#01- FOUDRE À GRATTER
Scénariste(s) : Christophe CAZENOVE
Dessinateur(s) : Philippe LARBIER
Éditions : Bamboo
Collection : X
Série : Petits Mythos
Année : 2012 Nb. pages : 46
Style(s) narratif(s) : Gags en une ou quelques planches
Genre(s) : Humour fantaisiste, Fantastique mythique, Héros animalier
Appréciation : 4.5 / 6
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l'Art de rendre la mythologie amusante et abordable
Écrit le samedi 27 août 2016 par PG Luneau
Tomes lus : #01 - Foudre à gratter
#02 - le Grand Icare
#03 - les Titans sont durs (2014)
Depuis plusieurs années maintenant, en BD jeunesse, la mode est de présenter des versions enfantines de personnages connus. Quand j'étais jeune, on avait eu droit à une version jeunesse de la bande d'Archie. La télé nous a offert les Bébés Muppets, et on a pu lire les aventures des Bébés Disney. Un an ou deux plus tard, dans le 9e art franco-belge, c'est Spirou qui a ouvert le bal avec le Petit Spirou, mais il a été suivi depuis par Lucky Luke (Kid Lucky), Boule et Bill (P'tit Boule et Bill), Gaston Lagaffe et Cubitus (avec Gastoon et Bidule, qui ne sont pas des Gaston ou Cubitus rajeunis, mais c'est tout comme :^)... Même Lanfeust deTroy s'est vu rajeunir dans les Gnomes de Troy! C'est presque rendu d'un banal... peut-être symptomatique de la crise de création dans laquelle nous semblons plongés? Pensez à Hollywood, qui n'arrive plus à créer de nouveaux matériels et qui ne se contente plus que de réaliser des remakes, des antépisodes ou des adaptations de vieux trucs! C'est fou comme l'originalité se fait rare... et la nostalgie se vend si bien!! ;^)
Mais de penser à nous raconter la jeunesse des dieux grecs, leurs interactions, leur quête pour leurs super pouvoirs et leur apprentissage de la divinité, ça, j'avoue que c'est une idée pas mal originale! Et Dieu sait (ou dieux savent?? ;^) que ce n'est pas toujours évident de présenter certains de ces mythes aux jeunes, compte tenu de leur violence ou de leur immoralité! Mais messieurs Cazenove et Larbier ne se sont pas cassé la tête pour si peu!! C'est avec une bonne grosse dose d'humour et quelques entourloupes aux mythes originaux qu'ils sont parvenus à concocter une petite série des plus mignonnes et amusantes : les Petits Mythos!
En effet, bien que fort intéressante pour introduire la mythologie grecque aux jeunes de 9 ans et plus, cette série ne doit toutefois pas être prise comme une encyclopédie sur le sujet (pour ça, ils nous ont mijoté un autre document - voir plus bas!). Bien au contraire, les gags qu'on nous propose sont plutôt du type «sans conséquence»! Je veux dire par là qu'un personnage peut bien se faire transformer en or par Midas ou être avalé par les Enfers après avoir sombré dans le Styx, on le retrouvera, parfaitement sain et sauf, dans le gag suivant! Donc, oubliez toute forme de cohérence, on est là pour rire et se bidonner, sans s'enfarger dans les fleurs du tapis!
Au cœur de ces recueils de gags en une ou deux planches (ou un peu plus long, pour le gag initial de chacun des tomes), on retrouve un trio de copains aussi sympathique qu'improbable : le jeune Atlas (celui qui sera appelé à porter le Monde sur ses épaules), la belle apprentie-déesse Aphrodite et... Totor!? En fait, c'est de cet amusant surnom qu'on a affublé le (jeune) Minotaure!! Rapidement, ce trio de base s'ouvrira sur une foule d'autres personnages récurrents, tous plus colorés les uns que les autres : Ulysse, Hercule, Circé, Midas, Méduse... puis encore d'autres : Icare, Héphaïstos, Jason, Eurysthée, Perséphone... Toutes ces divinités, ces héros et ces demi-dieux sont à la recherche de leurs pouvoirs ou de leurs talents spécifiques, ou sont en train de tenter de les maîtriser... et ce n'est pas gagné d'avance!! ;^) Bévues, malchances et erreurs de jugement sont à l'honneur, pour le plus grand plaisir des lecteurs.
