégère qui les maintiendra en esclavage un temps, puis qu'il aboutit sur un bateau de négriers transportant des esclaves! Là, les deux enfants se lient d'amitié avec le vieux vicomte Adhémar de Loconville, un bossu de la noblesse, qui choisit de les accompagner jusqu'à Saint-Domingue... où le retour de la jeune Aurelia ne fait pas que des heureux!! De fil en aiguille, Jérémie s'accoquine finalement à un forban mercenaire parfois cruel : le capitaine Karstenfeld. Celui-ci, qui prend de plus en plus de place dans les derniers épisodes, l'entraîne de Porto Rico à la célèbre île de la Tortue, ce grand repaire de pirates, puis sur les traces de la belle Léocadie Lachaumette qui vient de lui tomber dans l'œil! Mais jamais on ne saura comment Jérémie et Karstenfeld parviendront à libérer la fougeuse Léocadie... car Gillon a tout bonnement cessé la série!!?
Jonglant avec l'adversité des tempêtes, la violence des pirates et les vicieuses manigances des hommes et des femmes en général, Jérémie et sa petite face d'ange blond tentent de tirer leur épingle du jeu. Les jeunes lecteurs que nous étions pouvaient s'identifier à ce courageux personnage au grand cœur... D'ailleurs, plusieurs images très fortes ont marqué mon imaginaire : c'est qu'elle n'était vraiment pas gentille, cette madame Cocquemard, surtout quand elle abusait de son martinet!! Malheureusement, je ne me suis jamais vraiment passionné pour cette série : d'abord, le ton et le traitement étaient très académiques... mais c'est surtout que les traits réalistes et violents me faisaient parfois un peu peur! Bref, une autre de ces séries qu'on gagne à redécouvrir un peu plus vieux! ;^)

Titre : Jérémie
Auteur : Paul Gillon
Descriptif : Jeune blondinet d'une douzaine d'années, Jérémie était le frêle moussaillon d'un navire. Mais de naufrages en escales, il parcourt les Caraïbes, en croisant toute la faune habituelle qu'on retrouve dans ce genre littéraire : Amérindiens belliqueux, flibustiers crapuleux, négriers et mercenaires sans scrupule... et même une impressionnante mégère esclavagiste! Une forme de complicité se développera avec certains... mais Jérémie apprendra vite que, dans le monde des pirates, la prudence reste de rigueur!! ;^)
Dessin : en N/B, très réaliste (quasi photographique!), sec, mais très bien maîtrisé, avec des angles de vue très audacieux, le tout dans des mises en page presque toujours en gaufrier classique de 6 cases.
Genre : Aventures de piraterie et de flibuste.
# d'apparitions : 8 récits, tous de 20 pages.
Époque des apparitions : une première (et unique!) parution dans le Vaillant #1202, en mai 1968, mais compte tenu des bouleversements historiques de cette époque, sa «véritable» existence a été du Pif #140, en 1971 au Pif #207, en 1973.

Des albums? : 4, datant des années 70-80.
Note personnelle : Scénario : 3/5 Dessin : 3,5/5 Total : 6,5/10
Importance relative de parution : 168
En couverture? : Jamais.
Clins d'œil et trucs divers :
*Les textes étaient en mortaise, dans des cadres récitatifs, à l'ancienne, comme dans les Bécassine. Aucun dialogue réel ni phylactère!
*Le premier récit dans Pif, l'Île mystérieuse (#140), est en fait la reprise améliorée (augmentée de 8 planches!) du premier épisode paru dans le Vaillant #1202, deux ans plus tôt, en 1968 : l'Île du sacrifice! Cette fois, ça allait être la bonne! Et si deux ans séparent ces parutions, ce n'est pas seulement à cause des événements de mai 68 : c'est aussi parce que Gillon avait d'ÉNORMES difficultés à respecter les échéances!! ;^)
*La série a reçu, en 1972, le prix Phénix de la meilleure BD d'aventure... mais n'a qu'un succès mitigé auprès du lectorat de Pif. Les jeunes semblent s'y intéresser un peu (plus qu'à Corto Maltese, par exemple!!) mais sans développer une passion du type de celle que provoquent Rahan ou Doc Justice! ;^)
*Conscient du peu de succès de la série, Gillon décide de l'abandonner (sans crier gare, le dernier épisode relançant même Jérémie et ses nouveaux amis vers une nouvelle aventure!?) pour se consacrer à un autre univers littéraire qu'il n'avait jamais abordé : l'espace intergalactique! Il travaillera donc sur les Naufragés du temps qui, elle deviendra culte!
* Cette petite teigne de Dona Aurelia Sanchez Espinoza a des airs des Martine de Marcel Marlier, ou des gamines que dessinait Jacques Fromont, illustre illustrateur des principaux romans d'Enid Blyton ou de Paul-Jacques Bonzon pour la collection Idéal-Bibliothèque, chez Hachette (genre la Famille H.L.M. ou les Cinq détectives)! ;^)

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