#01- COMBIEN?!
Scénariste(s) : Benoît Drousie dit ZIDROU
Dessinateur(s) : Christian DARASSE
Éditions : Dupuis
Collection : X
Série : Tamara
Année : 2003 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Gags en une ou quelques planches, Courts récits
Genre(s) : Humour, Humour tendre, Humour grivois, Quotidien
Appréciation : 4 / 6
|
Tamara, on l'aime GROS!
Écrit le dimanche 08 décembre 2013 par PG Luneau
Tomes lus : #01 – Combien?! (2003)
#02 – C’est bon l’amour! (2004)
#03 – Tout est bon dans le garçon! (2005)
#04 – Faites comme chez vous! (2006)
Ah!! L’adolescence!! S’il est un âge ingrat, c’est bien celui-là! Sophie Bédard nous en dresse un très bon portrait dans ses Glorieux Printemps… Et on connaît le sort peu enviable que les égocentriques Vicky et Jenny réservent à cette pauvre échalote de Karine, par l’entremise de Delaf et Dubuc, dans les Nombrils… Mais Karine n’est pas la seule adolescente du magazine Spirou à subir les sarcasmes et les insultes de ses collègues de classe! Une autre jeune fille, moins connue chez nous, se retrouve dans la douloureuse position de tête-de-turc, mais pour des raisons tout à fait différentes. Ceux qui connaissent bien ce magazine (qui célèbre, soit dit en passant, ses 75 ans cette année, à grands coups de battage médiatique) savent déjà de qui je parle…
Il s’agit bien sûr de la charmante Tamara, communément appelée «la dondon» de service par ses horribles copains de classe (chez nous, on utiliserait plutôt les termes boulotte ou bouboule)! Il est vrai que cette amusante adolescente de 15 ans peine à lutter contre son fort penchant pour les croustilles et les bonbons… d’où son léger embonpoint! Mais chacun sait l’importance (pour ne pas dire la recherche maladive!) de la normalité, chez les jeunes de cet âge! Il suffit que l’un d’entre eux ait un grain de peau plus foncé, un poil rebelle ou une paire de chaussures qui ne soit pas de la marque X (et surtout pas du modèle de l’an passé, la honte!!) pour que l’opprobre et les railleries des autres lui tombent dessus… Alors, imaginez quand c’est quelques kilos en trop!!!
Ainsi, au fil des pages, Tamara tente de faire sa place au soleil (entourée de sa famille – reconstituée) et, comme toutes les jeunes filles, elle espère trouver l’Amour! Cette série de gags en une ou deux planches pourrait facilement tomber dans l’humour gras (excusez le jeu de mots!), et rapidement tourner en rond… mais c’est sans compter sur le génie d’un scénariste qui se taille, depuis quelques années, une fabuleuse réputation d’écrivain accompli, et j’ai nommé Zidrou!
ZIdrou, on l’a d’abord connu pour ses séries jeunesse, comme Choco (devenu Zigo le clown suite à un changement d’éditeurs) ou Margot et Oscar Pluche (devenu Sac à Puces, pour les mêmes raisons), avec De Brad au dessin… Puis, avec divers autres dessinateurs, il a écrit maintes séries qui ont fait les choux gras de Dupuis : le Boss, les Crannibales, l’Élève Ducobu… Mais depuis deux ou trois ans, on ne compte plus la multitude de prix qu’il s’est coltinée en écrivant des scénarii pour adultes, comme la Vieille dame qui n’avait jamais joué au tennis et autres nouvelles qui font du bien (déjà, quel titre incroyable!), Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes? (encore plus inouï, non?!), le Beau voyage… ou le si touchant Lydie.
Car c’est ça, la force de Zidrou : depuis toujours, et même dans ses albums pour les tout jeunes, il sait parler des vraies choses de la vie, avec tendresse, sincérité et empathie! C’est ce qu’on retrouve dans le fabuleux Boule à zéro, par exemple, où l’héroïne est une jeune enfant qu’une leucémie sévère condamne à vivre à l’hôpital…
Et c’est aussi ce qui m’a le plus impressionné, dans les premiers tomes de Tamara! Il en faut, du doigté, pour aborder des thèmes comme le surpoids chez les jeunes filles, la sexualité (chez les ados, mais aussi chez leurs parents, et même les personnes plus âgées!), les filles-mères, le port du voile chez les jeunes musulmanes, les familles reconstituées interraciales, la mort ou l’homosexualité! Pourtant, tous ces thèmes (et bien d’autres!) sont effleurés à divers degrés dans les quatre tomes que j’ai lus… et toujours avec un grand respect de l’intelligence du lectorat.