Ces gags légers et sans gravité, c'est Philippe Larbier qui a l'honneur de les illustrer... et il le fait avec grand talent! J'adore son style caricatural, très classique, très coloré. Il sait donner vie à toute cette marmaille un peu paumée et à leurs mésaventures, en donnant à ses personnages des mimiques impayables, qui ajoutent une appréciable couche d'humour supplémentaire!
Donc, que vous ayez 9 ou 99 ans, vous risquez de bien vous amuser à la lecture de cette chouette petite série... Surtout si, comme moi, vous êtes un grand amateur de mythologie!
P.S. : À ne pas manquer : le passionnant documentaire la Mythologie racontée par les Petits Mythos. En effet, parallèlement à la série de BD qui, rappelons-le, se permet quelques écarts quant aux mythes qu'elle est censée dépeindre, les auteurs ont réalisé l'impossible : un documentaire chouette, complet, amusant et accessible sur le sujet! Il y avait longtemps que je cherchais un tel ouvrage pour la bibliothèque de mon école primaire, et j'ai souvent été déçu par l'achat d'autres bouquins traitant des mythes grecs ou romains. Mais celui-ci m'a comblé! Non seulement les illustrations de Larbier, tout à fait conformes à celles de la série, sont pimpantes et tordantes, mais le texte est impeccable!! Monsieur Cazenove parvient à rester très fidèle aux différents mythes et nous inonde de détails pertinents et d'infos complémentaires surprenantes (sur les traces que ces légendes ont laissées, dans notre patrimoine artistique, par exemple, ou même dans notre langage de tous les jours!!)! Même moi, qui suis un fervent amateur, j'en ai appris!! Vous saviez, vous, que le Minotaure se prénommait en réalité Astérion?
Donc, pour un excellent documentaire sur la mythologie grecque et romaine (avec même quelques pages sur les mythologies scandinaves, indiennes ou amérindiennes) ou un parfait complément à la série BD, je vous recommande chaudement la Mythologie racontée par les Petits Mythos.
la Mythologie expliquée par les Petits Mythos
Auteurs : Christophe CAZENOVE & Philippe LARBIER
Éditions : Bamboo
Année : 2014
Nombre de pages : 96 p.
Appréciation : 5,5 /6
Plus grandes forces de cette BD :
- le dessin humoristique à son meilleur. De type Gros nez classique, mais d'une parfaite souplesse et contrôlé avec brio, le trait de Larbier rappelle celui de Widenlocher sur Nabuchodinosaure ou celui du si talentueux Yannick, qui illustrait Hercule, le fameux compagnon de Pif. Les bouilles de ses personnages sont d'une efficacité délirante : la tronche d'Hercule (celui des travaux, pas le chat de Pif!!), quand il découvre la maison d'Augias est tout simplement jubilatoire!! ;^D) Il en va de même pour leurs postures et leurs vêtements. Cerise sur le sundae, Larbier est aussi très habile pour tout ce qui est paysage (en plans généraux, en début d'album, par exemple, ou dans les quelques pleines pages dont il nous gratifie), et il nous gâte bien en garnissant toujours quelques vignettes par planche d'éléments pittoresques (les charmants moutons, notamment!) qui nous transportent instantanément en Grèce antique! Chapeau à l'illustrateur (et quoi que vous en pensiez, ce n'est pas pour faire de la lèche à un ami!! :^P)
- la vivacité des couleurs. Je n'ai que des félicitations à faire à Alexandre Amouriq et Mirabelle, tous deux responsables des couleurs de cette série. Les bleus et les verts dominants créent une ambiance méditerranéenne des plus plaisantes.
