#01- MISSION EXPO 67
Scénariste(s) : Michel VIAU
Dessinateur(s) : Ghyslain DUGUAY
Éditions : Perro éditeur
Collection : Perro BD
Série : MacGuffin et Alan Smithee
Année : 2017 Nb. pages : 64
Style(s) narratif(s) : Récit complet
Genre(s) : Aventure policière, Humour, Historique, Hommage
Appréciation : 5.5 / 6
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Enfin!
Écrit le dimanche 25 mars 2018 par PG Luneau
ENFIN!! Ça y est!! J'ai lu le tout premier MacGuffin et Alan Smithee!! En effet, j'ai pu profiter de la récente semaine de relâche scolaire pour me plonger dans cet album dont j'ai suivi la conception tout du long, sur Facebook. Que de plaisir!! ;^)
ENFIN!! Je me suis délecté des aventures de ces deux agents secrets, aventures à la James Bond / IXE-13 / OSS-117, au suave parfum de Guerre froide et de musique yéyé des années 60!!
ENFIN! Michel Viau, éminente sommité en histoire de la BD québécoise (probablement la plus grande et, assurément, la plus intéressante!), s'est commis en écrivant un scénario explosif et bien ficelé, que j'ai lu en me délectant!
ENFIN! Je retrouve le si sympathique dessin de Ghyslain Duguay, dont je m'ennuyais tant depuis la disparition de Lionel et Nooga.
ENFIN!! J'ai trouvé MA «série québécoise grand public» fétiche, celle qui correspond parfaitement à mes goûts, qui répond à toutes mes préférences personnelles en matière d'esthétisme et de scénario!!! ENFIN!!!!
Rajoutons à cela que mes attentes étaient très élevées : il y avait donc de gros risques que je me retrouve déçu... Et bien sachez qu'il n'en est rien!! :^D Ces deux formidables créateurs ont relevé haut-la-main le défi de les satisfaire! Leur récit d'espionnage truffé d'humour m'a littéralement comblé!
Mais qui sont donc ces nouveaux héros? MacGuffin est une superbe agente secrète britannique dynamique et branchée, toujours prête à passer à l'action. Sa vive énergie, sa verve et son goût pour la mode et la musique en font une jeune fille dégourdie, bien de son temps (on est dans les années 60, ne l'oubliez pas!)... et ses compétences aux divers sports de combat la rendent redoutable pour ses adversaires! Notez qu'on ne connaîtra jamais son prénom, prénom que son partenaire tente aussi de découvrir tout au long de l'album!! ;^)
Ce partenaire, c'est Alan Smithee, un agent secret français tout ce qu'il y a de plus classique. Toujours en complet noir, il doit avoir une dizaine d'années de plus que sa comparse. Brillant et très efficace, il n'en reste pas moins beaucoup plus posé que MacGuffin : alors que celle-ci sort en boîte pour se distraire après une bonne journée de travail, lui préfère siroter une tisane en écoutant de l'opéra ou en lisant un traité de philosophie... Soulignons aussi sa passion pour les expressions latines, qu'il lance à propos de tout et de rien!
Tous deux sont membres de la S6, une agence supranationale de services secrets, et c'est à Montréal qu'on les envoie pour s'acquitter de leur nouvelle mission!! En effet, ils devront empêcher un scientifique un peu réactionnaire de transmettre les plans de sa superbombe aux plus offrants, lors du plus grand rassemblement international de l'époque : Expo 67!!
Quel plaisir de retrouver les îles Ste-Hélène et Notre-Dame recouvertes des centaines de pavillons internationaux qui les peuplaient à l'époque!! Bien évidemment, toute cette foule bigarrée offre un environnement de choix pour les espions de tous les pays!! Les deux héros, assistés du très amusant agent Alfred Morisset (représentant plutôt inexpérimenté de la branche locale de la S6), auront bien du pain sur la planche pour «empêcher que le monde ne sombre dans un chaos nucléaire» (dixit la 4e de couverture)!
Personnages intéressants et bien typés, aventures enlevantes au rythme qui ne démord pas, touches d'humour omniprésentes... Tout est là pour nous faire passer un moment de pur bonheur! Monsieur Viau a su parodier le genre avec brio, nous offrant des agents efficaces et compétents aux réparties humoristiques qui font mouche à tous coups! Et Ghyslain, fidèle à lui-même, nous ravit l'œil tant par ses dessins gentiment semi-caricaturaux que par ses mises en pages variées et ses couleurs franches. Vous l'ai-je dit que j'adorais cette série??!! ;^D
Ne reste plus qu'à espérer que Perro éditeur sache mettre de l'avant ce fabuleux duo, de façon à ce que le public soit au rendez-vous et que MacGuffin et Alan Smithee devienne LE duo de la BDQ qu'il mérite de devenir! Allez-y, tout le monde, je vous recommande cette série plus que chaleureusement! Je suis convaincu que vous apprécierez autant que moi ce nouveau joyau de notre 9e art!! Dès 12 ans!
