LES INSTITS N'AIMENT PAS L'ÉCOLE
Scénariste(s) : Martin VIDBERG
Dessinateur(s) : Martin VIDBERG
Éditions : Diantre! éditions
Collection : Blop
Série : Instits n'aiment pas l'école
Année : 2008 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Réflexions en huit ou dix planches
Genre(s) : Quotidien, Humour tendre, Autofiction
Appréciation : 4 / 6
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la Vérité sort de la bouche des enseignants!
Écrit le dimanche 20 mars 2011 par PG Luneau
Martin Vidberg est un enseignant. Comme moi. Il travaille auprès des jeunes du primaire. Comme moi. Comme moi, il adore la BD. Sauf que lui, il a le talent pour dessiner de superbes petits personnages patatoïdes, tout simples mais mignons comme tout. Ainsi, il a pu se créer un joli petit blogue et ses petits personnages ont su charmer les éditions Delcourt. C’est pourquoi il a pu publier son premier véritable album, un beau pavé à saveur autobiographique, d’une bonne épaisseur, intitulé le Journal d’un remplaçant, dans l’intéressante collection Shampooing. Dans cet album-là, il racontait ses premières années d’enseignement, avec tout ce que cela comporte : précarité, ballottage d’une école à l’autre, classes difficiles avec cas lourds mais sans avoir le temps d’instaurer sa discipline ni ses projets à soi, sentiment d’impuissance, frustrations causées par la découverte du décalage entre la théorie et la pratique … Bref, la galère que vit tout enseignant qui débute dans le métier. J’ai tellement adoré cet album, j’ai tellement apprécié ses sympathiques petits dessins et j’ai été si subjugué par la similitude entre le vécu des profs débutants en France et ceux du Québec que j’ai commandé cet autre album de monsieur Vidberg presque les yeux fermés, sitôt que j’en ai découvert l’existence sur le Net : son titre, les Instits n’aiment pas l’école, était garant de mon appréciation, c’était évident!
Aussi ai-je été complètement déboussolé quand mon libraire préféré m’a tendu cette minuscule plaquette, de la taille d’un paquet de cigarettes… mais deux fois plus mince!!! Je n’avais pas pensé à vérifier le format avant de passer ma commande!! Je veux bien croire que Diantre! éditions n’est qu’une toute petite maison, il y a tout de même des limites!! Avec une moyenne de trois ou quatre vignettes par planche, pas besoin de vous dire que ce volume (j’allais presque écrire «ce feuillet»!!) se lit en quinze minutes, au gros maximum!!
Malgré tout, une fois la première surprise passée, j’ai bien aimé retrouver le style totalement épuré mais si gentillet de monsieur Vidberg, ainsi que le regard si juste qu’il jette, avec une malice emplie de tendresse, sur nos conditions d’enseignant. Beaucoup moins pamphlétaire que son Journal d’un remplaçant, cet album-ci est un recueil de petites réflexions qui font sourire. Il nous y dresse le portrait de certains types d’enseignants («d’instits», comme ils disent en France!) et d’autres intervenants qui travaillent autour des jeunes des écoles primaires, et nous y rappelle certaines croyances qui demeurent tenaces auprès de nos chers élèves, comme celle qui veut que les profs vivent en permanence dans leur classe, ou qu’ils sont toujours heureux d’enseigner la grammaire, de punir ou de donner des copies! À l’aide d’une prose des plus agréables et de ses petits bonshommes «haricoïdaux», Vidberg réussit à nous dresser un portrait juste de la normalité de notre travail, et de nos états d’âmes. S’adressant autant aux enseignants (qui s’y reconnaîtront immanquablement!) qu’à tout le monde en général, cette petite plaquette, malgré ses airs insignifiants, mérite de passer de mains en mains!
Évidemment, je ne me refais pas : cette chronique est loin d’être proportionnelle à la longueur de l’album qu’il dessert!! Mais tout bien considéré, l’artiste, en qui je me reconnais tant, mérite bien tous ces palabres!!
Plus grandes forces de cette BD :
- le thème, qui me rejoint tout particulièrement. Les BD traitant de l’école primaire l’abordent toujours sous l’angle des élèves, et non des enseignants. C’est donc sympa d’entendre le son de cloche des profs, pour une fois.
- le petit prologue, cocasse, qui laisse planer l’ambiguïté sur l’identité du personnage principal, puis l’intro un peu verbeuse (mais néanmoins amusante) où l’auteur expose les mythes que les jeunes élèves entretiennent sur leurs «instits». Le ton ludique de Vidberg est tout de suite mis en place.
- le très bel usage du contre-jour, tant pour la page-titre (qui arrive après le prologue) que tout au long de la plaquette. En fait, de manière générale, le noir et blanc dessert très bien le dessin, très graphique bien que minimaliste, de Vidberg.
- le joli graphisme tout simple. Chaque personnage (toujours un gros ovale courbé comme un haricot, auquel Vidberg ajoute deux bras, deux jambes, des yeux et, parfois, des cheveux) ressemble à un Monsieur Patate ultra de base. Les décors, minimalistes eux aussi, sont très efficaces et démontrent la grande maîtrise de la ligne claire épurée dont monsieur Vidberg fait preuve.
- le gag sur Gregor, celui qui adore les enfants… avec de la mayonnaise!! Ainsi glissé dans la liste des différents types d’enseignants, son apparition est percutante,,, et très drôle!
- la division en courtes sections relativement complètes en soi. Ces différents blocs narratifs s’enchaînent bien et forment un tout cohérent.
- la belle variété des procédés narratifs exploitées. Monsieur Vidberg utilise habilement les images en gaufrier, le texte en spirale, la vision suggestive… Certains bédéistes professionnels, qui ont étudié dans ce domaine, gagneraient à prendre exemple sur cet autodidactei!!
Ce qui m’a le plus agacé :
- la petitesse du format. J’en ai déjà parlé plus haut, mais 10 x 13 cm, c’est vraiment ridicule! D’accord, il y a bien 48 pages… mais à trois ou quatre vignettes par planche, au lieu de 10 ou 12 comme dans un album «régulier», on s’entend pour dire que, mathématiquement parlant, on est très très très perdant! C’est comme si on achetait un tiers d’album!... Et je crois me souvenir qu’on est très très loin du tiers du prix!!! Pauvres petits éditeurs, qui se voient forcés de nous faire payer un prix ridiculement haut pour un produit ridiculement si petit… Et moi, la bonne poire, je paye!! Nous sommes donc en présence d’une lecture qui revient cher de la seconde!! De fait, je vous encouragerais bien à plutôt l’emprunter en bibliothèque, mais rares sont les biblio qui se procurent ce genre de petites plaquettes à couverture souple et aux pages simplement collées : ils se perdraient sur les rayons!!
- l’absence de pagination. En fait, les éditeurs n’ont pas eu le choix : pour qu’on puisse voir les dessins sur des pages si minuscules, il a fallu exploiter chaque millimètre carré de papier disponible. Ainsi, les vignettes rasent les bordures de chaque page et le pli central, sans laisser l’espace pour une quelconque pagination. Ça donne un aspect un peu surchargé à chaque planche, et c’est bien dommage!
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