- les jeux de mots. Les titres spécifiques des albums en sont de bons exemples, et on en retrouve quelques-uns dans le texte de la 4e couverture du tome #2. Mais ceux qui m'amusent le plus sont ceux que les serpents de la tête de Méduse se balancent les uns aux autres!! Ces pipelettes aux répliques délirantes me rappellent tellement les pies bavardes qui garnissent les bas de pages de la série la Jungle en folie que j'ai peine à croire qu'il ne s'agisse pas là d'un petit hommage bien conscient! ;^)
- les fiches de présentation des personnages, sur les pages de garde avant ET arrière. Ainsi, chaque album propose un total de 16 personnages, pas nécessairement les mêmes à chaque fois, sous forme de petites fiches explicatives. Ces textes sont différents d'un album à l'autre, de même que les illustrations, qui mettent le focus sur l'une des vignettes de l'album en question. Des textes cocasses les présentent, mais on retrouve aussi, pour chacun, un mini-paragraphe qui relate une information «véridique» sur le mythe du personnage. De varier ainsi les petits textes de présentation, les capsules informatives ET les illustrations, moi, j'appelle ça de la générosité!! ;^)
- la grande variété de ces mêmes personnages! Nonobstant les étranges accointances que les auteurs ont établies (voir plus bas), j'apprécie beaucoup le fait qu'on nous présente autant des personnages très connus (comme Hercule ou Méduse) que d'autres qui le sont moins (comme Atlas, Artémis ou Sisyphe)... ou même de parfaits inconnus (ou méconnus, comme le vieux sage Eurysthée!). S'ils n'apparaissent souvent qu'en tant que figurant ou pour un petit caméo, lors de leur premier passage, presque tous reviennent, de plus en plus régulièrement, de manière à devenir récurrents! Ça offre une très grande banque de personnages accessibles aux auteurs, pour donner une grande variété de gags... et c'est tant mieux pour nous! Bravo! ;^)
- la belle modernité que les auteurs ont su insuffler à la série. Tant au niveau du langage (qui est un brin franchouillard, mais qui reste (ALLELUIA! ;^) accessible à notre jeunesse québécoise!) que des références, Cazenove et Larbier nous offrent cet univers, relativement loin de nous, sur un plateau d'argent tout à fait abordable! D'entendre des chansons comme la Cucaracha, Agadou ou À la pêche aux moules de la bouche de Totor, ou de savoir que les téléréalités faisaient partie des calamités s'étant échappées de la boîte de Pandore, moi, non seulement ça me parle : ça me réjouit!! ;^)
- quelques gags, plus efficaces que d'autres. Comme je le dis toujours, la BD de gags est toujours très inégale, et très rares sont les auteurs qui parviennent à garder une bonne moyenne au bâton! Généralement, on se contente de sourire souvent (ce qui est déjà bon!), mais sans plus. Les Petits Mythos sont pas mal dans cette catégorie. Mais si j'analyse mes gags préférés, j'aurais tendance à dire que ça s'en va en s'améliorant!! En effet, si je n'avais au total que trois gags qui m'ont fait pouffer dans les deux premiers tomes (p.8 et 11 du premier, p.26 du second), j'en ai trouvé 5 excellents dans le 3e (p.6, 8, 15, 31 et 32). Ça augure merveilleusement bien pour la suite!!