Pour ce qui est du dessin, Zidrou s’est allié les services d’un bonze de la vieille école de Spirou : Christian Darasse (qui nous a donné, dans les années ’80, la chouette série du Gang Mazda). Je ne vous cacherai pas que j’ai profité du passage de monsieur Darasse au Salon du Livre de Montréal, il y a quelques jours, pour faire sa connaissance, compléter ma collection et lui faire dédicacer quelques-uns de mes tomes… mais je vous conterai ça plus en détails dans une prochaine chronique! Pour le moment, je me contenterai de vous mentionner que les traits rondouillets et relativement épurés de Darasse, jumelés aux couleurs fraîches et vivifiantes de Benoît Bekaert conviennent à merveille à cette chouette série!
Tamara n’étant pas un top model, il est clair que les jeunes n’ont peut-être pas tendance à se lancer d’emblée sur ses albums… de peur de se faire étiqueter (déchéance totale!!) à la gentille mais rondouillette jeune héroïne, j’imagine!… Et c’est bien dommage, car je crois que ces albums gagneraient à se retrouver entre les mains de toutes les adolescentes (et même certains adolescents) de 13 ans et plus… D’abord, pour leur montrer qu’il n’y a pas que les Nombrils qui mérite le détour!! ;^) Puis, pour leur faire voir d’autres modèles moins stéréotypés! En les sensibilisant à cette importante réalité qui les entoure (le taux d’obésité chez les ados n’est-il pas en train de monter en flèche?!), peut-être en viendront-ils à développer un peu plus d’empathie, de tolérance et d’ouverture?...
Laissez-moi au moins en rêver!! ;^)
Plus grandes forces de cette BD :
- mes chouettes dédicaces. Monsieur Darasse m’a gentiment dédicacé trois de ces quatre albums-ci (en plus de six autres – trois Gang Mazda et trois autres Tamara!)! J’ai eu droit à une Tamara qui s’enfile une poutine (visite au Québec oblige!! ;^); puis à une chouette Yoli tenant dans ses bras l’intraitable Casanova, son chihuahua polisson; et ma préférée : celle où Jelilah quitte la maison avec son voile, sous le regard scrutateur de son père! Quelle belle générosité de la part de monsieur Darasse… mais je vous reparlerai de tout ça plus en détails d’ici quelques jours, dans mes chroniques sur le Salon du Livre ;^
- la si délurée Yoli!! Quel tourbillon de fraîcheur que cette jeune fillette basanée!! Âgée de 7 ou 8 ans, cette petite d’origine brésilienne n’a pas la langue dans sa poche, et ses connaissances en matière de drague et de sexe en feront rougir plus d’un!! Elle deviendra très rapidement une précieuse conseillère en la matière pour Tamara! Et que dire de son patois : Miam mioum! ? Je l’adore!!
- le plaisant dessin de Darasse, qui rappelle parfois celui de De Brad (Sac à Puces), parfois celui d’Ers (les Démons d’Alexia). J’adore son efficacité toute simple! Il n’a pas son pareil pour faire des tronches très variées, qui n’ont pas l’air d’être toutes sorties du même moule… mais qui s’amalgament bien ensemble! Chapeau!
- le bel esprit de famille auquel Zidrou nous convie! Dès les premières pages du tome #1, un grand changement survient dans la vie de Tamara : le nouveau chum de sa mère aménage chez elles… avec sa jeune fille! Dur, dur, l’apprivoisement de la petite demi-sœur?? Que nenni!! Avec Zidrou, la communication, le respect et l’entraide (des valeurs qui étaient aussi bien présentes dans l’énorme famille de Margot, dans les Sac à puces!) finissent toujours par régler les choses. La famille reconstituée (et interraciale, en plus!) de Tamara nous propose un modèle très positif de cohabitation! L’ambiance familiale y est très saine, nous montrant bien que la vie de famille n’est pas toujours rose, mais qu’elle est le fondement de nos racines et qu’avec un peu de bonne volonté, tous peuvent y trouver leur compte! (Bon, je m’arrête ici avant de devenir trop cucul et de pathétiquement fondre en larmes de bonheur! ;^)… Et quel contraste avec l’austérité et l’impersonnalité du père de Tamara, un très désagréable chanteur d’opéra qui vient faire une courte visite, dans le tome #4!!
- les thèmes abordés! Wow! J’en parlais plus haut, mais j’insiste : quelle belle brochette de sujets délicats, tous abordés avec justesse et doigté! On parle un peu de pornographie, un peu de sexualité… Quand Tamara sort de chez-elle pour laisser un peu d’intimité à sa mère et son copain en train de se peloter sur le divan du salon, c’est pour se retrouver au cinéma, où deux hommes s’embrassent ou deux aînés se font des mamours comme au temps de leur jeunesse!! Le tout, toujours avec beaucoup de goût et sans jamais rien montrer de choquant!! (Monsieur Darasse m’a même raconté qu’il n’en revenait pas quand les gens de chez Dupuis lui ont «passé la commande» de la couverture du tome #3. Lui trouvait l’idée bien trop osée pour une série jeunesse, mais ses éditeurs ont insisté!!... Darasse a cependant réussi à imposer un détail : la minuscule ligne qui nous laisse comprendre que le gars à des sous-vêtements!!?! Autre exemple de sujet délicat : Sophie, la jeune étudiante qui vit sa grossesse sur les bancs du lycée, ce qui donne l’occasion à la bande d’amis de Tamara de discuter entre eux et de prendre position pour ou contre l’avortement! Vraiment, cette série démontre une belle ouverture, et n’a pas peur de montrer aux jeunes la vie telle qu’elle est!