Plus grandes forces de cette BD :
- les dessins de Ghyslain Duguay. Je ne saurais trop dire pourquoi, mais le style graphique de Ghyslain me ravit complètement et ce, depuis ses tout débuts! Déjà, dans Lionel et Nooga, j'avais accroché à fond, tant sur l'efficacité de ses personnages (mimiques, attitudes et postures) que sur la richesse et la précision de ses décors et accessoires, architectures et véhicules inclus! Le tout, avec une touche d'humour toujours bien dosée... Ce n'est pas donné à tous les dessinateurs d'être aussi solides sur tous les plans! Bravo Ghyslain, tu as encore réussi un fameux coup!! Je te (et, surtout, NOUS! ;^) souhaite que ça se poursuive longtemps! Tu le mérites trop! ;^)
- l'efficacité du scénario de Michel Viau. D'abord, l'idée autour de laquelle se construit tout le récit est assez originale et révolutionnaire (c'est le cas de le dire!!): un savant qui veut «diffuser» les plans de sa bombe cataclysmique à tous les pays, question de rétablir les rapports de force entre les grandes puissances et les plus petites!! Déjà, ça se veut très socialiste! ;^) Puis, l'intrigue comme telle se tient bien et les scènes d'action (poursuites, batailles, explosions et tutti quanti...) s'enchaînent avec rythme et logique, tâtant à l'occasion à d'agréables effets de style, comme lorsque les deux agents sont, chacun de leur côté, capturés et qu'ils se réveillent un peu de la même façon, se croyant en présence de l'autre! L'énigme finale est peut-être un peu prévisible (j'en avais deviné l'issu 7 planches avant Smithee! ;^), mais pour une aventure aussi parodique qui se veut grand public, j'ai trouvé ça excellent. Et l'humour récurrent est très efficace (voir plus bas): je n'ai pas pu m'empêcher de m'esclaffer quand MacGuffin finit par foutre la petite peste tête la première dans la poubelle!! Chapeau, monsieur Viau! Vivement la suite, que je souhaite (l'ai-je dit?? ;^) très prolifique!!
- le contexte historique, très habilement rendu. J'ai pris vraiment grand plaisir à me plonger dans notre histoire récente, au moment de l'Expo 67. Étant né cette année-là, je n'ai pas vécu tout ça, mais la reconstitution de l'époque m'a permis de reconnaître des éléments qui datent de ma toute prime jeunesse, ce que le grand nostalgique que je suis trouve toujours très émouvant! Habitat 67 (que j'ai visité cet été pour la première fois!), les vieux autobus de couleur taupe, les magasins Greenberg, les bières Dow, Champlain et Laurentides... et Olivier Guimond qui «connaît ça!»! Connaissant un peu messieurs Viau et Duguay, je suis sûr qu'ils ont porté un souci tout particulier au réalisme historique de cette reconstitution, jusque dans le choix des couvertures de magazines (p.19) ou des très nombreuses chansons dont on entend les paroles, en arrière-plan (qu'elles soient des Beatles, des Stones, de Cohen ou de bien d'autres, toutes des hits encore populaires!! ;^)... Et ce jusqu'à la dernière planche, où un certain Paillasson vient nous faire un petit caméo!! Chouette! ;^)
- le très grand format de l'album! Tant au niveau de ses dimensions (32,5 cm X 24,5 cm - ce qui magnifie d'autant les traits de Duguay) que par son nombre de pages (64!!), ce premier album cartonné couleurs détonne!! Malgré la frilosité du marché actuel, en BD ET au Québec, l'éditeur (Bryan Perro, alias monsieur Amos Daragon, pour ne pas le nommer!) y va d'audace, et je ne saurai trop l'en louer et l'encourager fortement à continuer!!
- la présence bien vivante du psychédélique! Que ce soit via les pages de garde ou dans la coloration générale de l'album, mais encore plus lors de la soirée que MacGuffin passe à danser en boîte, Ghyslain s'est laissé aller aux couleurs vives et éclatées, si populaires à l'époque. On s'y croirait!!
- les très nombreuses références, cinématographiques ou autres, toujours subtilement présentées. Monsieur Viau me semble aussi cultivé que son Smithee!! Il peut donc s'amuser (et il le fait à merveille!) en intercalant de-ci de-là de subtils jeux de mots que j'ai parfois relevés, seul (comme son Charles P. Noths, qui m'a été corroboré six cases plus loin, par le nom de son épouse et de son fils! ;^) ou avec l'aide de notre ami l'Internet (comme les noms des deux personnages principaux - voir plus bas - ou celui de la compagnie de portes blindées - p.4)... Je ne suis pas sûr, toutefois, que ce soit monsieur Viau qui ait exigé que le dessin du t-shirt du gamin, aux p.32 et suivantes, soit celui de ce petit caneton!!? En effet, j'ai l'impression que monsieur Duguay lui a fait la surprise d'y insérer ce petit palmipède bien distinctif, qui s'avère être le seul dessin que Viau sache dessiner, selon ses propres dires: c'est en effet de ce mini-caneton que cet auteur égaie sa signature, lors des dédicaces (comme en témoigne aussi sa signature finale, au bas de la dernière planche de l'album ;^) !!