- la superbe dédicace que Larbier m'a faite, dans mon tome #2... avant de me l'envoyer par la poste, comme ça, gracieusement, juste parce qu'il est ultra sympathique (et qu'il a été agréablement surpris de lire ma critique des Énigmes de Léo, et de découvrir qu'il est lu au Québec!!). Bref, merci encore, Philippe, et au plaisir de me faire dédicacer mes autres tomes, quand tu te décideras à traverser la Grande Flaque : ce n'est pas un café que je te dois, c'est toute une cafetière!! ;^)
- les petits extraits de la Mythologie expliquée par les Petits Mythos, à la fin du tome #3. En effet, en vue de faire la promo de cet excellent documentaire dont je parlais plus haut, les éditions Bamboo ont eu la géniale idée d'en publier 8 pages, dans le tome #3 de la série régulière. Belle façon de mettre l'eau à la bouche des lecteurs avides d'en apprendre plus!! ;^)
Ce qui m'a le plus agacé :
- le fait qu'on doive faire fi d'une certaine méta-cohérence. Par exemple, la composition du principal trio de protagonistes est tout à fait irréaliste : Atlas étant un Titan, il est de la génération qui précède Zeus et ses frères... alors qu'Aphrodite est de la génération qui les succède!! De plus, que la future déesse de la beauté et de l'amour ait le béguin pour... le Minotaure (!?), ça reste quand même assez improbable - bien qu'une des versions de son mythe stipule qu'elle ait été mariée à l'affreux boiteux d'Héphaïstos! De même, on ne sait pas trop sur quel pied danser sur le plan de la linéarité temporelle : par exemple, on retrouve Hercule, dans le tome #1, avec la liste de ses épreuves (p.8)... Pourtant, ce n'est qu'au tome #2 (p.11) qu'Eurysthée la lui révèle!?? Ce même Hercule reçoit (ENFIN) sa superforce à la p.44 du tome #1... alors qu'il ne l'a toujours pas à la p.27 du tome #2... Et c'est sans compter tous ces personnages qui subissent des châtiments permanents (le Cyclope en tête!), mais qui nous reviennent frais et dispos dès la page suivante!... Bien sûr, les jeunes ne se soucieront pas une miette de ces pinailleries!! Ce n'est que mon esprit cartésien qui doit se faire à ce que l'humour prime sur la réalité mythologique... autant soit peu qu'on puisse associer ces deux mots!!?? :^S Heureusement, pour ce qui est des véritables mythes, on peut se fier au petit documentaire dont j'ai parlé plus haut!
- le look de Totor. En fait, il est mignon et sympathique, et on s'y attache facilement tant il est drôle... mais je trouve qu'il ne ressemble en rien à une créature mi-homme (il n'a RIEN d'humain!?) mi-taureau. En fait, à cause de sa palette de couleurs très sombres, il me semble plus apparenté à un sanglier sur deux pattes!! D'accord, les cornes ne sont pas au niveau de la mâchoire, mais de prime abord, quand on jette un coup d'œil rapide, on perçoit plus un genre de sanglier qu'un taureau! :^S Mais un charmant sanglier!! ;^)
- l'utilisation du nom romain d'Héraclès. Alors qu'à peu près tous les noms employés sont issus de la mythologie grecque (Aphrodite, Héphaïstos...), les auteurs ont choisi de faire figurer le grand Héraclès sous son appellation romaine d'Hercule!! Je sais bien que ce nom est plus connu que son pendant grec, mais c'est la même chose pour plusieurs autres!?? Pourquoi ne pas faire confiance aux lecteurs pour Héraclès et le faire pour Aphrodite et Héphaïstos, les Vénus et Vulcain bien connus de tous??! Cette entorse linguistique, fréquente en littérature jeunesse (je l'ai déjà constatée dans plusieurs romans, films ou téléséries), m'a toujours beaucoup agacé.
- deux petites incongruités... La toute première phrase de la série... n'en est pas une!!?? À deux pas de l'Olympe, dans cette Grèce mythologique où les seuls sons que l'on entendait étaient produits par des êtres légendaires qui accomplissaient quelques actes héroïques! Où est la proposition principale?? Au temps que je passe à enseigner à mes élèves l'importance de bien construire leurs phrases, je trouve dommage qu'une BD qui s'adresse à eux leur propose des contre-exemples. Puis, dans le gag du filet de pêche, à la p.28 du premier tome, comment Totor (puis Atlas), peuvent-ils ramener le filet, puisqu'ils le jettent au loin sans aucune retenu... et sans qu'une corde ne rattache le dit filet à leur chaloupe??!
- la trop grande ressemblance physique entre Atlas et Ulysse, les deux personnages masculins qu'on retrouve le plus souvent. Alors que chacun des personnages a un look très typé, ces deux-là ont un peu la même bouille et les mêmes caractéristiques, si ce n'est leur chevelure, légèrement différente. Ça fait en sorte qu'à chaque fois que l'un d'entre eux apparaît dans un gag, je suis obligé d'aller l'identifier à l'aide des pages de garde! Heureusement qu'elles sont là, celles-là! D'ailleurs, la 3e vignette de la p.33, dans le 3e tome, nous montre Ulysse qui interpelle Atlas en l'appelant... Ulysse!!? Les auteurs seraient-ils aussi mêlés que moi??! ;^)
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