- l’étendue des émotions ressenties. Outre l’amusement (qui est le postulat de base!!), je dois avouer que Zidrou et Darasse m’ont permis de vivre d’autres belles émotions, comme la mélancolie ou la tristesse… Souvent, les pages qui les suscitent sont tout aussi intéressantes (sinon plus!!) que les planches humoristiques! La tendresse est plus souvent qu’à son tour au rendez-vous, principalement lors des gags portant sur la relation entre Tamara et sa nouvelle petite demi-sœur, comme à la p.9 du premier tome ou à la p.45 du quatrième.
- le groupe d’ados qui entoure Tamara. À partir des tomes #3 et 4, ceux qui n’étaient auparavant que des élèves anonymes occupant les pupitres de la classe, prennent corps de plus en plus. À tour de rôle, ils sont nommés, puis leur personnalité se précise : Wagner, le cruel boutonneux, et son inséparable acolyte Zak, Jelilah, la meilleure copine de Tam… et on sent que d’autres joindront bientôt les rangs. Le fait que ces figurants soient réexploités et «promus» au rang de personnages secondaires rend ce lycée plus réel, plus crédible…
- les petits clins d’œil au magazine Spirou! Dans le tome #4, on surprend Tamara en train de surfer sur… le site de Dupuis! On peut même la reconnaître sur la page d’accueil présentant le magazine Spirou! Plus loin, à la p. 44 du même tome, Tamara porte des lunettes qui lui permettent de voir tous ceux qu’elle croise comme s’ils avaient le triple de leur poids… et ne v’là-t’y pas qu’elle croise Jenny et Vicky, les deux nymphettes anorexiques des Nombrils, devenues éléphantesques – mais arborant toujours leur traditionnel string!! Quel bel hommage, surtout entre gens d’un même magazine!
- les petits remerciements qu’on retrouve périodiquement, en fin de gag. Zidrou et Darasse semblent se faire un point d’honneur de remercier les gens qui leur ont glissé des idées de gags. Ils font, ce faisant, preuve d’honnêteté et d’humilité. Bravo!
- les deux consciences qui assaillent parfois Tamara! À l’instar de celles qu’on a pu voir dans Tintin (Milou se fait tenter par son ange et son petit diable dans Tintin au Tibet… mais je me rappelle aussi que Haddock subit le même genre de tiraillements!), Tamara commence à être aux prises avec deux versions surnaturelles d’elle-même : une ange toute mince et svelte (celle qui a su se retenir de s’empiffrer de friandises) et une petite démone encore plus enrobée qu’elle, qui la pousse à vider les sacs de croustilles! Elles sont très amusantes, ces deux petites visions, et j’espère qu’on les reverra!
- les petits mini-logos qui entourent la pagination. Si les deux premiers tomes ont les mêmes (un poids de balance à plateaux), chacun des deux autres tomes (et les suivants, j’ai vérifié!) possède le sien en propre : le symbole de Vénus, un clapet de cinéma, etc. Il s’agit là d’un infime détail, mais c’est sympathique!
Ce qui m’a le plus agacé :
- le relatif dépouillement des décors. Souvent, les arrière-plans sont un peu absents ou peu développés. C’est dommage, car les fois où ils sont bien garnis, les planches en sont d’autant plus riches : monsieur Darasse démontre de très bons talents de décorateur!! Ce serait chouette qu’il l’exploite plus souvent!
- le manque de suivi sur certains gags. En effet, à plusieurs occasions, j’aurais aimé savoir ce qu’il advenait de telle ou telle situation! Car, au final, Tamara n’a pas tant de difficulté que ça à se dénicher des flirts!! Plusieurs gags se terminent alors qu’elle entraîne un gentil garçon dans un coin sombre… mais on ne sait jamais ce qu’il advient de ces relations naissantes!? Le gag suivant commence sans qu’on ne revienne sur ces belles réussites! Qu’est-ce qui fait que ces relations n’ont pas de suite?? On aimerait bien le savoir!! C’est particulièrement cruel à la fin du tome #3, alors que Tamara s’intéresse, via le Net, à un superbe garçon qui s’avèrera… se déplacer en fauteuil roulant!! Le dernier strip nous laisse deviner que c’est le début d’une belle idylle… mais jamais plus on n’en entend parler!! Ramenez-moi le beau Simon!! ;^)
|