- l'humour qui, avec l'action, s'avère être un véritable leitmotiv de la série. Les auteurs en exploitent plusieurs facettes: l'humour de répétition (comme pour le texte des deux premières pages, ou le gag récurrent des costumes de MacGuffin - joyeusement récupéré lors de sa troisième occurrence), les jeux de mots (le savon de Marseille, p.5), le regard au lecteur, le comique de situation (souvent amené par Morisset, comme lors de la séance de diapos) et l'humour pince-sans-rire de Smithee, pour ne nommer que celles-là!...
- quelques petites trouvailles visuelles dans les mises en pages. Le petit plan récapitulatif, avec la tête des personnages en mortaise pour nous indiquer où chacun se trouve (p.51), m'a rappelé les 4 as de mon enfance: Craenhals et Chaulet en étaient fervents, chaque album ayant au moins un tel plan, à un moment ou à un autre! Mais j'ai surtout apprécié le bas de la p.48, alors que tous les espions sont littéralement à l'écoute de nos héros, qui élaborent leur plan d'action! C'est une disposition vraiment bien pensée! ;^)
- les personnages secondaires, tout aussi intéressants que les héros. Ne nous le cachons pas: les seconds rôles volent presque toujours la vedette aux héros. Pensez à Haddock vs Tintin, à Fantasio vs Spirou, à Obélix vs Astérix... Ici, on est chanceux: les deux héros ont, chacun, leur cachet ET leurs acolytes sont délicieusement suaves!! Mes plus grands coups de cœur vont à Morisset, grand naïf idéaliste et horriblement attachant, et à Mère-Grand, la «grande» patronne intransigeante à la chevelure surprenante, toujours à bichonner son chat. Manifestement, Ghyslain s'est graphiquement inspirée ici de la célèbre comédienne de petite taille Linda Hunt, qui personnifie la patronne dans NCIS: Los Angeles! Ça donne un cachet tout particulier à cette femme à la poigne de fer! ;^)
Ce qui m'a le plus agacé :
- le nom de la série, que je trouve difficile à mémoriser!! Pourtant, en entrevue, Michel Viau en a expliqué l'origine, les deux noms étant des termes techniques de cinéma: un MacGuffin, c'est l'objet qui sert de point central au développement d'une intrigue (il peut être tangible - un collier volé - ou immatériel - les secrets du Ministère de la Défense)... Quant à Alan Smithee, c'est le nom fictif qu'un réalisateur peut utiliser s'il trouve que son œuvre a été massacré par le montage ou par les décisions imposées par les producteurs. C'est une manière de ne pas salir sa réputation quand on juge que les instances sur lesquelles on n'a pas de prise ont dénaturé notre travail. Malgré ces très intéressantes anecdotes, j'ai bien peur que ces noms auront bien des difficultés à se greffer dans ma tête, MALGRÉ le fait que ça soit devenu ma série-fétiche!!:^S
- quelques petites maladresses graphiques. Par exemple, le rapport grosseur des têtes vs grosseur des corps de la 3e vignette de la p.5 m'a un peu surpris: il y a là un débalancement évident. Puis, les espionnes chinoise et israélienne, présentées à la p.14, sont si semblables que je les ai confondues tout au long de ma lecture: il aurait été mieux de les typer un peu plus distinctement. Finalement, quelques (très rares!) vignettes sont moins efficaces, comme la 7e de la p.59, dont la composition est un peu étrange, ou la première de la page suivante, qui souffre d'un évident problème de perspective! Ceci étant dit, de la part d'un bédéiste autodidacte comme Ghyslain, qui dessine à temps perdu (car il a un vrai boulot qu'il occupe à temps plein!!:^O), c'est fort pardonnable!!
- un petit manque de clarté. La S6 ne nous est jamais officiellement présentée! Que signifie exactement la «Section Spéciale de Sécurité et des Services Secrets Supranationaux»? Ça semble se vouloir international puisque nos héros viennent de France (Smithee), du Royaume-Uni (MacGuffin), du Canada (Morisset) et des États-Unis (certains agents sont appelés en renfort de New York). Mais alors, pourquoi la CIA semble-t-elle travailler à l'encontre de nos amis?? J'ai hâte de savoir quels pays composent exactement la S6, et lesquels y sont opposés... J'imagine qu'on nous clarifiera tout ça dans les tomes à venir. Après tout, on ne peut pas tout mettre dans un premier tome!! ;^)
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